Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 février 2024 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2402330 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 16 février 2024 susvisées ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen dès lors qu'elle ne se prononce pas sur sa demande d'autorisation de travail ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir général de régularisation du préfet ;
- elle aurait dû être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête de M. A... a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 19 février 1966, entré en France pour la première fois le 9 juin 2006 selon ses déclarations, a sollicité le 2 mai 2022 un titre de séjour sur le fondement des articles 3 et 7 quater de l'accord franco-tunisien et des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 1er juillet 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a invité à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a informé qu'à l'issue de ce délai il pourrait être remis aux autorités italiennes et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Cette décision de refus de séjour, ainsi que par voie de conséquence l'interdiction de retour, ont été annulées, en raison d'un défaut d'examen complet de la demande de titre de l'intéressé, par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 octobre 2022. En exécution de ce jugement, la préfète du Rhône, par des décisions du 16 février 2024, a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision en litige que la préfète du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 visé ci-dessus : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention 'salarié' ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Selon l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...). ". En vertu de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente.
5. Si, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, le motif indiqué par la préfète du Rhône tiré de ce que M. A... ne justifie pas d'un contrat de travail visé favorablement par les autorités compétentes est entaché d'erreur de droit, dès lors que l'intéressé a produit au soutien de sa demande de titre de séjour une demande d'autorisation de travail signée par son employeur datée du 12 août 2020, la préfète lui a également opposé la circonstance qu'il ne justifie pas être entré en France au moyen d'un visa de long séjour. Ce motif justifie légalement la décision de refus de séjour sur le fondement des dispositions précitées dès lors que les dispositions de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, sont applicables aux ressortissants tunisiens sollicitant un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige est entachée à ce titre d'erreur de droit, d'un défaut d'examen, ou d'une insuffisance de motivation.
6. Si M. A... soutient également que la préfète aurait commis des erreurs de fait concernant l'expérience professionnelle retenue et le fait que l'emploi en cause d'ouvrier polyvalent au sein d'une société spécialisée dans les activités de nettoyage des bâtiments et nettoyage industriel n'était pas un métier dit " en tension ", cette autorité aurait pris la même décision de refus de séjour si elle s'était fondée uniquement sur le motif tiré de l'absence de visa de long séjour. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose par ailleurs que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
8. M. A... soutient qu'il réside en France depuis dix-sept ans et est bien intégré au sein de la société française, bénéficiant d'une promesse d'embauche. Toutefois, la durée de résidence en France évoquée par le requérant ni d'ailleurs celle de plus de dix ans n'est pas démontrée par les pièces versées au dossier. M. A... se borne pour les années 2015 à 2020 à produire quelques factures de fournisseurs d'énergie. L'intéressé ne justifie en outre d'aucune attache privée et familiale en France. Demeurent dans son pays d'origine son épouse et ses trois enfants majeurs. Son passeport indique plusieurs entrées et sorties du territoire français entre 2017 et 2020 et M. A... était titulaire d'un titre de séjour italien valable jusqu'au 30 juillet 2023. La seule promesse d'embauche produite par l'intéressé datant du 12 août 2020 pour le poste susvisé d'ouvrier polyvalent est insuffisante pour justifier d'une insertion professionnelle particulière. Il ne démontre par ailleurs aucune insertion sociale. Dans ces conditions, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut être accueilli.
9. En quatrième et dernier lieu, M. A... réitère en appel les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète au regard de son pouvoir général de régularisation s'agissant d'un titre de séjour " salarié " et de ce que la décision aurait dû être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour en raison de sa durée de présence de plus de dix ans en France, auxquels le tribunal a répondu par des motifs pertinents qu'il convient pour la cour d'adopter. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision susvisée serait illégale en raison de l'illégalité de cette première décision.
11. Pour les mêmes motifs que ceux visés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales également dirigé contre la décision susvisée doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. Compte tenu de la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle fixant le délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. Les moyens dirigés contre les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement serait illégale pour défaut de base légale.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 24LY02145