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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY02671

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 05 juin 2025, 24LY02671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 juin 2024 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2401312 du 18 juin 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2024, M. C..., représen

té par Me Demars, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 juin 2024 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2401312 du 18 juin 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Demars, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2024 du préfet du Puy-de-Dôme ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui restituer son passeport ;

4°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de mettre fin sans délai à la mesure de surveillance le concernant ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le premier juge n'a pas statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés du vice de procédure et du défaut d'examen par le préfet de sa situation psychologique ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- son droit d'être entendu a été méconnu, dans la mesure où il a été empêché de présenter des observations sur sa situation personnelle et pénale de nature à influer sur le sens de la décision à intervenir ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de son état de santé ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit faute pour le préfet de justifier de l'accomplissement de diligence dans le cadre de l'organisation matérielle de son départ ;

- l'arrêté emporte des conséquences manifestement disproportionnées sur sa situation personnelle au regard de la circonstance qu'il est convoqué devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand le 18 décembre 2024 à 13 heures 45 et méconnaît la garantie du droit de comparaître à son procès prévue à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 28 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 15 novembre 2024.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 6 mai 1978, est entré en France le 20 novembre 2018. Par des arrêtés du 30 mars 2023, devenus définitifs, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... a exécuté les obligations mises à sa charge dans le cadre de l'assignation à résidence jusqu'au 2 mai 2023. Par un arrêté du 11 juin 2024, le préfet du Puy-de-Dôme a assigné M. C... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours en l'obligeant à résider à l'adresse où il a été assigné tous les jours entre 6 heures et 7 heures et à se présenter tous les jours à 10 heures, y compris les dimanches et jours fériés, à l'hôtel de police de Clermont-Ferrand. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement susvisé du 18 juin 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'appelant soutient que le premier juge aurait omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'il aurait soulevé à l'encontre de l'assignation à résidence. Toutefois, le premier juge y a répondu en examinant aux points 8 et 9 du jugement en litige, conformément à la nature de son office, si la mesure d'assignation et de présentation périodique prévue par cette assignation à résidence n'était pas disproportionnée et entachée d'erreur d'appréciation. L'irrégularité invoquée doit donc être écartée.

3. En second lieu, le jugement est régulièrement motivé, tant s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu que s'agissant du moyen tiré de l'absence de prise en considération de son état de santé psychologique. La circonstance que le requérant conteste la motivation du jugement attaqué sur ces points ne caractérise pas par elle-même un défaut de motivation.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

4. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

5. M. C... soutient ne pas avoir été en mesure, préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige, de faire valoir son état de santé nécessitant un suivi médical et un traitement médicamenteux en vue de stabiliser le syndrome anxio-dépressif, ainsi que sa convocation personnelle notifiée le 1er février 2024 à une audience devant le tribunal correctionnel le 18 décembre 2024 à 13 heures 45. Toutefois, alors que son état de santé ne fait pas obstacle à la mesure édictée et que le requérant pouvait, en vertu de l'article 410 du code de procédure pénale, faire valoir auprès de cette juridiction qu'il est dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté, ou en vertu de l'article 411 du même code, demander à être jugé en son absence en étant représenté au cours de l'audience par son avocat ou par un avocat commis d'office, ces seuls éléments exposés ne permettent pas de considérer que, s'ils avaient été portés à la connaissance du préfet du Puy-de-Dôme, celui-ci ne l'aurait pas assigné à résidence. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence est entachée d'un vice de procédure et d'une violation des droits de la défense doit être écarté.

6. Il ne ressort ni de sa motivation, ni des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas examiné sérieusement la situation du requérant au regard de sa décision du 30 mars 2023 l'assignant à résidence. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 731-3 du même code : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 732-4 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2 (...) de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. / Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. Toutefois, dans les cas prévus aux 2° et 5° du même article, elle ne peut être renouvelée que tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire. ".

8. Si M. C... soutient que l'arrêté portant assignation à résidence en litige est entaché " d'erreurs de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ", les seules circonstances tirées de son état psychologique et de ce qu'il a fait l'objet d'une convocation devant une juridiction pénale, dans la mesure où cette circonstance est postérieure à la décision attaquée, ne sont pas de nature à démontrer que le Préfet du Puy-de-Dôme aurait, en estimant qu'il existait une perspective raisonnable d'éloignement de l'intéressé, ce dernier faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français légale, fait une inexacte application du 1° précité de l'article L. 731-1 ou commis une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existait pas, à la date de l'arrêté attaqué, une réelle perspective que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre puisse être exécutée dans le délai d'assignation prévu par cet arrêté. A cet égard, la circonstance que ce n'est que le 13 juin 2024 que le préfet du Puy-de-Dôme a sollicité la délivrance d'un " routing " en vue de l'éloignement de M. C... n'est pas de nature à établir qu'à la date de la décision en litige son éloignement ne demeurait pas une perspective raisonnable. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. Enfin, l'arrêté en litige du 11 juin 2024 qui oblige le requérant à résider à l'adresse où il a été assigné pour une durée de quarante-cinq jours, n'a ni pour objet ni pour effet de le priver du droit de se défendre devant le tribunal judiciaire lors de l'audience prévue le 18 décembre 2004. Par suite, cette décision ne méconnaît pas le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02671
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly02671 ?
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