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15/05/2025 | FRANCE | N°24LY02232

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 15 mai 2025, 24LY02232


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée (SAS) Nautin Restauration a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2016, 2017 et 2018 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.
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Par un jugement n° 2207174 du 28 juin 2024, ce tribunal a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Nautin Restauration a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2016, 2017 et 2018 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2207174 du 28 juin 2024, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet 2024 et 13 janvier 2025, la SAS Nautin Restauration, représentée par Me Vogel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'ayant pas suivi l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle supporte la charge de la preuve et les recettes reconstituées présentent un caractère exagéré ;

- la reconstitution de recettes est excessivement sommaire dans la mesure où la contenance des verres de vin était de 15 cl, où la ventilation des ventes entre le vin servi au verre et le vin servi à la bouteille est erronée et où la perte de bière, l'utilisation de bière et de vin en cuisine et les offerts sont sous-estimés ;

- en l'absence d'enrichissement, l'administration n'apporte pas la preuve que les associés ont appréhendé des revenus ; les revenus distribués doivent être diminués du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors que les recettes non déclarées présentent en définitive un caractère non significatif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 novembre 2024 et 4 février 2025, le ministre chargé du budget et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la SAS Nautin Restauration ne concernent pas la minoration d'actif constatée au titre de l'exercice clos en 2016 ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Moya, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Nautin Restauration, qui exploite un bar-restaurant sous l'enseigne " Obobar ", dont MM. William et Jacques Dargnat, associés à parts égales, sont respectivement président et directeur général, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle la vérificatrice, après avoir écarté la comptabilité comme étant dénuée de valeur probante, a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires et de ses résultats. En conséquence de ce contrôle, la SAS Nautin Restauration a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 et s'est vue réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période contrôlée. Ces impositions supplémentaires ont été assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 28 juin 2024 dont la SAS Nautin Restauration relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalité, de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / (...). ".

3. Pour reconstituer les recettes afférentes aux ventes de vin et de bière, l'administration a procédé au dépouillement des factures d'achat sur l'ensemble de la période vérifiée, après avoir exercé son droit de communication auprès des principaux fournisseurs, a déterminé les quantités de boissons revendues, en intégrant les stocks à l'ouverture et la clôture de chacun des exercices. Elle a appliqué plusieurs correctifs correspondant à la perte, à l'utilisation en cuisine et à la consommation par le personnel de bière, évaluées après prise en compte de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à 20 % des achats de bière, et à des pertes diverses de champagne et de vin, telles que la casse ou la consommation du personnel, estimées à 5 % des recettes. Elle a exclu du montant des achats le vin utilisé en cuisine, correspondant à 40 % du vin en cubitainer et à la totalité du vin du Jura.

4. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a estimé, dans son avis du 28 janvier 2021, d'une part, que le vin était servi dans des verres de 15 centilitres, et non de 13 centilitres, et, d'autre part, qu'il y avait lieu d'admettre un taux de perte supplémentaire de 5 % correspondant à l'utilisation de bière en cuisine. L'administration a retenu la perte supplémentaire de bière. La circonstance que la contenance des verres de vin serait de 15 centilitres demeure sans incidence sur les recettes rectifiées, dès lors que le calcul des recettes a été effectué en considérant que la totalité du vin avait été vendue en bouteille, sans prise en compte de la contenance des verres. Ainsi, les impositions supplémentaires ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dans ces conditions, et alors que la SAS Nautin Restauration ne conteste pas que la comptabilité comportait de graves irrégularités, il lui appartient d'établir le caractère exagéré des impositions.

5. En premier lieu l'administration a considéré que la totalité du vin acheté en bouteille avait été servi dans le bar-restaurant à la bouteille, dans la mesure où le prix au centilitre était inférieur à celui constaté pour le vin servi au verre. Cette méthode a eu pour effet de minorer les recettes reconstituées et la SAS Nautin Restauration n'établit pas que le prix au centilitre de certains vins serait inférieur en cas de service au verre. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution de recettes est radicalement viciée ou excessivement sommaire pour ce motif.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que toutes les consommations n'ont pas été enregistrées en caisse, notamment parce que l'espace loggia n'en dispose pas. Par suite, la SAS Nautin Restauration n'est pas fondée à soutenir que la ventilation des ventes de vin, en bouteille et au verre, est erronée en se prévalant du dépouillement des tickets de caisse, dits A....

7. En troisième lieu, en se prévalant, d'une part, de la longueur des tuyaux qui relient le local de stockage des fûts aux becs verseurs et, d'autre part, d'un extrait de blog consacré au gaspillage de bière et d'une attestation d'un fournisseur qui indique qu'il a dû intervenir pour modifier l'installation du bar-restaurant en raison de problèmes récurrents de mousse lors du tirage de bière, la SAS Nautin Restauration ne démontre pas que l'administration aurait retenu un taux de perte de bière insuffisant.

8. En quatrième lieu, il résulte de la proposition de rectification que la liste des articles enregistrés sur le logiciel de la caisse enregistreuse comportait des libellés peu précis, qui ne permettaient pas d'identifier les plats vendus. Il résulte par ailleurs des tickets A... versés à l'instance que de nombreux plats étaient enregistrés en " entrée du jour ", sans être valorisés dans le chiffre d'affaires. La SAS Nautin Restauration n'établit pas combien de plats étaient confectionnés avec de la bière et du vin. Dans ces conditions, elle ne démontre pas que le service aurait pris en considération une quantité insuffisante de bière et de vin utilisée en cuisine. Elle n'établit pas non plus que l'administration aurait sous-évalué les taux d'offerts et la consommation de bière du personnel.

9. En dernier lieu, la SAS Nautin Restauration ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de ses impositions, que l'administration n'apporte pas la preuve que les associés ont effectivement appréhendé les revenus et que les revenus distribués doivent être diminués du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, une telle argumentation n'étant opérante qu'à l'appui de la contestation par les associés de leurs cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales.

Sur la majoration pour manquements délibérés :

10. Les rectifications mentionnées ci-dessus étant fondées, les conclusions à fin de décharge par voie de conséquence de la majoration pour manquements délibérés dont elles ont été assorties ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de ce qui précède que la SAS Nautin Restauration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Nautin Restauration est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Nautin Restauration et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

P. Moya

La présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02232

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02232
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : VOGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly02232 ?
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