Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202020 du 8 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 mars 2024, M. A..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 11 juillet 2022 ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " travailleur temporaire " ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il justifie d'actes d'état-civil probants ; les critiques formulées par la police aux frontières ne sont pas étayées ; en cas de doute, le préfet aurait dû procéder à une vérification auprès des autorités maliennes comme le prévoit l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 ; il a obtenu un nouvel acte de naissance le 12 septembre 2022, en suite d'un jugement supplétif du 7 septembre 2022 et détient une carte d'identité consulaire ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-3 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 10 avril 2025, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant malien se disant né le 10 mai 2003, est entré en France selon ses déclarations le 23 septembre 2019. Il a été placé à l'aide sociale à l'enfance par un jugement du tribunal de grande instance de Moulins en date du 29 novembre 2019. A sa majorité déclarée, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 juillet 2022, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Enfin, en vertu de l'article 1er du décret susvisé du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente (...) ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux deux points précédents qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
6. De plus, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit au soutien de sa demande de titre de séjour le volet n° 3 d'un acte de naissance établi le 5 février 2021 au centre principal de Kayes portant le n° 108 Reg 3, un extrait d'acte de naissance du 15 février 2021 établi par le centre secondaire d'Hyppodrome portant le même numéro ainsi qu'un extrait du 1er février 2021 du jugement supplétif n° 219 du même jour rendu par le tribunal de Kayes selon lesquels il serait né le 10 mai 2003 dans la commune de Kayes. Selon les rapports d'analyse documentaire de la police aux frontières produits par la préfète de l'Allier, le volet n° 3 de l'acte de naissance ne comprend pas de numérotation de série, pas de référence au jugement supplétif et pas de référence imprimerie, comporte des rubriques non renseignées, comprend un relevé de côtes incorrect et des fautes d'orthographe dans les mentions imprimées et est dépourvu de la mention du numéro d'identification NINA. L'autre acte de naissance ne comprend pas non plus de numéro NINA. L'extrait du jugement supplétif ne comprend pas de mention du greffier en chef. Les irrégularités de forme retenues par la police aux frontières, qui dispose de modèles d'actes d'état civil établis au Mali, sont suffisants pour mettre en cause l'authenticité de ces actes, sans que M. A... ne puisse faire valoir qu'il appartenait à la police aux frontières de justifier plus précisément de ces irrégularités ou de produire la législation malienne sur laquelle elle s'est fondée pour juger ces actes non conformes. Si le requérant fait valoir que lorsqu'il est né le numéro NINA n'avait pas encore été institué, toutefois à la date d'établissement du jugement supplétif, puis de sa retranscription dans l'état civil, la loi n° 06-040 du 11 août 2006 instituant le numéro NINA était entrée en vigueur de sorte que ce dernier était obligatoire.
8. Si M. A... a produit de nouveaux documents, à savoir le volet n° 3 de l'acte de naissance n° 233 établi le 12 septembre 2022 sur transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 3149 du 7 septembre 022 rendu par le tribunal civil de Kayes, une copie certifiée conforme de ce document ainsi qu'un extrait de ce jugement supplétif, de tels documents, qui n'ont pas été analysés par le service de fraude de la police aux frontières, ne sauraient pour autant, dans la présente instance, revêtir un caractère probant suffisant dès lors qu'ils ne comportent pas plus de numéro NINA et qu'un jugement supplétif ne pouvait être délivré par un tribunal dès lors qu'un autre jugement supplétif avait déjà été pris. La carte d'identité consulaire délivrée à M. A... sur la base de ces documents, qui ne constitue pas un document d'état civil, n'a pas plus de force probante. Dans ces conditions, la préfète de l'Allier a pu, à bon droit, estimer que M. A... ne justifiait pas de son identité et ne pouvait, pour ce motif, obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... ne peut utilement faire valoir qu'il remplissait toutes les autres conditions pour obtenir un titre de séjour sur ce fondement et qu'en refusant de lui délivrer un tel titre la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
9. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de ce que la préfète aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation, que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs des premiers juges.
10. En troisième lieu, compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre séjour ni à demander celle de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
11. En dernier lieu, si M. A... dit avoir été victime dans son pays d'un incendie qui lui a causé des blessures qui n'ont pu être soignées qu'en France et avoir été livré à lui-même, pour autant ces seules circonstances ne sont pas de nature à démontrer qu'il serait soumis à des peines ou traitements inhumains en cas de retour au Mali. Par suite les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00649
kc