Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux mois et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande.
Par un jugement n° 2310166 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Béchaux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2023 du préfet de la Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement, qui n'a pas statué sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation, est entaché d'une omission à statuer ;
- le refus de titre de séjour qui lui est opposé est entaché d'une erreur de droit, aucun texte n'imposant de fournir une attestation de comparabilité pour l'exercice d'une profession ;
- le refus de séjour critiqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le métier qu'il exerce est caractérisé par des difficultés de recrutement ;
- l'illégalité du refus de titre qui lui est opposé entache d'illégalité l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité les décisions portant fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, notamment son article 3 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né en 1978 et entré en France en 2016, a fait l'objet d'un arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux mois. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient M. B... en appel, il résulte du jugement attaqué, notamment du point 4, que le tribunal a statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des prévisions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants étrangers pour des motifs tirés de leur vie privée et familiale, du pouvoir de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale ou encore des conséquences du refus critiqué sur la situation personnelle de M. B.... Par suite, ce jugement n'est pas entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est simplement relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée, et il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. En revanche, en l'absence de stipulations de l'accord franco-marocain régissant l'admission au séjour en France des ressortissants marocain au titre de la vie privée et familiale, les ressortissants marocains peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande de régularisation exceptionnelle de leur situation sur ce dernier fondement.
5. En premier lieu, il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet a relevé que le requérant n'avait pas produit d'attestation de comparabilité en France, de son diplôme marocain de technicien en mécanique automobile et engins obtenu en 2015. Cet élément venait à l'appui du constat également opéré par le préfet que M. B... ne produisait pas de justificatif d'expérience professionnelle antérieure dans ce domaine, qu'il ne démontrait ainsi pas avoir une qualification, une expérience ou des diplômes particulièrement remarquables ou que les caractéristiques de l'emploi auquel il prétendait seraient de nature à rendre opportune la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par conséquent, en estimant, au vu de ces éléments et non pas seulement, contrairement à ce qui est allégué, au seul motif de l'absence d'attestation de comparabilité, que le requérant ne justifiait pas des qualifications nécessaires de nature à le conduire à mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, le préfet n'a pas commis l'erreur de droit alléguée, au regard de l'appréciation de ses qualifications professionnelles.
6. En deuxième lieu, si les stipulations de l'accord franco-marocain n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié, les circonstances tenant à son parcours professionnel et à son intégration sur le territoire national, invoquées par M. B..., ne sont pas de nature à justifier la régularisation de sa situation par le travail, quand bien même il aurait présenté, outre ses diplômes, une expérience professionnelle de deux ans au sein de la même entreprise, et qu'il serait particulièrement compétent et consciencieux. En outre, la circonstance, postérieure à la décision attaquée, qu'il a conclu un nouveau contrat de travail le 3 octobre 2023 en qualité de préparateur de véhicules est sans influence sur la légalité de l'arrêté en litige. Dès lors, le préfet, qui a examiné l'opportunité de faire usage de son pouvoir de régularisation, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer sur ce fondement un titre de séjour à titre exceptionnel.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". L'article R. 5221-20 du code du travail dispose que : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration (...) "
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et une demande d'admission exceptionnelle au séjour, dont les conditions d'application à un ressortissant marocain ont été rappelées aux points 3 et 4. Par conséquent, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'examen, par le préfet, des conditions de l'article 3 de l'accord franco-marocain et de l'article R. 5221-20 du code du travail visés au point précédent, à supposer ce moyen invoqué, ni des difficultés de recrutement pour les métiers en tension dans le département de la Loire. En tout état de cause, de telles difficultés ne constituent pas un motif exceptionnel de régularisation au regard du droit au séjour.
9. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4 du jugement attaqué qu'il convient d'adopter dès lors qu'ils n'ont pas été utilement critiqués en appel, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants étrangers pour des motifs tirés de leur vie privée et familiale, du pouvoir de régularisation dont dispose l'autorité préfectorale ou encore des conséquences du refus critiqué sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. La décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français :
11. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi et interdisant le retour sur le territoire français, tiré de l'illégalité de cette décision, doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction qu'il a présentées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le requérant.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01922