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06/05/2025 | FRANCE | N°24LY00856

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 06 mai 2025, 24LY00856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2400060 du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 29 novemb

re 2023 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... un titre de séjour et une autorisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2400060 du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 29 novembre 2023 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... un titre de séjour et une autorisation provisoire de séjour dans les délais respectifs de deux mois et quinze jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mars 2024, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 12 mars 2024 et de rejeter la demande de première instance de M. A....

Il soutient que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit en annulant son arrêté du 29 novembre 2023, au motif que la disponibilité du traitement médical de M. A... au Sénégal n'était pas établie, sans solliciter, sur ce point, les observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont le collège de médecins avait émis un avis selon lequel ce traitement était disponible ;

- les moyens de légalité externe soulevés en première instance ne sont pas fondés ;

- en ce qui concerne l'état de santé de l'intéressé et la disponibilité de son traitement médical dans son pays d'origine, c'est au requérant qu'il incombe d'établir qu'il remplit les conditions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en l'espèce, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ces deux points et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

- la décision de refus de séjour ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., qui est entré récemment en France, où il ne justifie pas d'une situation stable, alors qu'il conserve des attaches fortes dans son pays d'origine ;

- cette décision ne porte pas non plus d'atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. A... qui seraient présents en France, alors que la famille peut repartir au Sénégal où résideraient deux autres de ses enfants.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a transmis le dossier médical du requérant et a présenté des observations, enregistrés respectivement les 7 et 15 mai 2024.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2025, M. A..., représenté par Me Schürmann, conclut :

1°) à ce que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordée ;

2°) à titre principal, au rejet de la requête ;

3°) à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2023 du préfet de l'Isère et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État, à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'OFII se fonde sur des sources médicales non traduites en français, qui seront donc écartées des débats ;

- l'OFII, qui reconnaît que le candesartan, le prasurgel et le kardegic ne sont pas disponibles au Sénégal, n'est pas compétent pour se substituer à son médecin traitant et indiquer si certains médicaments qui lui sont prescrits sont substituables par d'autres molécules ;

- il produit des éléments établissant que le resitune et le candesartan ne sont pas disponibles au Sénégal ;

- son état de santé, caractérisé par une cardiopathie ischémique à la suite de deux accidents vasculaires cérébraux et une insuffisance rénale, nécessite un suivi tous les six mois en service de cardiologie, actuellement assuré par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble, qui ne pourra pas être réalisé au Sénégal ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 19 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2025.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 4 décembre 1979, entré en France en dernier lieu le 24 décembre 2021, a sollicité le 4 août 2022 la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa vie privée et familiale et son état de santé. Sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Isère du 29 novembre 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. La préfète de l'Isère relève appel du jugement du 12 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour et une autorisation provisoire de séjour.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire de M. A... :

2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2024. Ses conclusions tendant à ce que cette aide lui soit accordée à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu, par suite, de statuer sur cette demande.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

4. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, le préfet de l'Isère s'est approprié le sens de l'avis du 6 juin 2023, par lequel le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Sénégal, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, M. A... soutient que le suivi médical et le traitement médicamenteux nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles ni accessibles dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des observations et des documents produits par l'OFII, que l'état de santé M. A..., qui souffre d'insuffisance rénale ainsi que d'une cardiopathie ischémique à la suite de deux accidents vasculaires cérébraux dont il a été victime en décembre 2022 et janvier 2023, nécessite un traitement médical consistant en un suivi régulier au sein d'un service de cardiologie d'une part et en la prise de plusieurs médicaments, au nombre desquels des inhibiteurs de l'agrégation plaquettaire ou antithrombotiques et des antihypertenseurs, d'autre part. En ce qui concerne le suivi, il ressort des extraits de la base " MedCOI " (Medical country of origin information), base de données médicales des pays d'origine proposée par l'Agence de l'Union européenne pour l'asile, produits par l'OFII, qu'un suivi par un service hospitalier cardiologique est disponible à Dakar. La circonstance que M. A... soit originaire d'une région très éloignée de cette ville est sans incidence sur la possibilité pour lui de bénéficier d'un suivi médical régulier dans son pays d'origine. En ce qui concerne les médicaments nécessaires à son traitement médical, M. A... invoque l'indisponibilité du candesartan, du risetune, du prasugrel et du kardegic dans son pays d'origine et la non substituabilité des deux premiers par une autre spécialité. Il ressort toutefois de la liste des médicaments et produits essentiels du Sénégal, produite tant par M. A... que par l'OFII, que le principe actif du candesartan est disponible dans ce pays. Il en ressort également que le principe actif du kardegic et du risetune, l'acide acétylsalicylique, est disponible dans ce pays sous la forme d'autres médicaments dont il n'est pas sérieusement soutenu qu'ils ne seraient pas substituables au traitement prescrit à M. A..., qui se borne à contester la compétence médicale de l'OFII, alors que le certificat médical du 31 janvier 2024 qu'il invoque se fonde sur le même document que l'OFII. Quant au prasugrel, dont le principe actif ne figure pas dans la liste des médicaments et produits essentiels du Sénégal, il ressort des éléments fournis par l'OFII qu'il existe une alternative thérapeutique par le clopidogrel, qui est également un anti-agrégant plaquettaire, alors qu'aucune ordonnance de ce médicament ne précise qu'il ne serait pas substituable. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies au Sénégal. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 du préfet de l'Isère.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

9. En premier lieu, l'arrêté du 29 novembre 2023 a été signé par M. Laurent Simplicien, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer tous actes relevant des attributions de l'État dans le département à l'exception d'actes au sein desquels ne figurent pas les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, qui lui avait été consentie par arrêté du préfet de l'Isère du 21 août 2023. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte ne peut donc qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, la décision du 29 novembre 2023 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle les conclusions des avis du collège des médecins de l'OFII du 4 novembre 2022 puis du 6 juin 2023, indique les motifs du refus de séjour opposé, permettant à l'intéressé d'en discuter utilement, et fait référence de manière précise et circonstanciée à la situation personnelle du requérant. Elle comporte ainsi l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors aux exigences de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. À défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) ". Enfin, selon l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces transmises par la préfète de l'Isère et l'OFII, qu'un rapport médical a été établi le 4 avril 2023 à la suite de la demande de titre de séjour présentée par M. A.... Ce rapport été transmis au collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le jour même. Conformément aux dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un avis a été émis le 6 juin 2023 sur l'état de santé de M. A... par ledit collège, préalablement à l'édiction de la décision attaquée, le médecin ayant établi ledit rapport médical n'ayant pas participé à la délibération de ce collège, composé de trois autres médecins, dont le nom de chacun figure sur l'avis. Cet avis précise la nationalité de M. A... et se prononce sur chacun des critères de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en indiquant que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Sénégal, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine. Il est ainsi suffisamment précis et motivé. Le collège des médecins de l'OFII a été d'avis que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et le préfet a repris cette appréciation à son compte. Les moyens tirés de vices de procédure ne peuvent donc qu'être écartés.

13. En quatrième lieu, le préfet de l'Isère, qui a pris en considération l'état de santé de l'intéressé et l'avis porté par le collège des médecins de l'OFII sur cet état, et qui n'était pas tenu de préciser dans sa décision l'ensemble des éléments qu'il a pris en considération pour adopter sa décision, s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle du requérant et notamment de son état de santé, sans se borner à se conformer à l'avis du collège des médecins de l'OFII. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté en toutes ses branches.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. A... ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de cet article en soutenant qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies au Sénégal à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, qui ne l'oblige pas à retourner au Sénégal.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ". M. A... fait état de ce que sa vie privée et familiale se situe en France, où il séjourne avec son épouse et ses deux filles nées en 2010 d'une précédente union. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la période de séjour autorisée par son visa, n'était présent en France que depuis moins de deux années à la date de la décision en litige. M. A... a conservé des liens familiaux dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans et où résident encore deux de ses enfants. S'il justifie avoir été temporairement employé en qualité d'animateur ou de médiateur, il ne justifie pas d'une intégration particulière en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que son épouse, compatriote, disposerait d'un titre de séjour en France. Dans ces conditions, eu égard en particulier à sa faible durée de présence en France, alors même qu'il y aurait précédemment résidé en 2020, le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision attaquée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... entretienne des liens avec les deux enfants mineurs nées en mars 2010 dont il allègue être le père. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

17. En dernier lieu, les circonstances dont fait état M. A..., rappelées aux points précédents, ne sont pas suffisantes pour constituer des circonstances particulières de nature à entacher la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. /(...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.

20. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, même en tenant compte des conséquences spécifiques de cette mesure, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 17, M. A... ne faisant valoir aucune circonstance particulière distincte à l'encontre de la décision d'éloignement.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

21. En l'absence d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Isère est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 29 novembre 2023. Par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation de M. A..., ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées en appel doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'avocate de M. A... demande sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 2400060 du 12 mars 2024 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... en première instance et en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A..., à Me Émilie Schürmann.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

G. C...La présidente,

A.-G. Mauclair

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 24LY00856 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00856
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24ly00856 ?
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