Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des arrêtés du 18 décembre 2023 de la préfète du Rhône portant, pour chacun d'eux, refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.
Par un jugement n°s 2400540-2400544 du 3 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2024 et des mémoires enregistrés les 2 et 9 avril 2025, M. A... et Mme B..., représentés par Me Petit, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 juin 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 18 décembre 2023 de la préfète du Rhône ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de :
- leur délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de leur délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;
- s'assurer de l'effacement du signalement des requérants aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le mémoire de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrecevable faute d'être signé par son auteur dont il n'est pas établi qu'il serait médecin ;
- les refus de titre de séjour méconnaissent les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils sont entachés d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- ils méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- ils méconnaissent les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- les interdictions de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. A... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,
- et les observations de Me Béchaux, substituant Me Petit pour M. A... et Mme B... ;
Et pris connaissance de la note en délibéré produite par M. A... et Mme B..., enregistrée le 17 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme B..., ressortissants kosovars, sont entrés en France le 20 juin 2016 selon leurs déclarations, avec leur fils aîné. Le 23 septembre 2022, ils ont sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour en raison de l'état de santé de leur enfant ainsi que de titres de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils ont contesté chacun en ce qui le concerne les décisions du 18 décembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de départ de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Par le jugement dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / (...). ". Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). ".
3. Il ressort des pièces des dossiers que le fils aîné des requérants est atteint d'une pathologie neurologique sévère associée à un polyhandicap nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire et dans un institut médico-éducatif, et qu'il souffre également d'épilepsie. Par son avis du 7 juin 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays. M. A... et Mme B... produisent la liste des médicaments essentiels disponibles au Kosovo, sur laquelle ne figure pas l'ensemble des médicaments prescrits à leur enfant, notamment le Scopoderm et le Buccolam prescrits en cas de crise d'épilepsie, et un certificat médical daté du 10 septembre 2024, postérieur à la décision en litige mais révélant un état de fait antérieur, qui fait état de la nécessité vitale pour le jeune D... de suivre son traitement médicamenteux notamment s'agissant de l'épilepsie. Il ressort également d'une attestation du médecin de leur enfant établie le 2 avril 2025, en réponse aux observations de l'OFII, l'impossibilité de substituer le baclofène aux injections de toxine botulique. Par les documents produits, les requérants établissent ainsi l'impossibilité pour leur enfant d'accéder à un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, contrairement à ce qu'a retenu le collège des médecins de l'OFII. Les appelants sont par suite fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaissent l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en demander pour ce motif l'annulation. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois doivent être annulées par voie de conséquence.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et la fin de non-recevoir soulevée par les appelants, que M. A... et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 18 décembre 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.
5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la préfète du Rhône délivre tant à M. A... qu'à Mme B... une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu de lui enjoindre de délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, ces autorisations de séjour.
6. Le présent arrêt, qui annule les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français prises à l'encontre des appelants implique nécessairement l'effacement du signalement des intéressés aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Rhône de faire supprimer le signalement des requérants aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et sous réserve que Me Petit renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Petit.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 2400540-2400544 du 3 juin 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les décisions de la préfète du Rhône du 18 décembre 2023 sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à M. A... et Mme B... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement des intéressés aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de quinze jours.
Article 4 : L'Etat versera à Me Petit la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Petit renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme E... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Petit.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente de la formation de jugement,
C. Vinet
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02726
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