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14/05/2025 | FRANCE | N°24LY00850

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 14 mai 2025, 24LY00850


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 mars 2024 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2402149 du 6 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a an

nulé la décision du 2 mars 2024 par laquelle le préfet de la Drôme a prononcé à l'encontre de M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 mars 2024 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2402149 du 6 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 2 mars 2024 par laquelle le préfet de la Drôme a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024, M. B..., représenté par Me Hmaida, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions de l'arrêté du 2 mars 2024 par lesquelles le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et résulte d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 juin 2024, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant tunisien né le 1er mars 1985 à Ghardimaou (Tunisie), M. B... est entré en France selon ses déclarations au cours de l'année 2011, dans des conditions indéterminées. Il a été titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, accordé le 23 juillet 2015. Le 7 novembre 2016, il en a sollicité le renouvellement et, par arrêté du 10 décembre 2018, le préfet de la Drôme a refusé de faire droit à sa demande. La légalité de ce refus a été confirmée par un jugement n° 1907213 du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2021 devenu définitif. Condamné à quatre reprises entre 2013 et 2023 à des peines d'emprisonnement, notamment pour des faits de vols et de violences commises sur sa compagne, il a fait l'objet, le 4 mars 2024, d'un arrêté du préfet de la Drôme l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, cette mesure étant assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 6 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la seule décision portant interdiction de retour sur le territoire français, et, par l'article 3 de ce jugement dont M. B... relève appel, a rejeté le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation des autres décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. M. B..., père de deux enfants de nationalité française nés en 2013 et 2015 qui font l'objet d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département de la Drôme, soutient qu'il honore les droits de visite qui lui sont accordés et produit à hauteur d'appel deux attestations du chef de service de l'ASE des 4 et 14 mars 2024, rédigés en termes généraux, selon lesquelles il a été présent lors des visites avec ses enfants depuis avril 2019 et contribue financièrement aux frais de placement pour ceux-ci. Toutefois, et alors que le premier juge a retenu, au vu des pièces produites, que le requérant n'établissait pas, à la date de l'arrêté attaqué, entretenir une relation avec ses enfants depuis au moins deux ans, ces attestations, nouvellement produites en appel, ne sont corroborées par aucun autre élément probant de nature à confirmer le lien affectif soutenu dont M. B... se prévaut, l'ordonnance de renouvellement de la mesure de placement du 10 avril 2024 du tribunal pour enfants de C... étant également insuffisante à cet égard.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". M. B... ne justifiait pas, au moment de la décision contestée, contribuer effectivement depuis au moins deux ans à l'entretien et l'éducation de ses enfants, ainsi qu'il a été dit au point précédent. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il satisfaisait aux conditions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, en édictant une obligation de quitter le territoire français, le préfet, qui a vérifié le droit au séjour de l'intéressé sur ce fondement, n'a pas méconnu son droit à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français.

5. En troisième lieu, il convient, par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 5 de son jugement et qui ne sont pas utilement critiqués en appel, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, il résulte des points 2 à 5 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision d'éloignement doit être écarté.

7. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 3, la décision refusant un délai de départ volontaire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné à quatre reprises à des peines d'emprisonnement ainsi qu'il a été rappelé au point 1, et notamment en 2013, 2015 et 2016, à des peines d'emprisonnement pour des faits de vol et de violences sur sa compagne. Par suite, au regard de la menace à l'ordre public que son comportement représente et alors que M. B... ne justifie pas la démarche de soins dans laquelle il déclare être engagé, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant de la justification du refus de délai de départ volontaire fondé sur une telle menace, et celui de l'erreur d'appréciation, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

9. Il résulte des points précédents que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme au titre des frais exposés par M. B... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Jean-Simon Laval, premier conseiller,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025.

La rapporteure,

Emilie FelmyL'assesseur le plus ancien,

Jean-Simon Laval

La greffière,

Florence BossoutrotLa rapporteure,

Emilie FelmyL'assesseur le plus ancien,

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00850
Date de la décision : 14/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : HMAIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-14;24ly00850 ?
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