Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme D... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalité, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016, 2017 et 2018.
Par un jugement n° 2207171 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet 2024 et 13 janvier 2025, M. et Mme C..., représentés par Me Vogel, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration n'ayant pas suivi l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle supporte la charge de la preuve ;
- la reconstitution de recettes de la SAS Nautin Restauration est excessivement sommaire dans la mesure où la contenance des verres de vin était de 15 cl, où la ventilation des ventes entre le vin servi au verre et le vin servi à la bouteille est erronée et où la perte de bière, l'utilisation de bière et de vin en cuisine et les offerts sont sous-estimés ;
- l'administration doit apporter la preuve de l'appréhension effective des revenus distribués, dès lors que la remise en cause des rectifications notifiées à la SAS Nautin Restauration pourrait avoir pour effet de ne pas générer de résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SAS Nautin Restauration doivent être déduits des revenus distribués ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors que les recettes non déclarées présentent en définitive un caractère non significatif.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 novembre 2024 et 10 février 2025, le ministre chargé du budget et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique..
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Nautin Restauration, qui exploite un bar-restaurant sous l'enseigne " Obobar ", dont MM. William et D... C..., associés à parts égales, sont respectivement président et directeur général, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle la vérificatrice, après avoir écarté la comptabilité comme étant dénuée de valeur probante, a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires pour les exercices clos en 2016, 2017 et 2018. L'administration a, en conséquence, assujetti M. et Mme D... et B... C... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2016, 2017 et 2018, assorties de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, à raison de revenus considérés comme distribués par cette société. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 28 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à décharge, en droits et pénalité, de ces impositions supplémentaires.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. En l'espèce, M. et Mme C... ont régulièrement contesté les rectifications notifiées selon la procédure contradictoire. L'administration supporte la charge de la preuve tant de l'existence que du montant des sommes distribuées par la SAS Nautin Restauration.
En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :
3. Pour reconstituer les recettes de la SAS Nautin Restauration afférentes aux ventes de vin et de bière, l'administration a procédé au dépouillement des factures d'achat sur l'ensemble de la période vérifiée, après avoir exercé son droit de communication auprès des principaux fournisseurs, et a déterminé les quantités de boissons revendues, en intégrant les stocks à l'ouverture et à la clôture de chacun des exercices. Elle a appliqué plusieurs correctifs correspondant à la perte, à l'utilisation en cuisine et à la consommation par le personnel de bière, évaluées après prise en compte de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à 20 % des achats de bière, et à des pertes diverses de champagne et de vin, telles que la casse ou la consommation du personnel, estimées à 5 % des recettes. Elle a exclu du montant des achats le vin utilisé en cuisine, correspondant à 40 % du vin en cubitainer et à la totalité du vin du Jura.
4. En premier lieu, l'administration a considéré que la totalité du vin acheté en bouteille avait été servi dans le bar-restaurant à la bouteille, dans la mesure où le prix au centilitre était inférieur à celui constaté pour le vin servi au verre. Cette méthode a eu pour effet de minorer les recettes reconstituées et M. et Mme C... n'établissent pas que le prix au centilitre de certains vins serait inférieur en cas de service au verre. Ils ne sont pas fondés, dès lors, à soutenir que la méthode de reconstitution de recettes est radicalement viciée ou excessivement sommaire pour ce motif.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que toutes les consommations n'ont pas été enregistrées en caisse par la SAS Nautin Restauration, notamment parce que l'espace loggia n'en dispose pas. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que la ventilation des ventes de vin, en bouteille et au verre, est erronée en se prévalant du dépouillement des tickets de caisse, dits A....
6. En troisième lieu, en se prévalant, d'une part, de la longueur des tuyaux qui relient le local de stockage des fûts aux becs verseurs et, d'autre part, d'un extrait de blog consacré au gaspillage de bière et d'une attestation d'un fournisseur qui indique qu'il a dû intervenir pour modifier l'installation du bar-restaurant en raison de problèmes récurrents de mousse lors du tirage de bière, M. et Mme C... ne démontrent pas que l'administration aurait retenu un taux de perte de bière insuffisant.
7. En quatrième lieu, il résulte de la proposition de rectification notifiée à la SAS Nautin Restauration que la liste des articles enregistrés sur le logiciel de la caisse enregistreuse comportait des libellés peu précis, qui ne permettaient pas d'identifier les plats vendus. M. et Mme C... n'établissent pas combien de plats étaient confectionnés avec de la bière et du vin. Dans ces conditions, ils ne démontrent pas que le service aurait pris en considération une quantité insuffisante de bière et de vin utilisée en cuisine. Ils n'établissent pas non plus que l'administration aurait sous-évalué les taux d'offerts et la consommation de bière du personnel.
8. En dernier lieu, l'administration a déterminé le pourcentage d'offerts à partir des données de la caisse de la SAS Nautin Restauration. M. et Mme C... se bornent à affirmer qu'il convient de retenir un offert toutes les trois consommations, sans produire le moindre élément à l'appui de cette allégation. Ils affirment également qu'eu égard au caractère festif de l'activité de la SAS Nautin Restauration, la consommation des dirigeants et du personnel représente 49 870 euros par an. Toutefois, en l'absence d'éléments permettant de corroborer cette allégation, l'administration doit être regardée comme établissant que la consommation du personnel a suffisamment été prise en compte.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la méthode employée par l'administration pour reconstituer les recettes de la SAS Nautin Restauration n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire.
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :
10. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...). ". Aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le gérant d'une société, passible de l'impôt sur les sociétés, se désigne lui-même comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués, en réponse à l'invitation faite par l'administration à la société sur le fondement de l'article précité et même après le délai prévu pour ce faire, il est présumé avoir appréhendé les revenus en question, sauf à apporter la preuve contraire devant le juge.
11. En premier lieu, dans un courrier du 6 octobre 2019, que MM. D... et William C... ont signé, la SAS Nautin Restauration les a désignés, en application de l'article 117 du code général des impôts, comme étant chacun bénéficiaire de la moitié des revenus distribués. Ainsi, M. D... C... est présumé avoir appréhendé ces sommes dans cette proportion, sans que l'administration ne soit tenue d'apporter la preuve de l'appréhension effective de ces revenus.
12. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., le montant regardé comme distribué entre les mains de l'associé sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts s'entend de la totalité des recettes dissimulées, incluant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants, y compris lorsque ces rappels ont été déduits des résultats de l'exercice vérifié retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la société distributrice par application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales.
Sur la majoration pour manquements délibérés :
13. Les rectifications mentionnées ci-dessus étant fondées, les conclusions à fin de décharge par voie de conséquence de la majoration pour manquements délibérés dont elles ont été assorties ne peuvent qu'être rejetées.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et B... C... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
Le rapporteur,
P. Moya
La présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02234
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