Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 30 avril 2024 par laquelle la préfète de l'Allier l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2401209 du 23 août 2024, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2024, Mme C... représentée par l'AARPI Ad'Vocare agissant par Me Bourg, demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Allier ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est entaché d'omissions à statuer, d'erreurs de droit, de défaut de motivation et de dénaturation de ses écritures ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :
- elles sont insuffisamment motivées ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision de refus de séjour pour irrecevabilité de la demande de titre de séjour est illégale au regard des dispositions de l'article 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant explicitement que le délai de trois mois visé par l'autorité préfectorale, n'est pas opposable en cas de " circonstances nouvelles ", ce qui est le cas en l'espèce ;
- elle est également illégale dès lors que le délai de trois mois ne pouvait pas lui être opposé dans la mesure où elle n'était plus en demande d'asile à la date du dépôt de sa demande de titre de séjour en tant que parent d'enfant malade ;
- la mesure d'éloignement méconnaît l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une absence d'examen de sa situation personnelle et de celle de ses enfants mineurs et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
- elle est illégale par voie d'exception de la décision portant refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreurs de droit et d'erreur d'appréciation et d'un défaut d'examen suffisant de sa situation.
Par ordonnance du 20 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2025.
Un mémoire présenté par le préfet de l'Allier a été enregistré le 14 mai 2025 postérieurement à la clôture de l'instruction.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise, qui, selon ses déclarations, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 14 juillet 2023, a présenté une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision du 13 septembre 2023 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) confirmée par une décision du 25 janvier 2024 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 30 avril 2024, la préfète de l'Allier l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement susvisé en date du 23 août 2024 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des points 3 et 4 du jugement attaqué que la présidente du tribunal administratif a répondu au moyen tiré de l'exception d'illégalité en jugeant que la décision en litige portant obligation de quitter le territoire est seulement fondée sur la circonstance que l'intéressée a été déboutée du droit d'asile et non pas sur la décision de refus d'enregistrement de sa demande d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de son fils, de sorte qu'elle pouvait valablement s'abstenir de répondre aux autres branches inopérantes du moyen tiré de l'exception d'illégalité de la " décision portant refus de séjour ". Si l'appelante conteste l'analyse à laquelle s'est livrée le premier juge, une telle critique de cette réponse relève non de la régularité du jugement, mais de son bien-fondé. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la première juge aurait omis de statuer sur ce moyen.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que la présidente du tribunal administratif a examiné et écarté, par une motivation suffisante en son point 2, le moyen soulevé en première instance tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige. Elle n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments soulevés à l'appui de ce moyen par la requérante. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation du jugement et de l'omission à statuer sur ce moyen ne peuvent qu'être écartés.
4. En troisième lieu, il ressort du point 6 du jugement attaqué que le jugement attaqué a écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 631-3, 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui concerne l'expulsion. Si l'appelante conteste l'analyse à laquelle s'est livrée la première juge, une telle critique de cette réponse relève non de la régularité du jugement, mais de son bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
5. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la présidente du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et commis des erreurs de droit dans les réponses aux moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision en litige vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 4° de l'article L. 611-1, ainsi que l'article L. 612-8. Elle précise également les éléments de faits se rapportant à la situation de l'intéressée. La circonstance que l'autorité préfectorale n'ait pas fait état de la circonstance qu'elle a déposé une demande d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de son fils sur le fondement de l'article L. 425-11 de ce code ne saurait, à elle-seule, révéler une insuffisance de motivation dès lors que les motifs de la décision se rapportent bien à la situation personnelle de l'appelante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide d'obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve, notamment, dans le cas mentionné au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme C... ayant été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 25 janvier 2024, cette dernière ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'appelante ne peut dès lors utilement soutenir que la circonstance qu'elle a déposé une demande d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de son fils sur le fondement de l'article L. 425-11 de ce code s'opposerait à l'édiction de cette mesure, ni que la préfète du Rhône ne pouvait décider son éloignement sans se prononcer expressément sur la demande d'admission au séjour qu'elle a déposée sur ce fondement. En outre, l'obligation de quitter le territoire étant seulement fondée sur la circonstance que l'intéressée a été déboutée du droit d'asile et non pas sur la décision de refus d'enregistrement de sa demande d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de son fils, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la " décision portant refus de séjour pour irrecevabilité " en ses différentes branches doit être écarté comme inopérant.
9. En troisième lieu, cette décision n'étant pas une décision d'expulsion, l'appelante ne saurait utilement se prévaloir de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par la présidente du tribunal administratif aux points 5 et 6 du jugement attaqué, les moyens que l'appelante avait invoqués en première instance tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, en particulier celle de son fils aîné au regard de son état de santé et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, moyens que l'appelante réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. D'une part, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants, qui sont également de nationalité congolaise, de leur mère. D'autre part, les certificats médicaux produits, qui ne contiennent aucune indication sur la gravité de la pathologie ni les conséquences d'une absence de prise en charge de son fils et qui ne démontrent pas que sa situation médicale serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de retour en République démocratique du Congo, ne suffisent pas à établir que l'intérêt supérieur de cet enfant serait méconnu par la décision en litige.
14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ".
15. La requérante ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'elle et ses fils seraient personnellement exposés à des peines et traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Congo et, au demeurant, il est constant que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas tenu ses craintes pour établies. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit au point 13, et en l'absence d'argumentation spécifique sur l'allégation tiré de l'absence de traitement approprié à l'état de santé de son fils, en fixant le pays à destination duquel Mme C... est susceptible d'être éloignée, la préfète de l'Allier n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
16. Il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que l'appelante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
17. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
18. L'arrêté attaqué mentionne les motifs de fait et de droit au regard desquels la préfète de l'Allier a décidé d'interdire à la requérante le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. La préfète y cite les dispositions précitées de l'article L. 612-8, qui est également visé, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, écarte l'existence de circonstances humanitaires au regard de la situation de la requérante, puis examine les critères devant être pris en compte pour fixer la durée d'une interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de la décision interdisant à l'intéressée le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que l'autorité préfectorale, n'aurait pas procédé un examen approfondi et complet de la situation de la requérante.
19. Pour édicter la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, la préfète de l'Allier s'est fondée sur le caractère récent de l'entrée en France de la requérante et de ce qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si l'appelante invoque l'état de santé de son fils et la prise en charge dont il fait l'objet en France, compte tenu de ce qui a été dit précédemment et alors qu'elle n'établit par aucun commencement de preuve que son enfant ne pourrait pas être pris en charge dans son pays d'origine et y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, la préfète de l'Allier, en prenant cette décision, n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
20. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY03127