Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
La société par actions simplifiée (SAS) Tisseray et compagnie et la SAS Financière Tisseray ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elles ont été assujetties au titre, respectivement, des années 2013 et 2014 et de l'année 2015 en conséquence de la remise en cause par l'administration fiscale du crédit d'impôt recherche dont la SAS Tisseray et compagnie avait bénéficié, ainsi que la restitution des sommes acquittées.
Par des jugements n°s 2109634 et 2109635 du 9 mai 2023, ce tribunal a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
I- Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023 sous le n° 23LY02288, la SAS Tisseray et compagnie, représentée par Me Faury, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2109634 et de faire droit à sa demande ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle exerce une activité industrielle lui permettant de bénéficier du crédit impôt recherche, pour les nouvelles collections, prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts ;
- elle peut se prévaloir de la doctrine administrative n° BOI-BIC-RICI-10-10-40 qui prévoit que les entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui sous-traitent leur production à des tiers tout en étant propriétaires de la matière première et en assumant tous les risques de la fabrication et de la commercialisation peuvent bénéficier du crédit d'impôt recherche au titre des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la SAS Tisseray et compagnie ne peut pas utilement invoquer le bénéfice de la doctrine.
II- Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023 sous le n° 23LY02289, la SAS Financière Tisseray, représentée par Me Faury, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2109635 et de faire droit à sa demande ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SAS Tisseray et compagnie exerce une activité industrielle lui permettant de bénéficier du crédit impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts ;
- elle peut se prévaloir de la note administrative n° BOI-BIC-RICI-10-10-40 qui prévoit que les entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui sous-traitent leur production à des tiers tout en étant propriétaires de la matière première et en assumant tous les risques de la fabrication et de la commercialisation peuvent bénéficier du crédit d'impôt recherche au titre des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête
Il fait valoir que la SAS Financière Tisseray ne peut pas utilement invoquer le bénéfice de la doctrine.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gauziède, pour les SAS Tisseray et compagnie et Financière Tisseray.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Tisseray et compagnie, filiale du groupe fiscalement intégré de la SAS Financière Tisseray constitué le 1er janvier 2015, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a, notamment, estimé que les dépenses de nouvelles collections engagées au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015 n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt dont la SAS Tisseray et compagnie avait bénéficié en application de l'article 244 quater B du code général des impôts à raison des dépenses d'élaboration de nouvelles collections. La SAS Tisseray et compagnie et la SAS Financière Tisseray, en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré, ont, en conséquence, été assujetties à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices vérifiés. Par des jugements dont elles relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces cotisations et à la restitution des sommes acquittées.
2. Les requêtes nos 23LY02288 et 23LY02289 concernent des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles ont été assujetties des sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré et présentent à juger des questions identiques. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / (...) ; / h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit : / 1° Les dépenses de personnel afférentes aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; / 2° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la réalisation d'opérations visées au 1° ; / 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 p. 100 des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; / 4° Les frais de dépôt des dessins et modèles. / 5° Les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 € par an ; / i) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiée par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de style agréés selon des modalités définies par décret ; / (...). ".
4. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert, sur le fondement du h) ou du i) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui exercent une activité industrielle. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d'une production dans le cadre de cette activité. Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques.
5. Il résulte de l'instruction que la SAS Tisseray et compagnie a pour activité la fabrication et la vente de textiles, notamment pour la confection de couettes et d'oreillers, ainsi que de linge de maison à destination de réseaux de distribution. Il ressort de la proposition de rectification du 10 juillet 2017 que l'usine de fabrication détenue par la société a été fermée le 16 janvier 2008, que les installations techniques, le matériel et l'outillage industriel ont été comptabilisés pour des montants de 65 889 euros au titre de l'exercice 2013, de 74 490 euros au titre de l'exercice 2014 et de 73 305 euros au titre de l'exercice de 2015 et que les dépenses d'achat de matières premières et de produits divers ont été au plus inférieures de moitié aux dépenses d'achat de produits finis, d'un montant de 9 954 754 euros en 2013, de 10 412 617 euros en 2014 et de 11 544 385 euros en 2015. En outre, il ressort de cette même proposition de rectification que la SAS Tisseray et compagnie ne dispose d'aucun matériel de fabrication lui permettant d'honorer les commandes, les imprimantes dont elle indique disposer ne permettant d'imprimer que des échantillons et des quantités limitées de tissus destinés à des réassorts. Si elle se prévaut du code NAF 1320 Z attribué par l'INSEE pour les activités de tissage de tissus notamment destinés à la fabrication de linge de maison, ce code n'a qu'une valeur indicative et ne permet pas de qualifier l'activité de l'entreprise au regard des dispositions citées ci-dessus. Enfin, si les appelantes font valoir que la SAS Tisseray et compagnie achète les fils et tissus et est ainsi propriétaire des matières premières, les livre à ses sous-traitants pour le tissage de ses créations ou l'impression des tissus, puis leur blanchiment à façon et assume les risques de fabrication et de commercialisation, ces circonstances sont, en tout état de cause, sans incidence sur le caractère industriel de l'activité de la société au sens des dispositions du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Dans ces conditions, la SAS Tisseray et compagnie ne peut être regardée comme exerçant une activité industrielle au sens du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et c'est à bon droit que le service a remis en cause le crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié.
Sur l'application de la doctrine administrative :
6. Le bénéfice du paragraphe 20 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 est réservé aux entreprises exerçant une activité industrielle. Ainsi qu'il est jugé au point précédent, la SAS Tisseray n'exerce aucune activité industrielle. Par suite, les appelantes ne sauraient se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de cette instruction, qui maintient à certaines conditions le bénéfice du crédit d'impôt aux entreprises industrielles qui ont également recours à la sous-traitance, dans les prévisions desquelles la SAS Tisseray et compagnie n'entre pas.
7. Il résulte de ce qui précède que les SAS Tisseray et compagnie et Financière Tisseray ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Les requêtes doivent, par suite, être rejetées, en toutes leurs conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes des SAS Tisseray et compagnie et Financière Tisseray sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Tisseray et compagnie, à la SAS Financière Tisseray et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.
La rapporteure,
A.-S. Soubié La présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N°s 23LY02288, 23LY02289
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