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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY01001

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 05 juin 2025, 24LY01001


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.



Par un jugement n° 2306623 du 31 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une req

uête enregistrée le 6 avril 2024, M. B..., représenté par Me Aboudahab, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 2306623 du 31 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 avril 2024, M. B..., représenté par Me Aboudahab, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 26 septembre 2023 ;

2°) subsidiairement de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour de justice de l'Union européenne ait interprété l'alinéa 3 de l'article 13 de l'Accord de partenariat du 23 juin 2000 conclu entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou, sur la question de savoir s'il s'oppose ou non à une décision de refus de séjour mettant indirectement fin à un contrat de travail légalement signé et dont la durée de validité est encore en cours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois en qualité de salarié ou de travailleur temporaire ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de A... la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement, qui a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur l'obligation de quitter le territoire français, alors que le juge des référés avait ordonné la suspension de l'exécution du refus de titre de séjour et enjoint à la préfecture de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, est irrégulier ;

- il est insuffisamment motivé ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il justifie du sérieux de ses études ; il n'a pas de liens avec son père ;

- en se fondant de façon prépondérante sur l'existence de liens dans le pays d'origine, sans avoir une approche globale de sa situation, le préfet a commis une erreur de droit ;

- le retrait implicite de l'autorisation de travail dont il bénéficiait par application de l'article L. 5221-5 du code du travail du fait de sa minorité aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire, tirée de l'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui n'a pas été mise en œuvre ; cette décision implicite n'est pas motivée ;

- en vertu des stipulations de l'accord UE-ACP et de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, et afin de ne pas méconnaître l'article 13 de cet accord, son droit au séjour devra être prolongé au moins jusqu'au terme de son contrat de travail.

La préfète de l'Isère à laquelle la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.

Par une décision du 13 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B.... Puis, par une décision du 3 juillet 2024, la seconde demande d'aide juridictionnelle présentée par l'intéressé a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses états membres, signé à Cotonou, Benin, le 23 juin 2000 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêt C-97/05, du 14 décembre 2006 de la cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Aboudahab, pour M. B... ;

Vu la note en délibéré présentée le 24 mai 2025 pour M. B... qui demande, compte tenu de la caducité de sa demande d'aide juridictionnelle, que A... soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant guinéen né le 28 juillet 2004, déclare être entré en France le 8 octobre 2020 à l'âge de seize ans. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance le 23 novembre 2020. Le 9 juillet 2022, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 septembre 2023, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, lorsque l'administration ne prend une décision faisant droit à la demande d'un administré qu'en vue d'assurer l'exécution de l'ordonnance par laquelle un juge des référés a suspendu l'exécution de la décision de refus initiale et enjoint à l'autorité administrative de procéder à un réexamen de la demande, une telle décision, qui revêt par sa nature même un caractère provisoire, n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions tendant à l'annulation de la décision initiale de refus.

3. Il ressort des pièces du dossier que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, par une ordonnance du 22 novembre 2023, suspendu l'exécution du refus de titre de séjour du 26 septembre 2023 et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de dix jours à compter du prononcé de l'ordonnance. A supposer même qu'à la date à laquelle le tribunal a statué le préfet avait délivré à M. B... une telle autorisation provisoire de séjour, celle-ci revêtait par sa nature même un caractère provisoire et n'avait pas pour effet de priver d'objet les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

4. En second lieu, le jugement est suffisamment motivé.

Sur le refus de séjour :

5. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, tels qu'exposés aux points 3 à 7 du jugement, d'écarter ces moyens.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. / L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. Cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. / L'autorisation de travail peut être retirée si l'étranger ne s'est pas fait délivrer un certificat médical dans les trois mois suivant la délivrance de cette autorisation. ".

7. Par application de ces dispositions, M. B..., qui était alors mineur confié à l'aide sociale à l'enfance, a disposé de droit d'une autorisation de travail lors de la signature, pour une durée de deux ans à compter du 1er septembre 2021, du contrat d'apprentissage le liant à la société ERG, et devait être regardé, pour l'application de ces dispositions, le temps de sa minorité comme autorisé à séjourner en France. Toutefois, à compter de sa majorité, le 28 juillet 2022, le maintien de cette autorisation de travail, notamment après la prolongation de son contrat d'apprentissage, présentait nécessairement un caractère précaire, subordonné à l'examen de son droit au séjour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 26 septembre 2023 vaudrait retrait implicite d'une autorisation de travail créatrice de droit et aurait dû, en conséquence, être précédé d'une procédure contradictoire, par application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et, en tout état de cause, des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il n'est pas plus fondé à soutenir que ce retrait implicite devait être motivé par application du 4° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

8. En troisième lieu, faute de publication, notamment sur le site www.interieur.gouv.fr, spécialement sur la page prévue à cet effet, de la circulaire INTV2121684J du 12 juillet 2021, M. B... ne saurait utilement invoquer le point 2.1 de cette circulaire, dont il résulte que : " Le contrat signé, et visé par un organisme compétent (Opérateur de Compétences), suffit. Il autorise à travailler pour toute sa durée y compris lorsque le jeune bénéficiaire de ce contrat devient majeur (il n'est pas nécessaire de solliciter une autorisation de travail pour le jeune devenu majeur alors que l'employeur et la nature du contrat restent les mêmes) ; ".

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 13 de l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses états membres, signé à Cotonou, Benin, le 23 juin 2000 : " 3. Chaque A... membre accorde aux travailleurs ressortissants d'un pays ACP exerçant légalement une activité sur son territoire, un traitement caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement. Chaque A... ACP accorde, en outre, à cet égard un traitement non-discriminatoire comparable aux travailleurs ressortissants des États membres. ".

10. Ces stipulations ne font pas, en principe, obstacle à ce que A... membre d'accueil refuse de proroger le titre de séjour d'un ressortissant d'un pays ACP, qu'il a autorisé à entrer sur son territoire et à y exercer une activité salariée, pour toute la période pendant laquelle l'intéressé y dispose de cet emploi, dès lors que le motif initial de l'octroi de son droit de séjour n'existe plus au moment de l'expiration de la durée de validité de son permis de séjour. Il n'en irait différemment que si ce refus avait pour effet de remettre en cause, en l'absence de motifs de protection d'un intérêt légitime de A..., tels que des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, le droit à l'exercice effectif d'un emploi conféré à l'intéressé dans cet A... par un permis de travail dûment accordé par les autorités nationales compétentes pour une durée dépassant celle du titre de séjour.

11. Comme il a été indiqué précédemment, M. B... n'a été autorisé à exercer une activité en France qu'en raison de sa qualité de mineur confié à l'aide sociale à l'enfance. Dès lors qu'il était devenu majeur, l'autorisation de travail accordée à M. B... revêtait un caractère précaire, subordonné à son droit au séjour. Dans ces conditions M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé, en ce qu'il vaudrait retrait de son autorisation de travail, aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 13 de l'accord de Cotonou.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre A..., ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre A..., ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01001

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01001
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly01001 ?
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