La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2025 | FRANCE | N°23LY02869

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 09 mai 2025, 23LY02869


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Société de distribution de la Baronnie (SODIBA) a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont elle était assortie.



Par un jugement n° 2202109 du

11 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Société de distribution de la Baronnie (SODIBA) a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont elle était assortie.

Par un jugement n° 2202109 du 11 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 septembre 2023 et le 4 avril 2024, la SASU SODIBA, représentée par Me Devis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de faire droit à sa demande ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le prix de vente convenu comportait des contreparties consenties dans l'intérêt de l'entreprise et ne constitue pas un acte anormal de gestion ;

- la valeur vénale de la participation estimée par l'administration ne peut être retenue, dès lors que le bilan et le compte de résultat de l'exercice 2015 n'étaient pas encore arrêtés à la date de la cession, que la pondération retenue pour cet exercice est surévaluée et que l'estimation de la valeur du fonds de commerce est erronée ;

- une décote de 30 % aurait dû être appliquée sur la valeur patrimoniale de la participation, la SAS Berlifi détenant seulement des titres de la SAS Berlidis et la décote pour illiquidité des titres ne faisant pas obstacle à d'autres décotes ;

- l'administration n'ayant pas rapporté la preuve de sa mauvaise foi, la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'acte anormal de gestion est établi ;

- la preuve du manquement délibéré est rapportée par l'importance des minorations de prix et les relations existantes entre les parties à l'opération.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Devis pour la SASU SODIBA ;

Et avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SASU SODIBA enregistrée le 4 avril 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Société de distribution de la Baronnie (SODIBA) exploite un supermarché à l'enseigne " Hyper U " au Pont-de-Beauvoisin (Savoie). Son capital est détenu par son président, M. A... C.... Le 28 mai 2009, elle est entrée avec 50 % des parts au capital de la société par actions simplifiée (SAS) Berlifi, société holding créée par le fils de M. A... C..., M. D... C..., afin de lui permettre d'acquérir les titres de la SAS Berlidis qui exploite un supermarché à l'enseigne " Super U " à Biviers (Isère). Le surplus de son capital était détenu par MM. A... et D... Laudry, à hauteur respectivement de 1 % et de 49 %. Cette acquisition, réalisée au prix de 6 200 000 euros, a été financée au moyen d'emprunts bancaires à hauteur de 5 000 000 euros et d'un versement en compte courant d'associé de 1 000 000 d'euros effectué par la SASU SODIBA. Le 27 août 2015, celle-ci a cédé la totalité des 2 000 titres qu'elle détenait dans la SAS Berlifi à M. D... B... pour un prix de 24 809 euros, soit 12,40 euros par action. Le même jour, M. A... C... a cédé les 40 titres qu'il détenait dans la SAS Berlifi pour un prix de cession de 12,40 euros par action à son fils, qui est devenu l'unique actionnaire de la société. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration, considérant que la valeur vénale des titres cédés par la SASU SODIBA devait être évaluée à 1 360 euros par action, qu'elle a ramenée en dernier lieu à 828 euros à la suite des observations de la société sur la proposition de rectification, a estimé que la cession à un prix délibérément minoré, intervenue dans le cadre d'une relation d'intérêts, dissimulait une libéralité consentie au profit de M. D... C.... En conséquence, le montant de cette libéralité a été réintégré dans le résultat imposable de la SASU SODIBA de l'exercice 2015. Par un jugement dont la SASU SODIBA relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie en conséquence et des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont elle était assortie.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

3. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

4. La valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

En ce qui concerne l'évaluation de la valeur des parts :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 19 juin 2018 et de la réponse aux observations du contribuable du 28 novembre 2018, que le service a retenu pour l'évaluation de la valeur des titres de participation que la SAS Berlifi, dont l'activité de holding consiste en la gestion des titres de participation de sa filiale détenue à 100 %, la SAS Berlidis, n'exerçait pas d'activité économique et qu'il y avait lieu en conséquence d'évaluer la valeur vénale de ses titres en fonction de sa valeur patrimoniale à la clôture de l'exercice et que pour déterminer cette valeur patrimoniale, il était nécessaire de déterminer la valeur vénale des titres de la SAS Berlidis figurant à l'actif du bilan de la SAS Berlifi. En l'absence de vente comparable, le service a déterminé cette valeur vénale par application d'une méthode combinant la valeur mathématique des actions avec leur valeur de rentabilité. Le service a dans ce cadre retenu, d'une part, une valeur mathématique unitaire de 6 909 euros et une valeur de rentabilité unitaire de 13 781 euros, desquelles il en est résulté une valeur vénale unitaire, après combinaison des méthodes, de 9 200 euros, soit une valeur vénale des 823 titres de la SAS Berlidis de 7 571 724 euros. Le service a ensuite procédé à l'évaluation des 4 000 actions de la SAS Berlifi en corrigeant la valeur nette comptable de la société, à la clôture de l'exercice 2015, et en retenant en conséquence une valeur vénale des 4 000 titres de 3 310 758 euros, soit une valeur vénale unitaire de 828 euros. Au regard de l'écart entre le prix de cession retenu par les parties de 24 809 euros et la valeur vénale des 2 000 actions estimée à la somme de 1 656 000 euros, le service a en conséquence réintégré la somme de 1 631 192 euros dans le bénéfice imposable de la SASU SODIBA.

6. Si la SASU SODIBA critique les modalités de prise en compte par l'administration de certains paramètres des méthodes combinées pour déterminer la valeur vénale des titres en litige, soit 828 euros part action au lieu du prix convenu de 12,40 euros, plus de soixante fois inférieur, il ne résulte pas, toutefois, de ses écritures que la correction des erreurs éventuellement commises par l'administration aurait pour effet d'aboutir à un prix de cession ne présentant plus un écart significatif par rapport à la valeur vénale ainsi recalculée. Ainsi, la SASU SODIBA ne conteste pas sérieusement que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale des titres en litige.

En ce qui concerne la contrepartie :

7. Alors que l'administration a établi l'existence d'un écart très significatif entre la valeur vénale des parts et leur prix d'achat, il résulte de l'instruction qu'elle a également estimé, après avoir relevé que des liens familiaux, d'affection et d'intérêt existent entre les parties à l'acte dès lors que M. D... C... est le fils de M. A... C..., unique associé de la SASU SODIBA, et que M. A... C... avait également cédé le même jour à son fils les 40 actions qu'il détenait dans la SAS Berlifi, de telle sorte qu'à l'issue de l'opération de cession, M. D... C... détenait 100 % des titres de la SAS Berlifi, que l'intention libérale entre MM. A... et D... C... était présumée.

8. La SASU SODIBA se prévaut d'une convention conclue le 9 janvier 2010 intitulée " convention de traitement du compte courant SODIBA ouvert dans les livres de Berlifi et de retrait de SODIBA du capital de Berlifi ", qu'elle qualifie de convention de portage-sûreté, qui a prévu, en contrepartie du remboursement du prêt consenti à la SAS Berlifi d'un montant d'un million d'euros avec intérêts, la revente à M. D... C... des parts de la SAS Berlifi au prix de souscription au capital social majoré d'un intérêt calculé au taux " EURIBOR 3 mois + 3 points " et la renonciation de la SASU SODIBA à appréhender toute éventuelle plus-value à l'occasion de tout transfert intervenant dans le cadre de la convention. Toutefois, cette convention ne permet pas de caractériser une contrepartie consentie dans l'intérêt de la SASU SODIBA au prix minoré fixé pour l'achat des titres de participation d'une filiale acquise pour un montant de plus de six millions d'euros. Par ailleurs, le mécanisme de parrainage entre les entreprises exploitant des magasins à l'enseigne " Super U " sous la forme de prêts à des conditions avantageuses ne permet pas plus d'attester d'une contrepartie à la cession à prix minoré des parts sociales dans l'intérêt de la SASU SODIBA. La requérante n'avançant aucun autre motif susceptible de justifier que l'appauvrissement consécutif à la cession à prix minoré aurait été décidé dans l'intérêt de l'entreprise ou que celle-ci se serait trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, l'administration fiscale, qui démontre par ailleurs l'existence d'une communauté d'intérêts entre la SASU SODIBA et M. D... C..., compte tenu des liens familiaux entre celui-ci et M. D... C..., apporte la preuve qui lui incombe du caractère anormal de l'acte de cession.

Sur les pénalités :

9. La SASU SODIBA réitère en appel le moyen tiré de ce que la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal.

10. Il résulte de ce qui précède que la SASU SODIBA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU SODIBA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Société de distribution de la Baronnie et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.

La rapporteure,

A.-S. Soubié La présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02869

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02869
Date de la décision : 09/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-09;23ly02869 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award