Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juin et 5 juillet 2024, la société Éoliennes de Le Bouchaud, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel la préfète de l'Allier a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien de trois aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune du Bouchaud, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a rejeté son recours hiérarchique reçu le 2 mai 2024 ;
2°) à titre principal, de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Allier, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer l'autorisation sollicitée et, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa demande d'autorisation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- la préfète ne pouvait, sans erreur de droit ni d'appréciation, opposer que le projet a vocation à s'implanter dans une zone définie comme non constructible par la carte communale, dès lors qu'un parc éolien est considéré comme une installation nécessaire à des équipements collectifs, d'intérêt général ; le projet est conforme à l'article R. 161-4 du code de l'urbanisme ; il n'a qu'une incidence très faible sur l'activité agricole, en phase de chantier comme d'exploitation, prélevant un hectare de surface agricole en phase exploitation, et l'incidence sur les paysages étant globalement très faible ;
- la préfète ne pouvait sans erreur de droit ni d'appréciation opposer que le plan d'aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes Entr'Allier Besbre et Loire n'orienterait pas l'EPCI vers l'énergie éolienne, rendant l'avenir du projet incertain au niveau territorial, ce document d'urbanisme, en cours d'élaboration, n'étant pas applicable, et avec lequel elle n'avait pas à rendre son projet conforme en application de l'article D. 181-15-2 12° a) du code de l'environnement ; le PADD prévoit d'ailleurs que le PLUi devra permettre d'encadrer et de maîtriser l'installation des différents types d'énergies renouvelables dont l'éolien ; au demeurant la communauté de communes a émis un avis favorable sur le projet par délibération du 27 novembre 2023 ;
- la préfète a fait référence au plan climat-air-énergie territorial (PCAET) adopté par la communauté de communes, lequel n'est toutefois toujours pas publié, et ne constitue qu'un document de planification stratégique et opérationnel qui n'est pas de nature à faire obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée ;
- la préfète a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement en estimant que le projet porte atteinte aux paysages et au patrimoine et en estimant qu'en conséquence il porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 de ce code, dès lors que le site d'implantation ne présente aucun caractère remarquable ni aucun intérêt particulier ; des éléments de relief et de végétation atténuent les visibilités ; des éléments d'anthropisation, notamment plusieurs routes départementales, des parcelles agricoles de grande culture et quatre autre parcs éoliens, sont déjà présents ; le projet a été restreint à trois éoliennes, avec un choix d'implantation cohérent avec les lignes de force du paysage ; s'agissant du patrimoine, seuls quatre des éléments patrimoniaux, peu nombreux dans l'aire d'étude rapprochée, présentent une sensibilité faible à très faible, les autres n'y étant pas sensibles ; aucun impact significatif n'est caractérisé depuis le Puy d'Ambroise, éloigné de 17 kilomètres, ni depuis le paysage des hameaux situés à proximité immédiate, lesquels ne présentent pas de caractère particulier ; les premières habitations sont situées à plus de 500 mètres du projet ; l'incidence, faible pour l'ensemble des autres hameaux, est modérée depuis le hameau des Meniaux, des Pontères, des Brenons, des Pertins, du Pont et des Pinauds, et plus marquée depuis le hameau des Grands Bots ; le hameau des Chaumes est celui sur lequel l'impact visuel est le plus important ; des mesures de réduction et d'accompagnement sont prévues, dont une bourse aux arbres, favorisant le hêtre et le chêne vert, le petit charme, le troène et le fusain, notamment pour les hameaux situés à proximité du projet avec les incidences les plus importantes ;
- s'agissant de la commodité du voisinage, il n'y a pas d'effet de saturation constaté du fait de la présence des autres parcs éoliens ; l'indice d'occupation de l'horizon théorique par l'éolien est peu élevé avant-projet, avec des distances importantes entre les différents parcs ; les communes de Chassenard, de Saint-Didier-en-Donjon, du Donjon, de Liernolles, de Monétay-sur-Loire, de Montcombroux-les-Mines, de Bert, de Barrais-Bussolles, de Droiturier, de Saint-Pierre-Laval sont situées au-delà du périmètre de 6 kilomètres du projet ; depuis la commune de Loddes, les fenêtres visuelle sont réduites et la végétation en limite l'impact ; depuis la commune de Montaiguët-en-Forez, le projet n'augmente l'angle d'occupation visuelle que de 16 degrés par rapport aux parcs existants ;
- la préfète a entaché son arrêté d'erreur de fait et d'appréciation quant aux atteintes aux commodités du voisinage du fait de l'impact sonore ; l'étude d'impact est complète s'agissant du volet acoustique, dont la méthodologie est conforme ; la période et les localisations de mesure sont justifiées ; l'étude retrouve des émergences probables au niveau de certains points de mesurage acoustique selon certaines conditions météorologiques et orientations, auxquelles répond un plan de bridage acoustique, adapté et précis, et le projet prévoit une étude acoustique de réception afin d'optimiser le bridage ; l'impact résiduel est qualifié de très faible ;
- s'agissant de l'atteinte à des espèces protégées, aucune précision n'est apportée aux termes de l'arrêté quant aux espèces concernées, pas même si les espèces concernées relèvent de l'avifaune ou sont des chiroptères ; l'étude relève un impact brut du projet évalué fort sur les chiroptères en phase de travaux et d'exploitation, toutefois ramené à un niveau négligeable au regard des mesures d'évitement et de réduction ; l'impact sur l'avifaune est également négligeable ;
- la préfète a entaché son arrêté d'une erreur de fait, quant à l'absence d'étude géotechnique alors qu'une des éoliennes serait implantée dans une zone particulièrement concernée par les retraits argileux ; mais l'étude de dangers précise qu'aucune éolienne n'est concernée par le patch d'aléa fort et qu'aucun risque n'est retenu dans le dossier départemental des risques naturels de l'Allier ;
- l'insuffisance du gisement de vent n'entre pas dans les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement mais relève de la rentabilité économique du projet ; la commune du Bouchaud présente un bon potentiel de développement éolien, grâce notamment à un gisement de vent mesuré à 5 mètres par seconde (moyenne de long terme) à 100 mètres de hauteur ; le site est le plus pertinent au regard du gisement de vent, de l'altitude et du raccordement.
Par un mémoire enregistré le 7 novembre 2024, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que son arrêté est suffisamment motivé en droit comme en fait et contient l'ensemble des moyens en réponse qu'il serait possible d'opposer à la société requérante.
Par un mémoire en intervention enregistré le 31 décembre 2024, l'association Le Bouchaud Environnement, représentée par Me Cortes, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société Éoliennes de Le Bouchaud la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à intervenir ;
- le projet est incompatible avec le PLUi ; il est contraire aux objectifs d'aménagements du territoire inscrits au PADD ; l'ensemble des communes membres de la communauté de communes ont opposé un avis défavorable au projet ; la communauté de communes Entr'Allier, Besbre et Loire a approuvé un PCAET par délibération du conseil du 9 novembre 2021, alors que le projet indique qu'il n'en existe pas ; le diagnostic du PCAET n'identifie pas le site d'implantation comme une zone potentielle d'implantation de l'éolien ; le projet est incompatible avec le PCAET ;
- le projet porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
o s'agissant des paysages : l'atteinte est constituée depuis le Puy d'Ambroise, site classé ; la concentration de parcs éoliens et fermes photovoltaïques crée une saturation paysagère ; la création d'une bourse aux arbres ne constitue pas une mesure de compensation suffisante ; la multiplicité des zones d'implantation accentue le phénomène de saturation ;
o s'agissant de la conservation des sites et des monuments : l'architecte des bâtiments de France avait rendu un avis très réservé en 2019, relevant un phénomène d'écrasement du village du Bouchaud ; l'église de Neuilly-en-Donjon, située à proximité de la ZIP et avec laquelle le projet entre en co-visibilité, est incluse dans le dossier d'inscription des sites clunisiens au patrimoine de l'Unesco, ainsi que les paysages du pays Charolais-Brionnais ; la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) relevait aux termes de son avis du 13 août 2019 une atteinte à divers monuments historiques ;
o s'agissant de l'atteinte aux commodités du voisinage et des hameaux situés à proximité : la sensibilité est très forte pour les hameaux du Bouchaud, notamment depuis Le Bouchaud et l'Etoile ; les photomontages n'illustrent pas l'impact sur le hameau de La Forêt, sur des gîtes ou chemin de randonnées situés à proximité, ainsi que le relevait le commissaire enquêteur ; le dossier minimise l'impact du projet ; un grand nombre d'habitations se situent à moins de 1 500 mètres, sans que les photomontages l'illustrent suffisamment ; seuls quatre clichés représentent l'impact de nuit ; la hauteur des machines est de 200 mètres quand l'étude paysagère préconise de privilégier une hauteur de 150 mètres ; la mise en place d'une bourse aux arbres ne permet pas de limiter cet impact ; il n'y a pas d'analyse des nuisances occasionnées par les ombres portées ; s'agissant des nuisances sonores, l'étude acoustique est insuffisante avec seulement quatre relevés aux alentours de la ZIP sur douze, les autres correspondant à des ZIP non retenues ; ces relevés ne sont pas assez précis pour garantir l'absence de nuisance acoustique pour les habitants ; le hameau de La Forêt n'a fait l'objet d'aucune mesure ; une incertitude demeure quant au type d'éoliennes retenu, et donc quant au bruit généré et à la pertinence de l'étude acoustique et des mesures de bridage qu'elle propose ; aucune mesure n'est prévue relativement aux ultrasons ; le projet va générer des infrasons, alors qu'un habitant résidant à 4 kilomètres souffre d'acouphènes ;
- la proximité du projet avec des boisements, fréquentés par l'avifaune et les chiroptères, expose au risque de destruction d'espèces protégées ; l'étude environnementale conclut à des enjeux forts à majeurs sur les chiroptères, au regard du contexte bocager favorable aux gîtes arboricoles et d'une forte activité de chasse au sol et en canopée ; les normes Eurobats de distance ne sont pas respectées pour les éoliennes E1 et E3 ; la présence locale de colonies importantes de chiroptères sensibles aux éoliennes recensées dans le dossier de demande d'autorisation environnementale est confirmée par deux conventions refuges de la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) dans le voisinage immédiat de la zone d'implantation ; le risque de collision est estimé fort pour les espèces de rapaces diurnes nichant dans la ZIP ; le Courlis, la Pie-Grièche, le Milan Royal et la Cigogne Noire sont présents à proximité immédiate de la ZIP ; aucune mesure ne garantit la préservation de cette espèce ; la Bécasse est présente sur la zone et ne fait l'objet d'aucune mesure spécifique ; le projet se situe au sein de couloirs de migration de rapaces et oiseaux d'eau, dont le Milan Royal et la Cigogne Noire ; diverses espèces d'insectes ont également été contactées, dont des espèces protégées et patrimoniales ; le Hérisson d'Europe est présent sur la zone, et ne fait l'objet d'aucune mesure spécifique ; les mesures d'évitement et de réduction sont insuffisantes voire absentes concernant certaines espèces ; les dispositifs de détection et d'arrêt des éoliennes n'ont pas démontré leur efficacité ;
- une zone humide se situe aux droits de la ZIP, qui va être altérée par les travaux ; les mesures compensatoires pour la perte de cette zone humide sont insuffisantes, soit l'aménagement d'une petite mare au milieu de terres cultivables ; une étude hydrologique révèle la présence de nombreuses sources et ruisseaux au droit de la ZIP ainsi qu'une nappe phréatique à fleur de sol ; aucune étude de risque n'a été réalisée sur les risques d'assèchement, de pollution ou de détournement de ces sources ; le puits des Coulons se situe à 500 mètres de la ZIP et sert à abreuver soixante à quatre-vingt bovins ; le projet expose au risque d'assèchement, par perte d'une zone humide, assèchement de la canopée par effet de sillage des éoliennes, et perte de deux puits de carbone naturel, non compensée ;
- le projet se situe en zone de retrait argileux ; le dossier ne comprend aucune étude géotechnique alors que l'un des aérogénérateurs se situe dans une zone concernée par les retraits argileux en aléa fort dans une zone humide ; l'étude d'impact environnemental, et notamment l'étude de dangers, est insuffisante sur ce point ; elle produit une étude hydrologique qui démontre la présence de circulation d'eaux souterraines à faible profondeur ;
- le projet n'est pas rentable ; la force des vents est insuffisante pour justifier un intérêt général ; les éoliennes requièrent une vitesse de vent minimale de 15 kilomètres par heure en deçà desquels les pales ne peuvent pas tourner ; le rendement n'est maximal qu'avec des vents compris entre 50 kilomètres par heure et 90 kilomètres par heure ; les vents sont particulièrement faibles dans l'Allier, situé en zone 1 de la carte du régime des vents de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), soit une moyenne de 4,5 mètres par seconde ; les relevés météo France indiquent que les vents les plus fréquents sont de 3 à 4 mètres par seconde ; le diagnostic du PCAET indique des vents faibles sur le secteur ; il ressort du rapport du Giec de 2021 que l'Europe est soumise à un affaiblissement progressif des vents ; ces vents faibles imposent des éoliennes de 200 mètres en bout de pale pour garantir le fonctionnement du parc, qui devraient cependant être soumises à plusieurs mesures de bridage du fait de la présence des chiroptères, des migrations de l'avifaune, des périodes de croule de la Bécasse ; les effets de sillage freineront le rendement.
Par un mémoire en intervention enregistré le 2 janvier 2025, la société France Aliplus, représentée par Me Vergnon, demande à la cour d'admettre son intervention, de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société Éoliennes de Le Bouchaud la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à intervenir, étant propriétaire ou occupante de terrains situés à 650 mètres du terrain d'assiette du projet dont elle est voisine immédiate ; elle aura à subir des incidences en phase de travaux, et visuelles et sonores en phase d'exploitation, qui affecteront son " cadre de vie " ; sa production repose sur un équilibre environnemental fragile ; elle réalise des produits avec des plantes récoltées sur place, à quelques kilomètres du pied de l'une des futures éoliennes ; la fabrication des produits nécessite " une harmonie électromagnétique ", du fait d'un équipement en panneaux photovoltaïques, et aucune pollution ;
- le signataire de l'arrêté était compétent ;
- le projet porte atteinte aux paysages en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, notamment du fait de la hauteur des éoliennes projetées, implantées au milieu d'un ensemble paysager naturel de type bocage et dénué de toute autre construction ; le projet sera visible depuis le Puy d'Ambroise, les communes de Chassenard, Saint-Didier-en-Donjon, Le Donjon, Liernolles, Monétay-sur-loire, Montcombroux-les-Mines, Bert, Barrais-Bussolles, Loddes, Droiturier, Saint-Pierre-Laval et Montaiguët-en-Forez dans un rayon d'au moins 15 kilomètres, voire jusqu'à 50 kilomètres ; le projet expose à un effet de saturation visuelle.
Par une ordonnance du 2 décembre 2024, l'instruction a été close au 6 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Rochard, substituant Me Guihoux, pour la société Éoliennes de Le Bouchaud, ainsi que celles de Me Cortes pour l'association Le Bouchaud Environnement ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2025, pour la société Éoliennes de Le Bouchaud ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Éoliennes de Le Bouchaud a déposé le 5 juillet 2022 auprès de la préfète de l'Allier une demande, complétée le 12 janvier 2023, d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien, composé de trois aérogénérateurs d'une hauteur de 200 mètres en bout de pale, pour une puissance totale maximale de 14,4 MW, et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune du Bouchaud. Par un arrêté du 1er mars 2024, la préfète de l'Allier a décidé de rejeter cette demande. La société Éoliennes de Le Bouchaud, par un courrier du 26 avril 2024, reçu le 2 mai 2024, a formé un recours hiérarchique contre cette décision, auquel le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a pas répondu. La société Eoliennes de Le Bouchaud demande à la cour d'annuler cet arrêté du 1er mars 2024 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.
Sur les interventions :
2. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance.
3. L'association Le Bouchaud environnement, qui a pour objet, selon l'article 2 de ses statuts, " la protection de l'environnement, notamment de la faune, de la flore, du patrimoine culturel et des paysages, contre toutes les atteintes et nuisances qui pourraient lui être portées, entre autres par l'implantation d'éoliennes et des équipements qui lui sont liés ", " sur le territoire des communautés de communes de Entr'Allier Besbre et Loire et des communes limitrophes de cette Communauté de Communes ", a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué. Par suite, son intervention, qui est recevable, doit être admise.
4. La société France Aliplus, spécialisée dans la production de nourritures pour animaux ruminants à base de céréales, fait valoir que le parc sera implanté à 650 mètres des parcelles dont elle est propriétaire ou qu'elle occupe, dont des parcelles de culture céréalière. En sa qualité de personne morale elle ne justifie pas, du seul fait de vues sur les éoliennes et de nuisances sonores susceptibles d'en résulter, dont rien ne permet de dire qu'elles pourraient porter atteinte à son activité, d'inconvénients particuliers pour la commodité de voisinage. Si elle soutient que le parc exposerait ses productions à la pollution, et nuirait à " l'équilibre électromagnétique " qu'elle aurait su établir, elle n'apporte aucune précision sur ces points. Dès lors, faute de caractériser un intérêt au maintien du refus contesté, son intervention, qui n'apparaît pas recevable, ne saurait être admise.
Sur la légalité de l'arrêté :
5. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables, rappelle les éléments de la procédure et décrit le projet de parc éolien. Il indique que le projet est situé en zone non constructible de la carte communale de la commune du Bouchaud et que les orientations du PADD du PLUi en cours d'adoption de la communauté de communes ne lui sont pas favorables. Il précise que le projet porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, s'agissant des paysages, au regard notamment des effets cumulés avec les autres parcs construits ou prévus, depuis le Puy d'Ambroise, et qu'il expose également à un effet de saturation visuelle dans un rayon de 15 kilomètres pour nombre de communes, alors que les mesures d'évitement et de réduction sont insuffisantes, s'agissant de la fragilité du paysage bocager et au regard de son faible vallonnement. Il indique que le projet présente un fort impact paysager à l'échelle des hameaux situés à proximité immédiate, les éoliennes présentant une hauteur supérieure à celle préconisée dans l'étude paysagère du fait de la faiblesse des vents, et que les mesures de bridage nécessaires à l'atténuation du bruit en dessous de 35 décibels sont mal définies. Il souligne que les préconisations en termes d'éloignement des boisements et du réseau bocager ne sont pas respectées, et que la destruction d'individus d'espèces protégées n'est pas suffisamment prévenue. Il relève que l'une des éoliennes est particulièrement exposée à un risque de retrait argileux et que, faute de garanties quant à une production d'énergie satisfaisante, au regard de la faiblesse de l'apport en vent, l'intérêt général du projet reste à affirmer au regard des nuisances induites. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'arrêté contesté, qui comporte les éléments de fait et de droit lui servant de fondement, est motivé.
6. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". L'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au refus d'autorisation en litige, dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, (...) , soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ". Dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.
7. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'un projet de parc éolien est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article.
8. En vertu de l'article L. 515-44 du code de l'environnement, la délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement d'au moins 500 mètres entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation.
9. La préfète a opposé, pour motiver son refus d'autorisation un impact paysager fort à l'échelle des hameaux situés à proximité immédiate du projet. Ce faisant, elle doit être regardée comme ayant opposé une atteinte à la commodité du voisinage. La société pétitionnaire, dans son mémoire en réponse à l'avis de la MRAE, avait toutefois précisé que " l'implantation de 3 éoliennes forme des angles d'occupation sur l'horizon réduits, de 5° en moyenne pour la majorité des bourgs. Seul Le Bouchaud, étant plus proche, est concerné par un angle de 30°. Toutefois, compte tenu du contexte éolien peu dense, il conserve un vaste angle de respiration de 210°. L'ensemble de ces facteurs contribue au fait qu'il n'y ait pas de ressenti de saturation visuelle à l'échelle du territoire. ". Si, en particulier, la distance de 455 mètres entre les éoliennes E1 et E2 et de 375 mètres entre les éoliennes E2 et E3, et leur disposition, qui contiennent l'effet d'encerclement, empêchent de caractériser, depuis les hameaux proches, un phénomène de saturation visuelle par cumul avec les autres parcs existants, il n'apparaît pas en revanche que, compte tenu de la hauteur importante des machines, qui s'élèvent à 200 mètres en bout de pales, la configuration des lieux, au relief peu marqué, comme la végétation existante, suffiraient à atténuer les sérieux effets de surplomb et les fortes incidences en résultant pour les constructions avoisinantes, qualifiées par l'étude d'impact de très fortes pour le hameau l'Étoile, et de fortes pour les hameaux Les Grands Bots, Les Chaumes et le Bouchaud qui, bien qu'éloignés de plus de 500 mètres des éoliennes les plus proches, n'en restent séparés, pour les premières habitations concernées, que par des distances comprises entre 511 mètres (Les Chaumes), 537 mètres (l'Étoile), 1,13 kilomètres (Le Bouchaud), et 1,43 kilomètres (Les Grands Bots). L'étude d'impact souligne que la majorité des hameaux disposent d'ores et déjà d'écrans végétaux de nature à limiter les vues sur le projet, mais précise que " depuis les entrées des propriétés et les chemins d'accès, les éoliennes se découvrent ". Si, comme le montre cette étude, le projet comporte pour les hameaux cités ci-dessus mais également pour les hameaux Les Meniaux, les Pontères, les Brenons, les Pertins, Le Pont, Les Pinauds, La Forêt, et Neuilly-en-Donjon, pour lesquels l'atteinte est considérée comme modérée, des mesures de réduction, dont la mise en place d'une bourse aux arbres, et des plantations sous forme d'alignements d'arbres avec, pour tenir compte du temps de pousse, une strate arbustive à croissance rapide, et de haies arborées ou bocagères, entre 2 et 3 mètres, il apparaît cependant que, compte tenu spécialement de leur haute taille, mais également de leur proximité de lieux d'habitation, notamment dans les hameaux de L'Étoile, des Grands Bots, des Chaumes et du Bouchaud, les éoliennes en demeureraient particulièrement visibles sans que les plantations envisagées par l'exploitant parviennent à restreindre notablement l'effet d'écrasement qui en résulterait. Ainsi que l'étude d'impact le relève d'ailleurs, l'incidence résiduelle demeure forte, spécialement depuis le hameau de l'Étoile. Il n'apparaît pas que, s'agissant de la commodité du voisinage, des prescriptions additionnelles auraient permis d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, et même si les propriétaires au hameau l'Étoile ont signé un bail emphytéotique avec la société exploitante alors que, pas plus que les autres habitants des hameaux voisins, ils n'ont contesté l'arrêté en litige, la préfète de l'Allier était fondée à retenir que le projet éolien portait atteinte à cette dernière disposition.
10. Dans ces conditions, et même en admettant que les autres motifs de refus opposés par la préfète de l'Allier seraient infondés, et dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision en se fondant seulement sur les inconvénients pour la commodité du voisinage, les conclusions à fin d'annulation que la société Éoliennes de Le Bouchaud a présentées à l'encontre de l'arrêté contesté du 1er mars 2024 et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation, d'injonction et d'astreinte :
11. Compte tenu de ses motifs, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution spécifique. Les conclusions à fin d'injonction présentées par la société requérante doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Éoliennes de Le Bouchaud la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Éoliennes de Le Bouchaud une somme au titre des frais exposés par l'association Le Bouchaud Environnement et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association Le Bouchaud Environnement est admise.
Article 2 : L'intervention de la société France Aliplus est rejetée.
Article 3 : La requête de la société Éoliennes de Le Bouchaud est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association Le Bouchaud Environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Éoliennes de Le Bouchaud, au préfet de l'Allier, à l'association Le Bouchaud Environnement, à la société France Aliplus et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée à la commune du Bouchaud.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
I. BoffyLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01831
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