Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire de la commune de Charvieu-Chavagneux a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment industriel, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1805137 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Charvieu-Chavagneux de délivrer le permis de construire dont la délivrance a été sollicitée par M. A... le 4 février 2005 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 avril 2022 et 30 juillet 2024, la commune de Charvieu-Chavagneux, représentée par Me Lenthilac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2022 ;
2°) de l'autoriser à retirer le permis de construire délivré à titre provisoire le 14 avril 2022 ;
3°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la requête introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif de Grenoble n'était pas signée ;
- la demande de permis de construire du pétitionnaire ne comporte que la mention de la présence d'une installation d'assainissement autonome avec un plan de masse signalant très sommairement la présence d'une fosse septique et d'un champ d'épandage ; le tribunal aurait dû assortir son injonction de délivrer le permis de construire à la réalisation d'une étude conforme aux prescriptions de l'arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif de recevoir une charge brute de pollution organique inférieur ou égal à 1,2 kg/j de DBO ; en ne le faisant pas, tribunal a nié les principes énoncés dans la Charte de l'environnement, les codes de l'urbanisme, de l'environnement et général des collectivités territoriales ; le permis délivré sur injonction du tribunal est irrégulier puisque la commune n'a pu contrôler la conception de l'installation d'assainissement autonome, dès lors que M. A... n'a répondu à aucune des demandes de la commune lors du réexamen de sa demande.
Par un mémoire enregistré le 10 juin 2024, M. B... A..., représenté par Me Bergeras, conclut au rejet de la requête de la commune de Charvieu-Chavagneux et à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de permis de construire opposé le 13 février 2018 est entaché d'un défaut de motivation ;
- ce refus, qui a été pris aux motifs que le projet méconnaît, d'une part, l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme et l'article NAj 3 du règlement du plan d'occupation des sols et, d'autre part, l'article NAj 1 du règlement de ce plan applicable au projet litigieux, méconnaît l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative s'agissant du même projet que celui objet de la demande de permis de construire du 4 février 2005 qui a fait l'objet d'un refus par un arrêté du maire de la commune de Charvieu-Chavagneux en date du 22 juin 2005, qui a été définitivement annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 octobre 2010, qui a notamment jugé illégaux les motifs de ce refus initial tirés de la dangerosité de l'accès au terrain d'assiette depuis la RD 24a et de la méconnaissance par ce projet des dispositions de l'article NAj 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Charvieu-Chavagneux ;
- il est entaché de détournement de pouvoir ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme et de l'article NAj 3 du règlement du plan d'occupation des sols ;
- le motif de refus fondé sur les dispositions de l'article NAj 1 du règlement du plan d'occupation des sols est illégal ;
- les dispositions de l'article UI 4 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas applicables au projet en litige.
Par ordonnance du 9 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;
- les observations de Me Lentilhac, représentant la commune de Charvieu-Chavagneux.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est propriétaire d'un ensemble immobilier situé sur un terrain cadastré section ..., sis ... route de Vienne, à Charvieu-Chavagneux. Le 4 février 2005, il a déposé une demande de permis de construire, enregistrée sous le n° PC03808505D1002, en vue de la réalisation d'un bâtiment industriel de 600 m2 comprenant des bureaux, des vestiaires et sanitaires ainsi qu'un hall dédié au stationnement des véhicules et au stockage du matériel de chantier. Cette demande a été rejetée par arrêté du 23 mars 2005, qui a été retiré le 22 juin 2005 et un nouveau refus de permis de construire a été pris à cette même date, aux motifs de la méconnaissance des article NAj 1, NAj 4 et NAj 7 du plan d'occupation des sols (POS) alors en vigueur. Par un arrêt n° 09LY00390 du 12 octobre 2010, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le refus de permis de construire opposé à M. A... le 22 juin 2005. L'intéressé a réitéré sa demande de permis de construire par un courrier reçu en mairie le 24 octobre 2014. Par un arrêté du 15 janvier 2015, le maire de Charvieu-Chavagneux a de nouveau refusé d'accorder le permis de construire sollicité aux motifs tirés de la méconnaissance des articles UI 4 et UI 7 du règlement du plan d'occupation des sols approuvé le 16 juillet 2012. Par un jugement n° 1501605 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé l'arrêté du 15 janvier 2015 au motif qu'en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, la commune était tenue d'examiner la demande de permis de construire sur le fondement des dispositions du plan d'occupation des sols en vigueur en 2005 et, d'autre part, enjoint au maire de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire déposée le 4 février 2005 dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement sous astreinte. Par un arrêté du 13 février 2018, le maire a refusé d'accorder le permis de construire aux motifs, d'une part, de la dangerosité de l'accès au projet litigieux sur le fondement des articles NAj 3 du règlement du plan d'occupation des sols et de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de l'occupation partielle par le projet litigieux de la zone NAj sur le fondement de l'article NAj 1 du règlement de ce plan. M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté par une lettre du 9 avril 2018, reçue le 11 avril suivant, lequel a été implicitement rejeté. Par un jugement du 17 février 2022 dont la commune de Charvieu-Chavagneux relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 13 février 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. A... et a enjoint au maire de Charvieu-Chavagneux de délivrer le permis de construire dont la délivrance a été sollicitée le 4 février 2005. Le maire a, par ailleurs, délivré, le 14 avril 2022, à titre provisoire le permis de construire sollicité.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La commune soutient que le jugement attaqué est irrégulier, en ce que le tribunal n'a pas rejeté la requête de M. A..., laquelle était irrecevable en raison de son absence de signature. Toutefois, le moyen tiré de ce que le tribunal n'a pas relevé l'irrecevabilité de la demande de première instance n'entache pas la régularité du jugement mais relève de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né de l'exécution d'un contrat. / La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui ". Aux termes de l'article R. 431-4 du même code : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat (...) la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 du même code : " Les caractéristiques techniques de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 (...) garantissent la fiabilité de l'identification des parties ou de leur mandataire (...) Un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, définit ces caractéristiques, les exigences techniques qui doivent être respectées par les utilisateurs et leurs modalités d'inscription ". Aux termes de l'article R. 414-4 de ce code : " L'identification de l'auteur de la requête, selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-3, vaut signature pour l'application des dispositions du présent code (...) " et aux termes de l'article R. 611-8-4 du même code : " Lorsqu'une partie ou son mandataire adresse un mémoire ou des pièces par l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, son identification selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-1-1 vaut signature pour l'application des dispositions du présent code (...) ".
5. Il résulte des dispositions des articles R. 414-1, R. 414-3 et R. 414-4 du code de justice administrative, et de l'arrêté du 2 mai 2018 relatif aux caractéristiques techniques de l'application mentionnée à l'article R. 414-1, que lorsque l'avocat d'une partie adresse au tribunal administratif un mémoire par l'intermédiaire de l'application informatique dénommée " Télérecours ", son identification, selon les modalités prévues pour le fonctionnement de cette application, vaut signature au titre du code de justice administrative.
6. En l'espèce, le conseil de M. A... a, comme il était tenu de le faire, présenté la requête de première instance au moyen de l'application " Télérecours " selon les modalités prévues par l'arrêté du 2 mai 2018. En vertu de l'article R. 414-4 du code de justice administrative, l'identification du conseil du requérant par cette application informatique vaut signature de la requête. Par suite, la commune de Charvieu-Chavagneux n'est pas fondée à soutenir que la requête de première instance était irrecevable en l'absence de signature.
7. En second lieu, la commune de Charvieu-Chavagneux conteste l'injonction qui lui a été faite par le tribunal de délivrer, au nom de la commune, à M. A... le permis de construire sollicité le 4 février 2005, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
8. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et de l'article L. 424-3 du code d'urbanisme que lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'urbanisme délivrée dans ces conditions peut ensuite être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement.
9. En l'espèce, d'une part, le plan d'occupation des sols de la commune de Charvieu-Chavagneux, en vigueur à la date de la demande de permis de construire déposée le 4 février 2005, régit l'examen de la demande de permis de construire en litige. Ainsi, la commune ne peut utilement se prévaloir, à l'appui du présent moyen, d'obligations de forme et de fond, en matière d'assainissement non collectif qui n'étaient pas en vigueur à la date de dépôt de la demande de permis de construire. D'autre part, ainsi qu'il a été jugé par la cour administrative d'appel de Lyon, par un arrêt n° 09LY00390 du 12 octobre 2010, devenu définitif, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article NAj 4 du règlement du plan d'occupation des sols applicable, opposé à la demande de permis de construire de M. A... par l'arrêté du 22 juin 2005 était illégal, dès lors " qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'un bâtiment à usage de bureaux et entrepôt de matériel, ne peut être régulièrement raccordé à une installation d'assainissement autonome ". Au demeurant, par le jugement attaqué, et non contesté sur ce point, le tribunal a écarté, la demande de substitution de motif présentée par la commune et tirée de la méconnaissance, par le projet en litige, des dispositions de l'article NAj 4 du règlement du plan d'occupation des sols. Enfin, ni les dispositions en vigueur à la date de la décision en litige ni la situation de fait existant à la date du jugement attaqué ne faisaient obstacle à la délivrance d'un permis de construire. Par suite, la commune de Charvieu-Chavagneux n'est pas fondée à soutenir que l'injonction de délivrance aurait dû être assortie de la réalisation d'une étude conforme aux prescriptions de l'arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Charvieu-Chavagneux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 13 février 2018 et a enjoint au maire de Charvieu-Chavagneux de délivrer le permis de construire dont la délivrance a été sollicitée par M. A... le 4 février 2005.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Charvieu-Chavagneux est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Charvieu-Chavagneux et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
Mme Claire Burnichon, première conseillère,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
La présidente-rapporteure,
A.-G. Mauclair L'assesseure la plus ancienne,
C. Burnichon
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne à la préfète de l'Isère en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 22LY01160 2