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22/05/2025 | FRANCE | N°24LY01530

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 22 mai 2025, 24LY01530


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'avis du jury académique du 29 juin 2022 défavorable à sa titularisation et proposant son licenciement ainsi que l'arrêté du 12 juillet 2022 du recteur de l'académie de Lyon prononçant son licenciement, ensemble la décision du 21 septembre 2022 rejetant son recours gracieux ;



Par un jugement n° 2207833 du 29 mars 2024, le tribunal a fait droit à sa demande.





Proc

dure devant la cour



I. Par une requête n° 24LY01530 enregistrée le 29 mai 2024, le ministre de l'éducation na...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'avis du jury académique du 29 juin 2022 défavorable à sa titularisation et proposant son licenciement ainsi que l'arrêté du 12 juillet 2022 du recteur de l'académie de Lyon prononçant son licenciement, ensemble la décision du 21 septembre 2022 rejetant son recours gracieux ;

Par un jugement n° 2207833 du 29 mars 2024, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête n° 24LY01530 enregistrée le 29 mai 2024, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... ;

Il soutient que :

- le jury académique était régulièrement composé au regard de l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014 et de l'article 8 du décret du 25 août 1995, la présence de Mme E... se justifiant en sa qualité de personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées ; la division en deux groupes d'examinateurs était justifiée, même si le nombre de stagiaires était faible, et n'a pas compromis l'égalité entre les candidats ;

- l'avis du jury n'était entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation, au regard notamment de l'avis de l'inspecteur d'académie ;

- les autres moyens soulevés aux termes de la demande de Mme C... n'appellent pas d'autres observations que celles qu'il a présentées devant le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2024, Mme B... C..., représentée par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées ne pouvait être membre du jury qui était ainsi irrégulièrement composé ; il y a en outre eu rupture d'égalité, certains stagiaires ayant été reçus par quatre personnes et d'autres par trois personnes comme dans son cas ;

- aucune demande de division du jury n'a été présentée par la présidente du jury ; le jury a été organisé en deux commissions bien en amont de la désignation de ses membres ; cette division ne répondait à aucune nécessité ;

- d'autres irrégularités entachent la procédure, ainsi qu'il a été soulevé aux termes de sa demande ; notamment, les diligences dans la communication des avis n'ont pas été accomplies ; ils ont été communiqués le 23 juin à un jury composé par arrêté du 29 juin 2022 comportant d'ailleurs une erreur sur le nom d'un des membres du jury ; le mail d'envoi n'incluait pas les membres du jury ; seuls seize avis auraient été adressés sur vingt-deux candidats concernés ;

- aucun texte ne prévoit une primauté de l'avis de l'inspecteur de l'éducation nationale pour l'appréciation de l'aptitude professionnelle d'un candidat stagiaire, laquelle doit également s'appuyer sur l'avis du directeur de l'INSPE et sur celui de la commission chargée de l'entretien professionnel ; la comparaison des avis des inspecteurs sur les deux années au regard de la grille des compétences fait apparaitre des compétences déjà acquises l'année précédente ; les autres avis et le bilan de compétence sont favorables ; l'avis du jury académique est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation sur son aptitude à exercer les fonctions de professeur des écoles.

Par un courrier du 28 avril 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de la compétence liée dans laquelle se trouvait le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse pour prononcer le licenciement de Mme C... pour insuffisance professionnelle, dès lors qu'il était tenu de tirer les conséquences de la délibération du jury académique.

Par un mémoire enregistré le 29 avril 2025, Mme C... a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public. Elle fait valoir que le jury qui se prononce en vue de la titularisation n'est ni un jury de concours ni un jury d'examen et que le ministre ne se trouve pas en situation de compétence liée.

II. Par une requête n° 24LY01600, enregistrée le 6 juin 2024, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour, par les mêmes moyens que ceux soulevées aux termes de sa requête n° 24LY01530, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 mars2024.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;

- le décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique ;

- l'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation ;

- l'arrêté du 22 août 2014 relatif aux modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires ;

- l'arrêté du 28 août 2020 fixant les modalités complémentaires d'évaluation et de titularisation de certains personnels relevant du ministère chargé de l'éducation lauréats de la session 2020 des concours ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ducol-Vally, substituant Me Prouvez, pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... a été nommée professeure des écoles stagiaire le 1er septembre 2020. Le jury de titularisation du 30 juin 2021 ayant émis un avis défavorable à sa titularisation, elle a été proposée pour un renouvellement de stage et a effectué une deuxième année de stage pour l'année scolaire 2021-2022 à l'école primaire Le Baraillon de Tassin-la-Demi-Lune. Le jury de titularisation, réuni le 29 juin 2022, a émis un avis défavorable à sa titularisation et a proposé son licenciement. Par un arrêté du 12 juillet 2022, le recteur de l'académie de Lyon a prononcé son licenciement. Par un jugement du 29 mars 2024, le tribunal, sur sa demande, a annulé cet avis et cet arrêté ainsi que la décision du 21 septembre 2022 rejetant son recours gracieux. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un même arrêt, le ministre de l'éducation nationale demande l'annulation de ce jugement ainsi que son sursis à exécution.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, l'article 10 du décret du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles dans sa version alors applicable prévoit que : " Les professeurs stagiaires accomplissent un stage d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation organisée, dans le cadre des orientations définies par l'État, par un établissement d'enseignement supérieur, visant l'acquisition des compétences nécessaires à l'exercice du métier. Cette formation alterne des périodes de mise en situation professionnelle dans une école et des périodes de formation au sein de l'établissement d'enseignement supérieur. Elle est accompagnée d'un tutorat et peut être adaptée pour tenir compte du parcours antérieur des professeurs stagiaires. / Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées conjointement par le ministre chargé de l'éducation et par le ministre chargé de la fonction publique. (...) ". L'article 12 du même décret prévoit que : " A l'issue du stage, les professeurs des écoles stagiaires sont titularisés par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie du département dans le ressort duquel le stage est accompli, sur proposition du jury prévu à l'article 10. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat des écoles. " et son article 13 que : " Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés à accomplir une nouvelle année de stage. Ceux qui ne sont pas autorisés à renouveler le stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés, sont soit licenciés, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire. ".

3. D'autre part, l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014 relatif aux modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires précise que : " Il est constitué un jury académique de cinq à huit membres nommés par le recteur. / Le recteur ou son représentant préside le jury. / A la demande de son président, le jury peut se constituer en groupes d'examinateurs en fonction des effectifs. / Le vice-président et les autres membres du jury sont choisis parmi les directeurs académiques des services de l'éducation nationale, les directeurs académiques adjoints des services de l'éducation nationale, les inspecteurs de l'éducation nationale chargés de circonscription, les enseignants-chercheurs, les enseignants du second degré et les professeurs des écoles maîtres formateurs. ". L'article 5 du même arrêté prévoit que : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : / I. -Pour les professeurs des écoles stagiaires qui effectuent leur stage dans les écoles et établissements visés à l'article 2 du décret du 1er août 1990 susvisé : / 1° L'avis de l'inspecteur de l'éducation nationale désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter d'une inspection ; / 2° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire. ". Son article 6 prévoit que : " Le jury entend au cours d'un entretien chaque fonctionnaire stagiaire pour lequel il envisage de ne pas proposer la titularisation. ". L'article 8 du même arrêté dispose que : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés. En outre, l'avis défavorable à la titularisation concernant un stagiaire qui effectue une première année de stage doit être complété par un avis sur l'intérêt, au regard de l'aptitude professionnelle, d'autoriser le stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage. / Les stagiaires qui n'ont pas été jugés aptes à être titularisés à l'issue de la première année de stage et qui accomplissent une seconde année de stage bénéficient obligatoirement d'une inspection. ".

4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La procédure de titularisation des professeurs des écoles fait intervenir un jury académique, dont la composition est fixée à l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014, qui se prononce à l'issue d'une période de formation et de stage. S'agissant non d'un concours ou d'un examen, mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage, cette appréciation peut être censurée par le juge de l'excès de pouvoir en cas d'erreur manifeste. Lorsque, à l'issue de la première année de stage ou, si l'intéressé a été autorisé à accomplir une année de stage supplémentaire, à l'issue de cette seconde année, le jury académique refuse d'inscrire un professeur des écoles sur la liste de ceux qu'il estime aptes à être titularisés, le ministre de l'éducation nationale est tenu de procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle lorsque celui-ci, faute d'avoir la qualité de fonctionnaire, ne peut être réintégré dans son corps ou cadre d'emploi d'origine.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique : " A l'issue du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent par l'autorité disposant du pouvoir de nomination est effectuée au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien de celui-ci avec un jury organisé par l'administration chargée du recrutement. (...) IV. - Lorsque l'agent a suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel il a vocation à être titularisé, il subit les épreuves imposées aux fonctionnaires stagiaires du corps avant leur titularisation, dans les mêmes conditions, sous réserve des aménagements éventuels imposés par son handicap. / L'appréciation de son aptitude professionnelle est assurée par le jury désigné pour apprécier l'aptitude professionnelle des élèves de l'école, auquel est adjoint un représentant de l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination ainsi qu'une personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Cette appréciation est faite à la fin de sa scolarité. (... ) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 24 juin 2022, le recteur de l'académie de Lyon a nommé le jury académique chargé de l'évaluation du stage des professeurs des écoles pour la session 2022, et notamment Mme F... E..., attachée d'administration de l'État et référente handicap. Si cette dernière n'avait pas qualité pour siéger en qualité de membre du jury en application l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014, en revanche, elle devait être adjointe à ce jury en qualité de personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées en application des dispositions précitées du IV de l'article 8 du décret du 25 août 1995. Il apparaît ici, d'après la pièce produite en appel qui en précise la composition, que le jury a été scindé en deux divisions, Mme C..., dont la situation ne relevait pas d'un recrutement en qualité de travailleur handicapé dérogatoire au recrutement par concours, ayant été convoquée devant le " jury 1 ", composé de M. Seguin, vice-président du jury et inspecteur d'académie, de Mme A... et de Mme G..., inspectrices de l'éducation nationale, et de Mme D..., professeure des écoles dans l'enseignement privé. Il n'est pas contesté que ces personnes, valablement nommées membres du jury par l'arrêté précité, sans d'ailleurs que l'erreur de plume affectant le nom de Mme A... ait une incidence, remplissaient les conditions requises à ce titre. Il n'est pas davantage établi que Mme E... aurait été adjointe au jury pour d'autres situations que celles relevant du décret du 25 août 1995. Par suite, aucune irrégularité dans la composition du jury ne saurait à cet égard être retenue.

7. En deuxième lieu, en application de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014, ne sont reçus en entretien devant le jury académique que les stagiaires pour lesquels aucune titularisation n'est envisagée. Un tel entretien, lui-même dérogatoire, ne peut être regardé comme ayant la nature d'une épreuve de concours ou d'examen à l'issue de laquelle le jury serait tenu de procéder à une péréquation ou à une harmonisation. L'article 4 de l'arrêté prévoit par ailleurs que le président peut décider d'une division du jury au regard des effectifs. En l'espèce, une division du jury, composé de huit membres, en deux groupes de quatre membres, a été décidée. Contrairement à ce que soutient Mme C..., cette division pouvait être déterminée à l'avance, aucune disposition n'imposant qu'elle relève d'une situation d'urgence ou d'une nécesité constatée le jour même. Le fait que les membres de ce jury ont été prévenus de cette division par mail du 23 juin 2022 pour une session prévue le 29 juin ne procède d'aucune irrégularité. Si ce mail d'information émane d'une " gestionnaire concours CRPE ", il n'en résulte pas pour autant que le président n'aurait pas pris cette décision qui, d'ailleurs, n'est soumise à aucun formalisme particulier. Et selon l'organisation retenue, le jury 1 devait recevoir douze candidats, de 9 h à 17 h, à raison d'une demi-heure par candidat, et le jury 2, dix candidats, selon les mêmes horaires. Cette modalité d'organisation répondait à la nécessité de recevoir l'ensemble des stagiaires en ménageant un temps d'entretien raisonnable pour chacun. Mme C... est passée à 17 h 15 avec le jury composé de M. Seguin, Mme A... et Mme G.... Si elle fait valoir que certains stagiaires auraient été reçus par quatre membres du jury, et d'autres par seulement trois membres, comme dans son cas, et soutient que cette situation créerait une rupture dans l'égalité de traitement entre les stagiaires, elle ne produit toutefois aucun élément en ce sens. A cet égard, et comme il a été indiqué, l'entretien est lui-même dérogatoire, et certaines situations imposent que le jury académique s'adjoigne d'autres personnes que les membres nommés, sans que cette adjonction, prévue par les textes pour des situations particulières, révèle une inégalité de traitement. Par suite, aucune irrégularité ne saurait être relevée à ce titre.

8. En troisième lieu, les avis soumis à l'appréciation du jury académique comportaient pour certains d'entre eux des appréciations favorables, soulignant notamment le sérieux, l'implication et les efforts dont a fait preuve l'intéressée. Ainsi, dans son rapport, le tuteur académique du 11 mai 2022 indique que Mme C... a su perfectionner sa pratique professionnelle tout au long de l'année scolaire et qu'elle a progressé, estimant dans son appréciation générale que " La mise en place du parcours d'individualisation permet de constater une évolution positive du développement professionnel du professeur des écoles stagiaire. Madame C... a montré, lors de cette année, une écoute et une prise en compte des conseils qui lui ont permis de faire évoluer sa pratique professionnelle dans tous les domaines de compétence. Elle a su adopter un bon positionnement professionnel ". En outre, en application de l'arrêté du 28 août 2020 fixant les modalités complémentaires d'évaluation et de titularisation de certains personnels relevant du ministère chargé de l'éducation, Mme C... a été reçue en entretien professionnel le 21 mars 2022 par une commission comportant notamment une inspectrice de l'éducation nationale, qui a rendu un avis favorable sur ses capacités d'analyse et de réflexivité quant à sa pratique professionnelle. Son bilan de compétence et d'évaluation finale pour l'année 2021-2022 a, par ailleurs, été jugé positif, sans atteindre toutefois le niveau " très satisfaisant ", les tuteurs de l'intéressée ayant précisé que " Le parcours de formation de Mme C... atteste d'une remarquable progression dans son année de renouvellement 2021-2022. De par un travail soutenu et son engagement volontaire, Mme C... a su développer une relation pédagogique à la fois structurée et cohérente qui lui permet maintenant de faire classe avec plus d'assurance et d'accompagner sereinement les apprentissages des élèves. Félicitations pour cette belle évolution et tous nos encouragements à poursuivre dans cette voie. ". Il apparaît également que l'avis du 22 juin 2022 du directeur de l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPE) était favorable à la titularisation de Mme C..., s'agissant tant de l'engagement et de l'investissement dans la formation que des compétences acquises en situation et en formation. Toutefois, ces avis, quoique favorables, relèvent également la persistance de faiblesses, alors même que Mme C... effectuait une deuxième année de stage, après la mise en place de deux parcours individualisés, auprès d'une classe unique en milieu favorisé. Ainsi, son tuteur a relevé, à propos d'une compétence socle telle que " la maîtrise des savoirs disciplinaires et leur didactique ", une insuffisance qu'il avait constatée lors des premières visites, et, en dépit de progrès constants, qu'elle " doit maintenant poursuivre sa réflexion autour " de cette compétence. La commission précitée a également pointé des difficultés de positionnement et des interrogations de l'intéressée sur sa pratique. En outre, l'inspectrice de l'éducation nationale qui a rendu l'avis final d'évaluation du 23 mai 2022, s'est montrée en défaveur de sa titularisation, en précisant que " Malgré des progrès, les compétences didactiques et pédagogiques de Madame C... restent insuffisamment acquises à ce stade de la formation. La conduite des situations pédagogiques ne permettent (sic) pas aux élèves de construire des apprentissages. La cohérence et la continuité des situations d'apprentissages ne sont pas assurées. ". Si cet avis, qui dégrade onze items de " suffisamment acquis " à " insuffisamment acquis ", est dans l'ensemble plus sévère que l'évaluation finale réalisée au titre de l'année 2020-2021 par un autre inspecteur de l'éducation nationale, rien au dossier, et notamment pas le seul fait qu'elle n'a pu échanger avec l'inspectrice, ne permet toutefois de considérer que, pour l'année considérée, une telle appréciation, qui résulte d'une inspection sur place au cours de laquelle les supports pédagogiques utilisés dans l'année ont été communiqués à l'intéressée, n'aurait pas été sérieuse ou sincère. Si la commission du jury académique a reproché à l'intéressée de développer " un argumentaire d'opposition " au rapport de l'inspectrice, elle ne s'est cependant pas fondée sur ce seul point. Les observations formulées par l'inspectrice reconnaissent d'ailleurs des progrès de l'intéressée, et ne nient pas les efforts fournis, malgré leur caractère jugé insuffisant. Ainsi, concernant les " compétences liées à la maîtrise des contenus disciplinaires et à leur didactique ", l'inspectrice indique que " Madame C... a progressé durant son parcours d'individualisation sur quelques contenus disciplinaires et savoirs didactiques. Toutefois, la maîtrise de ceux-ci reste très en deçà des attendus d'un professeur des écoles stagiaire. ". A propos des " compétences éducatives et pédagogiques favorisant toutes les situations d'apprentissage et d'accompagnement des élèves ", l'inspectrice relève que " Madame C... prépare les séances pédagogiques mais qu'elles ne s'inscrivent toujours pas clairement dans une séquence (manque de progressivité) et que la cohérence attendue à l'intérieur même de la séance n'est pas présente, un décalage à l'origine de confusion pour les élèves et difficilement compatibles avec la construction des apprentissages, persistant ainsi entre la préparation et la mise en œuvre ". Par ailleurs, malgré l'attention qu'elle porte aux remarques dont l'intéressée fait l'objet, " il lui est parfois difficile de les comprendre et de les appliquer. ". Compte tenu de ces circonstances, prises dans leur ensemble, il n'apparaît pas que, en dépit des efforts fournis et des progrès réalisés par Mme C..., l'appréciation à laquelle s'est livré le jury académique pour évaluer sa manière de servir procéderait d'une erreur manifeste.

9. L'administration est donc fondée à soutenir que c'est à tort que pour annuler les décisions contestées, le tribunal a jugé qu'elles étaient intervenues au terme d'une procédure irrégulière et qu'elles procédaient d'une appréciation manifestement erronée. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal et la cour.

En ce qui concerne l'avis du 29 juin 2022 du jury académique :

10. En premier lieu, si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. Il en résulte que l'avis du jury académique refusant, au terme du stage, de le titulariser n'a pour effet, ni de refuser à l'intéressé un avantage qui constituerait, pour lui, un droit, ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue par la décision de nomination comme stagiaire, de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits. Par suite, l'avis du jury n'avait pas à être motivé et le moyen tiré d'un défaut de motivation en droit et en fait ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 22 août 2014 : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés. En outre, l'avis défavorable à la titularisation concernant un stagiaire qui effectue une première année de stage doit être complété par un avis sur l'intérêt, au regard de l'aptitude professionnelle, d'autoriser le stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage. Les stagiaires qui n'ont pas été jugés aptes à être titularisés à l'issue de la première année de stage et qui accomplissent une seconde année de stage bénéficient obligatoirement d'une inspection. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la présidente du jury a établi un procès-verbal en date du 29 juin 2022, mentionnant " la liste des décisions du jury d'évaluation du stage des professeurs des écoles ", laquelle est jointe à ce procès-verbal. Il en ressort que le jury académique a bien délibéré en vue d'arrêter cette liste, ainsi qu'il est prévu par les dispositions précitées.

13. En troisième lieu, les dossiers des stagiaires ont été transmis aux membres du jury par mail le 23 juin 2022. La pièce jointe à ce mail comportait le dossier de Mme C..., d'une taille de 2,9 mégaoctets. Si Mme C... soutient qu'il n'est pas démontré par la pièce produite en première instance que les avis auraient bien été adressés aux membres du jury, dès lors que l'adresse de l'envoi, soit " dec-crpe@ac-lyon.fr " serait une adresse interne, l'usage d'une mailing-list pour informer les membres du jury, lesquels ne sont pas des personnes externes à l'éducation nationale ni à l'académie Lyon, ne permet toutefois pas de caractériser un défaut d'envoi, ni davantage la circonstance que l'arrêté portant nomination du jury ne date que du 29 juin 2022. La seule circonstance que l'arrêt du 29 juin désigne, par erreur de plume, Mme A... et non Mme A... comme membre du jury, ne permet pas d'établir que cette dernière n'aurait pas reçu le mail précité. En toute hypothèse, aucun élément du dossier ne laisse apparaître que les membres du jury n'auraient pas disposé, à la date de l'entretien, de l'intégralité des avis, l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 ne prévoyant d'ailleurs aucun délai d'envoi. Enfin, la circonstance, à la supposer avérée, que seuls seize dossiers auraient été adressés sur vingt-deux stagiaires reçus, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie dans le cas de Mme C....

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'indiqués au point 8 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jury académique aurait entaché son avis d'une erreur de fait quant à son aptitude à exercer les fonctions de professeur des écoles.

En ce qui concerne l'arrêté du 12 juillet 2022 :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'avis du 29 juin 2022 du jury académique.

16. En second lieu, Mme C... n'ayant pas la qualité de fonctionnaire et ne pouvant être réintégrée dans son corps ou cadre d'emploi d'origine, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse était, ainsi qu'il a été dit précédemment, tenu de tirer les conséquences de la délibération du jury académique en prononçant le licenciement de l'intéressée pour insuffisance professionnelle. Par suite, eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le ministre, les moyens tirés de l'incompétence de la signataire de l'arrêté en litige du 12 juillet 2022, du défaut de motivation de cet acte et de l'erreur manifeste d'appréciation dont il serait entaché doivent être écartés comme inopérants.

17. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de Mme C.... Il y a lieu d'annuler le jugement du 29 mars 2024 du tribunal administratif de Lyon et de rejeter la demande de Mme C....

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

18. Dès lors que le présent arrêt annule le jugement du 29 mars 2024 du tribunal administratif de Lyon, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme C... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 29 mars 2024 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24LY01600.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01530, 24LY01600

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01530
Date de la décision : 22/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Stage.

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Stage - Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;24ly01530 ?
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