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06/05/2025 | FRANCE | N°24LY02310

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 06 mai 2025, 24LY02310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2311165 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoi

re enregistrés les 6 et 30 août 2024, Mme C..., représentée par Me Prudhon, demande à la cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2311165 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 et 30 août 2024, Mme C..., représentée par Me Prudhon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 mai 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2023 de la préfète de l'Ain ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen un récépissé de demande de titre de séjour, sous astreinte de 75 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que son état de santé se dégrade très rapidement et la rend dépendante ; les premiers juges n'ont pas pris en compte les certificats médicaux par lesquels les conséquences de l'absence de prise en charge de son état de santé sont clairement précisées, la plus importante étant la perte d'autonomie ; elle ne peut vivre en Russie, pays dans lequel elle n'a plus de famille et la gravité de son état de santé ne lui permet plus de rester seule ; sa fille unique lui a régulièrement envoyé de l'argent entre 2019 et 2022 ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination seront annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire enregistré le 11 février 2025, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation sont inopérants à l'encontre du refus de séjour ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 10 juillet 2024, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., née le 18 mars 1945 à Kazan (Russie) et de nationalité russe, est entrée régulièrement sur le territoire français le 3 octobre 2022 munie de son passeport revêtu d'un visa C Schengen, portant la mention famille D.... Elle relève appel du jugement du 6 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. /(...). ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. /(...) "

3. Par un avis du 7 août 2023, le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, son état de santé lui permettait de voyager sans risque.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu de l'hôpital pour les vétérans de guerre de Kazan " service de médecine " où Mme C... a été hospitalisée en septembre 2022 avant son entrée sur le territoire français, que cette dernière présente une hypertension artérielle du second degré, une hypertrophie ventriculaire gauche et un diagnostic associé de maladie cérébrovasculaire, une diminution de l'activité fonctionnelle de base, un syndrome de déficience cognitive modérée, une diminution de la mobilité et de la mémoire, un faible risque de chutes, une sarcopénie et une perte auditive neurosensorielle. Mme C... produit également des certificats médicaux établis par son médecin généraliste les 7 décembre 2022 et 27 juin 2023 qui attestent qu'elle présente une démence déjà évoluée avec troubles cognitifs sévères type maladie d'Alzheimer, rendant toute autonomie impossible pour les actes de la vie quotidienne et nécessitant son maintien au domicile de sa fille, de façon définitive. Cependant, aucune de ces pièces ne précise les conséquences d'une absence de prise en charge médicale sur l'état de santé de Mme C.... Également, le certificat du 7 septembre 2023 établi par un médecin du service de médecine du vieillissement des Hospices civils de Lyon qui indique " que les éléments de sémiologie, de tests et d'imagerie cérébrale sont en faveur d'un trouble neurocognitif majeur avec une atteinte de la mémoire épisodique de type maladie d'Alzheimer " et recommande la mise en place d'un plan d'aides pour les activités de base de la vie quotidienne, la prise des médicaments, une surveillance de la prise de trois repas par jour, n'établit pas davantage les conséquences de l'absence de traitement sur l'état de santé de Mme C.... Enfin, si cette dernière produit en appel un certificat du 30 juillet 2024 et un certificat médical circonstancié d'un gériatre du centre psychothérapique de l'Ain du 28 août 2024 qui précise s'inscrire en faux devant l'affirmation du collège de médecins de l'OFII du 7 août 2023 indiquant avoir " une pratique de trente ans de la prise en charge des maladies neuro-dégénératives de type Alzheimer ", ces pièces médicales, postérieures de près d'une année à la décision en litige, si elles démontrent une évolution rapide de la pathologie neurodégénérative de Mme C..., ne remettent pas utilement en cause l'appréciation portée sur les conséquences d'une absence de traitement sur son état de santé, alors qu'il n'est pas contesté que ce traitement consiste uniquement dans la prise en charge de la perte d'autonomie de l'intéressée. Il suit de là que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande de délivrance de titre de séjour présentée uniquement pour soins, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui du recours formé contre une décision de refus motivée uniquement par le rejet de la demande de titre de séjour en raison de l'état de santé, l'invocation des stipulations de l'article 8 étant sans incidence sur l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur les conditions posées à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un tel titre.

6. Par l'arrêté en litige du 11 septembre 2023, la préfète de l'Ain s'est bornée à examiner la demande de titre de séjour présentée par Mme C... au titre de son état de santé pour en conclure qu'elle ne remplit pas les conditions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour sur un tel fondement, sans s'interroger à ce stade sur l'atteinte que ce refus serait susceptible d'emporter sur sa vie privée et familiale. L'existence éventuelle d'une telle atteinte n'a été examinée qu'au seul stade de l'appréciation de la mesure d'éloignement. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que ce refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de Mme C... doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

8. En dernier lieu, et ainsi qu'il a été dit, Mme C... n'établit pas l'illégalité du refus de titre de séjour qu'elle conteste. Dès lors, les moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination et tirés, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour, doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... veuve C... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

A.-G. Mauclair

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°24LY02310 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02310
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24ly02310 ?
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