Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune d'Allinges a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2019 du préfet de la Haute-Savoie autorisant le renouvellement et l'extension de l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de matériaux alluvionnaires hors d'eau sur la commune du Lyaud et l'arrêté du 3 juillet 2019 du préfet de la Haute-Savoie portant dérogation aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement sur la protection des espèces protégées.
Par un jugement n° 1905965 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2022, et des mémoires en réplique, enregistrés les 1er mars et 3 juin 2024, la commune d'Allinges, représentée par Me Chanlair, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'ordonner avant-dire-droit la communication de diverses données ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2022 ;
3°) d'annuler les arrêtés attaqués, à titre subsidiaire abroger l'arrêté du 2 juillet 2019 et à titre infiniment subsidiaire, arrêter un autre trajet pour les transports des matériaux issus de l'exploitation ou s'y rendant ou enjoindre au préfet d'en arrêter un dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, cette décision conditionnant " la réalisation des programmes prévus au PLU et au futur PLUi HM de Thonon agglomération ainsi que le PAPAG du Noyer " ;
4°) de mettre solidairement à la charge des sociétés SAS Les Carrières chablaisiennes et SAS Sagradranse une somme globale de 13 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a à tort écarté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 juillet 2019 comme irrecevables ;
- l'arrêté du 3 juillet 2019 est entaché d'un vice d'incompétence dans la mesure où la subdélégation accordée au signataire est illégale ;
- une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées aurait dû être présentée dans l'étude d'impact et cela a nui à l'information du public dès lors que la société Sagradranse doit être regardée comme l'exploitante du site ;
- le périmètre pour lequel a été demandée la dérogation à la destruction des espèces protégées a été sous-estimé alors que le projet en litige est en réalité une exploitation multisite ;
- le dossier de demande de dérogation était insuffisant dans la mesure où l'ensemble des espèces concernées n'a pas été visé et l'inventaire est incomplet et incohérent ;
- l'arrêté du 3 juillet 2019 est dépourvu de base légale en ce qu'il vise une délibération de la commune du Lyaud datée du 1er avril 2019 alors que le compte rendu du conseil municipal ne comporte aucune trace de cette délibération ;
- les conditions de délivrance de la dérogation au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ne sont pas réunies dès lors que les mesures d'évitement ou de réduction envisagées ne sont pas crédibles, que le maintien des espèces concernées dans un état de conservation favorable n'est pas assuré et que l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur n'est pas démontrée ;
- le signataire de l'arrêté du 2 juillet 2019 n'était pas compétent ;
- la société Les Carrières chablaisiennes qui a déposé le dossier de demande d'autorisation n'est pas le véritable exploitant de l'installation ;
- le dossier de demande d'autorisation n'était pas complet dès lors qu'il ne comportait pas les procédés de fabrication que le demandeur mettra en œuvre, qu'il ne présente pas les capacités techniques et financières de l'exploitant, que l'origine géographique des déchets n'est pas précisée, que le dossier ne comporte pas d'autorisation de défrichement, qu'il ne présente pas la preuve que les contrats de fortage pour tous les propriétaires sont valables et que le document prévu au 6° de l'article R. 512-6 est insuffisant ;
- l'étude d'impact était insuffisante dans la mesure où elle n'a tenu compte que du site d'implantation du projet alors que l'exploitation de la carrière concerne plusieurs sites ; ainsi, elle n'a pas analysé l'impact du projet sur la population et la santé humaine, en particulier l'absorption de poussière de silice issues de l'exploitation et des transports, et les risques liés à leur inhalation, les impacts sur la biodiversité, l'augmentation des risques liés au trafic routier et les impacts sur les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat ;
- les risques pris en compte dans l'étude de danger sont insuffisants sur plusieurs points, qui sont l'exposition aux poussières de silice, le respect des normes prescrites par l'arrêté préfectoral du 22 septembre 1994, la présence d'une décharge de déchets inertes, l'atteinte à la ZNIEFF et les risques liés aux particules fines émises par le trafic routier ;
- le dossier soumis à enquête publique était incomplet en ce qu'il ne contient pas la demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, la demande d'autorisation de défrichement, la demande d'autorisation d'exploiter une décharge de 5e catégorie, l'avis du conseil départemental, l'avis de la chambre d'agriculture et l'avis de l'ARS ;
- l'enquête publique a eu lieu durant les vacances scolaires et durant une période restreinte, ce qui a nui à l'information du public ;
- l'arrêté du 2 juillet 2019 est illégal en ce qu'il méconnaît le schéma régional de cohérence écologique de la région Auvergne-Rhône Alpes ;
- le projet en litige est contraire au schéma départemental des carrières de la Haute-Savoie de septembre 2004 ;
- le schéma régional des carrières est entaché d'illégalité ;
- l'arrêté du 2 juillet 2019 a méconnu les dispositions de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement dans la mesure où l'autorisation a été délivrée antérieurement à l'arrêté du 3 juillet 2019 portant dérogation au titre des espèces protégées ;
- cet arrêté est illégal du fait de l'illégalité du règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Lyaud, contraire au plan d'aménagement et de développement durable ;
- l'arrêté attaqué n'est pas justifié par des raisons impératives d'intérêt public majeur ;
- les capacités financières de la société pétitionnaires ne sont pas justifiées ;
- le trafic routier généré par l'exploitation de la carrière représente un danger pour la santé publique ;
- les principes de précaution et de protection de la santé ont été méconnus ;
- le préfet aurait dû surseoir à statuer dans la mesure où le PLU de la commune du Lyaud était en cours de révision à la date de la demande ;
- dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction, la cour pourra ordonner la communication des données relatives à l'origine géographique des matériaux traités à Amphion et Vongy, celles relatives à la composition chimique exacte des matières ajoutées, des données détenues par les entreprises sur les volumes exacts des tonnages exportés vers la Suisse par Sagradranse, par barge et par camions, des données sur les volumes et la nature des importations de matières destinées aux ISDI d'Aviet et du Lyaud y compris les déclarations aux douanes Suisses, mais aussi les documents de déclaration annuelle des types de déchets, leurs origines et les quantités admises sur le site du Lyaud, et toutes données détenues par Sagradranse, les résultats de tous les contrôles pour vérifier notamment leur fréquence, le contrat de gestion de l'espace naturel sensible entre le département et la commune du Lyaud, les délibérations du conseil municipal autorisant à passer un contrat de fortage et celle autorisant à signer le contrat de gestion de l'ENS, l'étude annoncée en 2021 par le Préfet relative au choix de parcours pour les camions de la carrière du Lyaud ;
- les arrêtés ne sont pas régularisables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2024, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le défaut d'intérêt à agir de la commune à l'encontre de l'arrêté du 3 juillet 2019 a été retenu à bon droit par le tribunal ;
- à titre subsidiaire, les moyens dirigés contre cet arrêté ne sont pas fondés ;
- les moyens dirigés contre l'arrêté du 2 juillet 2019 ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 1er septembre 2023, 12 avril 2024 et 21 juin 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SAS Les Carrières Chablaisiennes et la SAS Sagradranse, représentées par Me Braud, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la commune d'Allinges une somme de 15 000 euros pour chacune d'elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- la commune d'Allinges ne justifie pas d'un intérêt pour agir à l'encontre des arrêtés ;
- subsidiairement, aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une ordonnance du 24 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Braud, représentant la SAS Les Carrières Chablaisiennes et la société Sagradranse.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 juillet 1987, le préfet de Haute-Savoie a autorisé l'entreprise Giletto SA à exploiter une carrière de matériaux alluvionnaires hors d'eau sur le territoire de la commune du Lyaud. Cette activité a été reprise depuis 1988 par la SAS Les Carrières chablaisiennes. Par un arrêté du 2 juillet 2019, le préfet de la Haute-Savoie a accordé à cette dernière le renouvellement et l'extension de l'autorisation d'exploiter cette carrière. Par un arrêté du 3 juillet 2019, le préfet de la Haute-Savoie a, sur le fondement du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, délivré à SAS Les Carrières chablaisiennes, dans le cadre de son projet de poursuite et d'extension de la carrière, la dérogation, d'une part, à l'interdiction de destruction et de perturbation d'espèces protégées, d'autre part, à l'interdiction de destruction, d'altération ou la dégradation des sites de reproduction ou des aires de repos d'espèces protégées présentes sur ce site. La commune d'Allinges interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l'article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue. L'article L. 511-1 du même code, auquel renvoie l'article L. 181-3, vise les dangers et inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".
3. Il ressort du point 4 du jugement attaqué que pour accueillir la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la commune d'Allinges à l'encontre de l'arrêté du 3 juillet 2019, le tribunal a retenu que cette décision accorde à la SAS Les Carrières chablaisiennes, au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dans le cadre du renouvellement et de l'extension de la carrière, une dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces animales protégées et à leurs sites de reproductions ou d'aires de repos dont le périmètre est strictement limité à l'emprise de la carrière située sur le territoire de la commune du Lyaud. Il a estimé que le seul fait que la commune d'Allinges, distante d'environ 600 m de la carrière en cause, soit située au sein de la même zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type II " zones humides du Bas Chablais " ne lui confère pas un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté attaqué dès lors qu'elle n'établit pas que cet acte aura une incidence sur sa propre situation ou sur les intérêts dont elle a la charge, qu'elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la faune présente sur son territoire serait impactée par l'arrêté attaqué ni que les espèces protégées concernées par celui-ci ne pourront retrouver des zones d'habitats et de reproduction, y compris sur son territoire. Le tribunal a également retenu que la commune ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles L. 101-1, L. 101-2, L. 113-1 et L. 151-4 du code de l'urbanisme qui concernent l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité à agir.
4. Pour contester la régularité du jugement sur ce point, la commune d'Allinges réitère ses arguments relatifs à la circonstance que son patrimoine naturel appartient à la même ZNIEFF de type 2 que celui du projet d'extension de la carrière contesté et que la conservation de ce patrimoine naturel et de son environnement est directement impactée par l'arrêté portant dérogation à l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Toutefois, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments concernant les risques directs impliqués par le fonctionnement et l'exploitation de la carrière et ne démontre pas que l'atteinte pour la conservation d'espèces protégées et de leur habitat telle qu'elle le présente, qui ne saurait naître ni du renouvellement de l'autorisation d'exploitation accordée ni de son extension très limitée, affectera particulièrement son territoire. Alors que la ZNIEFF constitue un outil d'inventaire scientifique du patrimoine naturel dépourvu par lui-même de portée juridique et que, par ailleurs, certaines parties du site exploité doivent être remises en état aux termes du titre 9 de l'arrêté du 2 juillet 2019, la commune n'établit pas l'impact direct de cet acte sur la qualité de son environnement. Par suite, en rejetant comme irrecevables les conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du 3 juillet 2019, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'arrêté du 3 juillet 2019 :
5. Il résulte de ce qui a été dit aux trois points précédents que la commune d'Allinges n'est recevable à demander ni l'annulation ni l'abrogation de l'arrêté du 3 juillet 2019 accordant une dérogation à la destruction d'espèces protégées, son intérêt pour agir n'étant pas justifié. Par suite, ses conclusions présentées sur ce point ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
En ce qui concerne l'arrêté du 2 juillet 2019 :
S'agissant de la légalité externe :
6. En premier lieu, il convient, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qui n'ont pas été utilement critiqués en appel, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 2 juillet 2019 en ce que la délégation qui lui a été accordée n'est ni totale ni générale. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la délégation de signature accordée par une autorité devrait énumérer de façon exhaustive les actes pour lesquels elle s'applique. Il en va ainsi également de la circulaire du 28 mars 2017 relative aux règles applicables en matière de délégation de signature aux préfets, qui se borne, sans contradiction avec les éléments précédents, à indiquer que la délégation de signature doit définir avec une précision suffisante l'objet et l'étendue des compétences auxquelles elle s'applique, ainsi que les décisions ou les actes concernés.
7. En deuxième lieu, la commune n'apporte à hauteur d'appel aucun élément de nature à établir, ainsi que les premiers juges l'ont retenu au point 11 du jugement, que la SAS Les Carrières chablaisiennes, qui a déposé le dossier de demande d'autorisation, ne serait pas l'exploitante de la carrière. Sur ce point, la commune ne démontre pas que la sous-traitance des travaux d'extraction organisée au profit de la société Sagradranse, d'ailleurs expressément mentionnée dans le dossier de demande d'autorisation, et qui apporte ses garanties techniques, constituerait une irrégularité de nature à entacher l'arrêté attaqué d'illégalité.
8. En troisième lieu, d'une part, l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 prévoit que : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : (...) / 5° Lorsqu'une demande d'autorisation de projet d'activités, installations, ouvrages et travaux prévus par l'article L. 181-1 du code de l'environnement est formée entre le 1er mars et le 30 juin 2017, le pétitionnaire peut opter pour qu'elle soit déposée, instruite et délivrée : / a) Soit en application des dispositions (...) du chapitre II du titre Ier du livre V de ce code, et, le cas échéant des dispositions particulières aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code qui lui sont nécessaires, dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance ; le régime prévu par le1° leur est ensuite applicable ; / b) Soit en application des dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code issu de la présente ordonnance. (...) ". L'article 17 de cette même ordonnance réserve également l'exception de son entrée en vigueur au 1er mars 2017 dans le cas prévu au b) du 5° de l'article 15 visant le cas d'un pétitionnaire, déjà titulaire d'une autorisation énumérée par le I de l'article L. 181-2, sollicitant une autorisation environnementale, et qui est ainsi dispensé de fournir les pièces du dossier nécessaires à leur obtention, le préfet étant également dispensé d'effectuer les consultations correspondantes. Toutefois, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la SAS Les Carrières chablaisiennes, dont le dossier de demande d'autorisation a été déposé le 11 mai 2017, puisse opter pour que sa demande soit instruite conformément aux dispositions mentionnées au a) du 5° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017. Par suite, c'est sans erreur que tant le préfet que le tribunal ont retenu que l'instruction de ce dossier pouvait être régulièrement opérée selon le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement et le cas échéant du I de l'article L. 181-2 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 26 janvier 2017. En outre, contrairement à ce que la commune soutient, il n'est pas établi que l'administration aurait fait application de l'article 17 et aurait dispensé le pétitionnaire de fournir certaines pièces au dossier ou se serait elle-même dispensée d'effectuer les consultations nécessaires. Par conséquent, l'ensemble de ses arguments relatifs aux pièces manquantes et consultations non effectuées doivent être écartés, le constat de carence opéré par la commune, au titre notamment de la déclaration de l'augmentation des volumes à traiter de deux autres sites d'exploitation et de l'agrément pour le traitement des déchets, n'étant pas autrement assorti des précisions suffisantes sur les dispositions légales qui auraient été méconnues. En outre, et s'agissant de ce dernier élément, l'ensemble des moyens relatifs à la méconnaissance des dispositions inhérentes à la gestion des déchets inertes est inopérant, ainsi que le tribunal l'a retenu au point 25 de son jugement, dès lors que l'installation projetée ne peut être regardée comme une installation de stockage de déchets ou destinée au traitement des déchets.
9. Si la commune réitère son moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation en ce qui concerne tant les consultations d'organismes divers que les autres documents manquants, notamment les procédés de fabrication que le demandeur mettra en œuvre, la présentation des capacités techniques et financières de l'exploitant, l'origine géographique des déchets, l'autorisation de défrichement, alors sur ce point que l'absence d'état boisé du terrain jouxtant la carrière doit être retenue, et l'insuffisance du plan de gestion des déchets d'extraction prévu au 6° de l'article R. 512-4 du code de l'environnement, elle se borne à reprendre ses arguments de première instance sans apporter aucun nouvel élément pertinent en appel au regard de l'ensemble des motifs retenus par le tribunal aux points 14, et 17 à 36 du jugement en litige. La commune requérante ne conteste pas en particulier les motifs retenus au point 19 du jugement selon lesquels la SAS a produit ses trois derniers bilans pour justifier disposer de capacités financières propres ainsi que, s'agissant des capacités techniques de la société Sagradranse à laquelle la SAS sous-traite l'extraction des matériaux, un certificat de maîtrise de la production des granulats délivré par l'institut français des sciences et technologies, des transports, de l'aménagement et des réseaux et un document de présentation de cette dernière. En se bornant à soutenir que la SAS Les Carrières chablaisiennes n'a pas les moyens d'assumer sa responsabilité financière alors que la société Sagradranse n'est pas juridiquement engagée pour financer la renaturation, sans apporter aucun élément de nature à le démontrer, la commune ne conteste pas la réalité et le caractère suffisant des capacités financières ainsi constituées, y compris à la date du présent arrêt. En outre, de la même manière que le tribunal l'a retenu aux points 15 et 16 du jugement, la commune n'est pas fondée à se prévaloir de nouveau des dispositions inopérantes de l'article R. 512-13 du code de l'environnement qui concerne l'exploitation de plusieurs installations sur le même site par un unique exploitant, quand bien même elle estimerait que les trois sites sur lesquels la société Sagradranse intervient seraient " interdépendants ". Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la demande serait faussée quant au plan de présentation de l'extension, qui devrait être celui d'une exploitation multi-sites, doit être écarté. Enfin, à supposer que le plan de gestion des déchets précité comporte des lacunes notamment quant à sa compatibilité avec le fonds géochimique local, la requérante n'établit pas, en se bornant à soutenir que ces insuffisances sont essentielles eu égard aux enjeux sanitaires et à ceux liés à l'eau potable, qu'elles auraient nui à l'information du public. Par conséquent, ce moyen doit être écarté en toutes ses branches.
10. D'autre part, aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, désormais abrogé, applicable à la date du dépôt du dossier de demande d'autorisation : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 9° Pour les carrières, un document attestant que soit le demandeur est le propriétaire du terrain ou a obtenu de celui-ci le droit de l'exploiter ou de l'utiliser (...) ".
11. Eu égard notamment aux obligations qui peuvent être imposées par le régime des installations classées au propriétaire du terrain en cas de dommages pour l'environnement, il incombe à l'autorité administrative, lorsque le demandeur n'est pas le propriétaire du terrain, non seulement de s'assurer de la production de l'autorisation donnée par le propriétaire, sans laquelle la demande d'autorisation ne peut être regardée comme complète, mais également de vérifier qu'elle n'est pas manifestement entachée d'irrégularité.
12. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation comporte en annexe une attestation de maîtrise foncière du 2 mai 2017 indiquant que la présidente de la société exploitante a établi des contrats de fortage avec les propriétaires des parcelles de l'emprise de la carrière et un document dénommé " attestation de l'avis favorable aux remises en état " dont il résulte que les propriétaires ont donné leur accord à la fois pour l'exploitation et la remise en état. Si la commune dénonce l'absence de preuve de validité des contrats de fortage établis pour tous les propriétaires, elle ne soutient ni que cette autorisation serait incomplète ni qu'elle serait manifestement entachée d'irrégularité, ni même et en tout état de cause qu'elle emporterait une difficulté pour l'information complète de la population. Dans ces conditions, l'application des principes découlant des deux points précédents n'implique pas qu'il incomberait au juge de solliciter la production de ces contrats de fortage dans le cadre de la présente instance, les intimées faisant d'ailleurs valoir qu'ils sont disponibles auprès de la DREAL.
13. En quatrième lieu, en vertu de l'article R. 512-5 du code de l'environnement, la demande d'autorisation doit préciser les modalités des garanties financières exigées à l'article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution, ces garanties étant destinées à assurer la surveillance du site et le maintien en sécurité de l'installation, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture. En l'espèce, le dossier de demande au point 14-1 comporte un tableau permettant de déterminer le montant des garanties financières, calculé sur six périodes quinquennales correspondant aux trente années d'exploitation et indique que les garanties financières seront fournies sous forme d'un acte de cautionnement solidaire. Ces pièces permettent ainsi de justifier la nature et le montant de la garantie et le dossier indique en outre que les garanties financières seront déposées en début d'autorisation.
14. En cinquième lieu, la commune soutient de nouveau que l'étude d'impact était insuffisante. A cet effet, elle fait valoir que cette étude n'a tenu compte que du site d'implantation du projet alors que l'exploitation de la carrière concernerait plusieurs sites, qu'elle n'a pas analysé l'impact du projet sur la population et la santé humaine, en particulier l'absorption de poussière de silice issues de l'exploitation et des transports, et les risques liés à leur inhalation, les impacts sur la biodiversité, l'augmentation des risques liées au trafic routier et les impacts sur les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat. Il ressort toutefois des points 39 à 45 du jugement en litige que l'ensemble des branches du moyen a été écarté, sans que les motifs retenus fassent l'objet d'une critique sérieuse dans la requête d'appel. En outre, le moyen selon lequel le changement d'utilisation des installations n'a pas été inclus dans l'étude d'impact n'est assorti d'aucune précision relative aux dispositions légales qui auraient été méconnues.
15. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " Les incidences sur l'environnement d'un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation ". Il ressort de l'étude d'impact que celle-ci comporte une analyse des incidences du projet sur l'environnement, conformément à l'exigence précitée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement doit être écarté, sans préjudice de l'intervention postérieure de l'arrêté portant dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées. S'il est encore soutenu que l'étude d'impact aurait omis l'information du public au sujet de l'atteinte à des espèces protégées, le risque de destruction et de dégradation de l'habitat de plusieurs espèces, qui a nécessité une dérogation spécifique, a fait l'objet d'une procédure de consultation du public organisée du 30 avril au 15 mai 2019 à l'issue de laquelle aucune participation n'a été déposée de sorte que cette omission, à la supposer établie, n'a pas nui à l'information complète du public ni n'a été de nature à exercer une influence sur l'arrêté attaqué.
16. En septième lieu, comme le tribunal l'a retenu aux points 37 et 38 du jugement, l'étude de dangers n'a pas vocation à analyser les effets du fonctionnement normal de l'installation mais seulement à relever les risques auxquels une installation peut exposer la population extérieure en cas d'accident, ainsi que l'article L. 512-1 du code de l'environnement le prévoit. Le moyen, qui est inopérant, doit être écarté.
17. En huitième lieu, le tribunal a écarté le moyen tiré de l'incomplétude du dossier soumis à enquête publique en toutes ses branches aux points 46 à 51 de son jugement. La commune d'Allinges, qui n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'enquête publique aurait été viciée, n'est ainsi pas fondée à soutenir que le dossier d'enquête publique aurait été incomplet et que les motifs opposés par le jugement seraient erronés. En outre, la circonstance que l'enquête publique a eu lieu en partie durant les vacances scolaires de Noël entre le 17 décembre 2018 et le 19 janvier 2019 ne permet pas de retenir, au regard notamment de l'importance de la participation du public, que celle-ci aurait été irrégulièrement menée.
S'agissant de la légalité interne :
18. En premier lieu, en application de l'article L. 515-3 du code de l'environnement, le schéma régional des carrières définit notamment les conditions générales d'implantation des carrières et fixe les objectifs à atteindre en matière de limitation et de suivi des impacts et les orientations de remise en état et de réaménagement des sites. Ce même article prévoit que les autorisations de carrières doivent être compatibles avec ce schéma. En vertu du III de cet article : " Le schéma régional des carrières prend en compte le schéma régional de cohérence écologique et précise les mesures permettant d'éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes aux continuités écologiques que sa mise en œuvre est susceptible d'entraîner. ". Selon le 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, les autorités doivent prendre en compte, dans les décisions affectant l'environnement : " Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ".
19. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le bien-fondé d'une autorisation d'exploiter une telle installation au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de sa décision et de rechercher si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs du schéma régional en se plaçant à l'échelle de la région, qui est le territoire couvert par le schéma. Le rapport de compatibilité s'apprécie dans le cadre d'une analyse globale en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur.
20. D'une part, ainsi que le tribunal l'a retenu au point 59 de son jugement, le moyen tiré de la méconnaissance du schéma départemental des carrières de la Haute-Savoie de septembre 2004 est inopérant en l'état de son abrogation et de l'adoption du schéma régional des carrières de la région Auvergne-Rhône Alpes, approuvé par un arrêté du préfet de cette région du 8 décembre 2021. D'autre part, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ce schéma régional, à le supposer invoqué, en tant qu'il ne reprendrait pas la règle relative aux périmètres de protection ou en tant qu'il ne prévoit pas une limitation des exploitations de carrières à une surface maximale de 5 % de la surface totale du périmètre de protection éloigné, est dénué d'intelligibilité. En tout état de cause, il ne ressort d'aucun élément invoqué par la commune que l'autorisation délivrée, qui n'est pas une mesure d'application de ce schéma, serait contraire à l'un des objectifs de ce schéma régional ou au principe de non régression tel que précédemment rappelé.
21. Il ressort également des pièces du dossier que le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) adopté par le conseil régional les 19 et 20 décembre 2019 et approuvé par arrêté du préfet de région le 10 avril 2020 s'est substitué au schéma régional de cohérence écologique (SRCE) Rhône-Alpes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du SRCE adopté par arrêté préfectoral du 16 juillet 2014 doit être écarté comme inopérant.
22. En deuxième lieu, ainsi que le tribunal l'a précisé au point 66 de son jugement, il résulte de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme que la déclaration d'illégalité d'un document d'urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur et, le cas échéant, en l'absence d'un tel document, les règles générales d'urbanisme rendues alors applicables, en particulier celles de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme. Dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'une autorisation d'exploiter une installation classée a été délivrée sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal - sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 du même code -, à la condition que le requérant fasse en outre valoir que l'autorisation méconnaît les dispositions d'urbanisme pertinentes remises en vigueur du fait de la constatation de cette illégalité et, le cas échéant, de celle du document remis en vigueur. Or, si la commune d'Allinges excipe de l'illégalité du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune du Lyaud, qui serait contraire au plan d'aménagement et de développement durable (PADD), elle ne précise pas les dispositions du PLU remis en vigueur du fait de cette illégalité, qui seraient méconnues à la date du présent arrêt. Le moyen tiré de la méconnaissance du PADD par le PLU du Lyaud doit dès lors être écarté, s'agissant en tout état de cause d'un simple rapport de cohérence.
23. En outre, comme les premiers juges l'ont retenu au point 68 de leur jugement, la commune requérante ne peut utilement se prévaloir des objectifs du PADD et du rapport de présentation du PLU qui ne sont pas opposables aux demandes d'autorisations au titre des installations classées. En tout état de cause, d'une part, le PADD a prévu l'extension de la carrière et mentionne l'objectif de " Favoriser la réhabilitation de la carrière au profit de l'activité agricole et de la qualité des paysages, en accompagnement de son exploitation à venir ". D'autre part, la zone Ac accueillant la carrière correspond à l'ancienne zone NCc du plan antérieur, et la commune d'Allinges n'apporte aucun élément déterminant relatif à l'atteinte au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières par le PLU de la commune du Lyaud, de nature à établir l'erreur manifeste d'appréciation que celle-ci aurait commise sur le classement de cette partie de territoire à l'intérieur de la zone agricole. Par suite, et alors d'ailleurs que cette zone a vocation à être restituée à l'agriculture au fur et à mesure de sa remise en état, le moyen tiré l'exception d'illégalité du PLU en ce qu'il autorise illégalement l'extension du zonage ayant permis l'extension du périmètre d'exploitation de la carrière ne peut être accueilli.
24. La carrière en cause se trouvant en zone Ac du règlement du PLU de la commune du Lyaud dédiée à l'exploitation de la carrière pour l'extraction de matériaux pour le BTP, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que la carrière ne pouvait être implantée en zone Ac.
25. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". L'article L. 424-1 du même code, lequel se trouve dans le livre IV relatif aux " constructions, aménagements et démolitions ", dispose que : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement ".
26. Il résulte de ces dispositions que le sursis à statuer ne peut être opposé, en cas d'élaboration d'un plan local d'urbanisme, qu'aux demandes d'autorisations relevant du livre IV du code de l'urbanisme, auxquelles renvoie expressément l'article L. 153-11 du même code, dont la demande d'autorisation d'exploiter ayant conduit à l'arrêté du 2 juillet 2019 ne relève pas. Par suite, et même si cette autorisation devait respecter les règles du plan local d'urbanisme, en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, aucune disposition législative ou règlementaire ne permettait, au stade de la demande d'autorisation, d'opposer un sursis à statuer en raison de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune requérante, le préfet de la Haute-Savoie n'a commis aucune erreur en n'opposant pas de sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme.
27. En quatrième lieu, la commune d'Allinges ne peut de nouveau utilement soutenir que l'arrêté attaqué ne serait pas justifié par des raisons impératives d'intérêt public majeur.
28. En cinquième lieu, si la commune d'Allinges fait valoir le danger que présente le trafic routier généré par l'exploitation de la carrière, alors que de nouvelles constructions sont prévues sur le trajet menant au site de l'exploitation, elle ne précise pas les normes de droit qui seraient méconnues. De la même façon, l'existence de potentiels itinéraires alternatifs dont la requérante dénonce qu'ils n'auraient pas été suffisamment étudiés ou mal évalués dans l'étude d'impact, relève d'une appréciation d'opportunité qu'il ne revient pas au juge de contrôler. Enfin, les sociétés intimées font valoir sans être utilement contestées qu'aucune solution alternative satisfaisante à l'autorisation et à l'extension de l'exploitation de la carrière n'a été trouvée dès lors que, alors qu'il n'existe aucun gisement de qualité équivalente à celui actuellement exploité, l'ouverture d'une nouvelle carrière impliquerait l'augmentation des trajets et engendrerait une augmentation du coût d'exploitation, et que la tranquillité des riverains serait perturbée, la distance entre la carrière actuelle et les habitations les plus proches minimisant en l'espèce les impacts majeurs.
29. En sixième lieu, en se bornant à reprendre les mêmes arguments que ceux exposés en première instance, relatifs à l'illégalité alléguée de l'autorisation de la carrière eu égard aux exigences de protection de la santé, la commune ne conteste pas utilement les motifs retenus par les premiers juges au point 40 de leur jugement, lequel détaille les données de l'étude d'impact concernant les effets du projet sur la qualité de l'air liés à l'émission de poussières, notamment la silice contrairement à ce qui est soutenu en appel, et aux gaz d'échappement des engins ainsi que sur la sécurité routière. S'agissant en outre du risque que soit inclus dans les déchets de remblaiement des déchets contenant des per- et polyfluoroalkyles (PFAS), les sociétés intimées font valoir sans être utilement contestée par la commune qui se borne à faire état de ses inquiétudes sur le sujet au regard de la présence de ces composants dans des communes d'ailleurs très éloignées, que le comblement de la carrière par remblais se fait uniquement par apport de terres d'excavation et que le site n'accueille aucun déchets du bâtiment, notamment issu de démolitions, ni même de déchets qui comporteraient des PFAS, les eaux souterraines de la carrière étant régulièrement analysées conformément à l'autorisation préfectorale, et aucune pollution n'ayant été relevée. Enfin, alors que les intimées font valoir que la circulation routière engendrée par la carrière n'impacte pas sensiblement le trafic journalier, la commune ne démontre pas, en produisant des photographies de camions non bâchés dont l'identification et l'appartenance sont indéterminées, que les conclusions de l'étude d'impact, qui a évalué le risque sanitaire lié aux poussières comme négligeable, seraient de ce fait remises en cause. Par suite, les risques sanitaires allégués ne sont pas établis par les éléments produits, alors même que les conclusions de l'étude d'impact relèvent le caractère négligeable de ces risques.
30. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution édicté par l'article 5 de la Charte de l'environnement ne peut être accueilli.
31. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense s'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 juillet 2019, que la commune d'Allinges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et mis à sa charge, par l'article 2 de ce jugement, une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Sur les frais liés au litige :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune d'Allinges présentées sur leur fondement et dirigées contre les sociétés intimées, qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Allinges une somme de 2 000 euros à verser à la SAS des Carrières chablaisiennes et à la SAS Sagradranse à ce même titre.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de la commune d'Allinges est rejetée.
Article 2 : La commune d'Allinges versera une somme globale de 2 000 euros à la SAS des Carrières chablaisiennes et à la SAS Sagradranse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Allinges, à la SAS Les Carrières chablaisiennes, à la SAS Sagradranse, à la commune du Lyaud et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03482