Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2022 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'enjoindre à cette autorité d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans un délai de cinq jours suivant la notification du jugement sous astreinte.
Par un jugement n° 2207314 du 24 février 2023, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, M. B..., représenté par Me Schürmann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans un délai de cinq jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne justifiant pas que l'agent ayant consulté le fichier automatisé des empreintes digitales pour son placement en rétention aurait été habilité ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, la menace pour l'ordre public invoquée à son encontre n'étant pas justifiée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît la directive 2008/115/CE ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation tant sur son principe que sa durée, en l'absence de menace à l'ordre public ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de la Savoie qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant de la République d'Albanie qui est né le 20 février 2001 à Peshkopi déclare être entré sur le territoire français le 21 octobre 2016. Il a bénéficié, à sa majorité, d'un titre de séjour délivré sur le fondement des dispositions alors codifiées au 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 31 janvier 2019 au 30 janvier 2020. Par un arrêté du 10 février 2021, le préfet de l'Isère lui a notamment refusé le renouvellement de ce titre et fait obligation de quitter le territoire français. A la suite de son interpellation par les services de la gendarmerie nationale le 28 octobre 2022, le préfet de la Savoie, par un arrêté du 29 octobre 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il n'apparaît pas, notamment au regard des termes mêmes de la décision contestée, que le préfet n'aurait pas examiné l'intégralité de la situation de l'intéressé telle qu'il l'avait alors portée à sa connaissance, en particulier à l'occasion de son audition par un officier de police judiciaire, ainsi qu'elle a été retranscrite par procès-verbal du 29 octobre 2022. Le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation de M. B... doit être écarté.
3. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'existant pas à la date de la décision contestée, M. B... ne saurait utilement en invoquer la méconnaissance. Par ailleurs, à supposer même que M. B... aurait entendu faire référence aux dispositions de l'article L. 142-2 du même code, un tel moyen, eu égard à l'objet même de ces dispositions, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision contestée.
4. En troisième lieu, il n'apparaît pas que le préfet qui, pour prendre la mesure d'éloignement contestée, s'est fondé sur les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé n'ayant pas exécuté un précédent arrêté du 10 février 2021 portant notamment refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, a retenu que ce dernier constituait une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B... ne constituait pas une menace pour l'ordre public ne peut être admis.
5. En quatrième lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation individuelle, doivent, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, être écartés.
6. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'éloignement. L'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas davantage illégale par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
7. En sixième lieu, si M. B... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaîtrait la directive 2008/115/CE ainsi que les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de tels moyens, qui sont insuffisamment précis, ne peuvent qu'être écartés.
8. En septième lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait insuffisamment motivée, méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit dans leur rédaction applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...). ".
10. Il résulte des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
11. Il ressort des pièces du dossier qu'aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à M. B... pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet 29 octobre 2022, seules des circonstances humanitaires étaient de nature à faire obstacle au prononcé de l'interdiction de retour en litige. Il apparaît que l'intéressé, entré en France au mois d'octobre 2016 à l'âge de quinze ans, et qui ne justifiait pas d'une insertion dans ce pays d'une particulière intensité sur le plan personnel, scolaire ou professionnel, s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire malgré un précédent arrêté portant notamment refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du 10 février 2021. Par ailleurs, ses parents demeuraient en Albanie, aucun lien particulier avec un frère et une compagne résidant en France n'étant spécialement caractérisé. Dans ce contexte, et quand bien même l'intéressé n'aurait-il pas représenté une menace pour l'ordre public, sa situation ne relevait pas des circonstances humanitaires au sens de l'article L. 612-6. Dans ces conditions, et eu égard à la situation de l'intéressé, qu'il a prise en compte, en fixant la durée de l'interdiction de retour à deux ans, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 ci-dessus. Aucun des moyens ne saurait être retenu.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01216
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