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06/05/2025 | FRANCE | N°22LY03545

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 06 mai 2025, 22LY03545


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Montélier à lui verser une somme de 975 539 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité d'un sursis à statuer opposé à sa demande de déclaration préalable pour division et de celle du classement en zone naturelle de son terrain.

Par un jugement n° 1900150 du 4 octobre 2022, le tribunal administrati

f de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Montélier à lui verser une somme de 975 539 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité d'un sursis à statuer opposé à sa demande de déclaration préalable pour division et de celle du classement en zone naturelle de son terrain.

Par un jugement n° 1900150 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 décembre 2022 et 11 juillet 2024, M. C..., représenté par la SELARL Carnot Avocats puis par Me Alberto, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner la commune de Montélier à lui verser la somme de 1 291 286 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, outre intérêt au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable du 14 septembre 2018 avec capitalisation annuelle des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montélier le versement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il est propriétaire d'un tènement supportant une maison d'habitation sur le territoire de la commune de Montélier et a déposé le 10 septembre 2012 une déclaration préalable de division en quatre lots dont trois à bâtir sur ce terrain alors classé en secteur constructible U5 ; le maire de Montélier lui a opposé un sursis à statuer de deux ans sur sa demande de déclaration préalable par un arrêté du 5 octobre 2012 et cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2015 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 18 juillet 2017 ; la cour administrative d'appel de Lyon a également, par un arrêt du même jour, annulé le plan local d'urbanisme (PLU) de Montélier adopté le 16 septembre 2013 en ce qu'il classé en zone naturelle NH le terrain lui appartenant ; il a confirmé sa demande de déclaration préalable et le maire de la commune de Montélier lui a délivré une non-opposition à sa demande mais en lui imposant le respect d'un coefficient d'occupation des sols ; il a déposé le 1er juin 2018 une demande de permis de construire sur une parcelle issue de la division par la déclaration préalable, pour l'édification d'une maison individuelle d'une surface de plancher de 178,60 m² sur un des trois lots à bâtir mais le maire de Montélier a refusé de délivrer le permis sollicité par arrêté du 27 septembre 2018, lequel a été annulé par un jugement devenu définitif du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

- il maintient l'intégralité de ses moyens de première instance ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire aurait pu refuser le permis de construire en raison de l'article U5 du PLU ou du classement en zone naturelle dès lors que la commune n'a jamais fait usage de la possibilité d'invoquer une substitution de motif au permis de construire du 27 septembre 2018 ; l'arrêté de non-opposition à sa demande de déclaration préalable du 5 février 2018 ne mentionne pas les prescriptions de l'article U5 et le permis de construire sollicité a finalement été octroyé à la suite du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2019 ; il apparaît contradictoire de considérer que le classement initial de sa parcelle en zone naturelle aurait empêché le projet immobilier dès lors que ce classement a été annulé par la cour administrative d'appel de Lyon ; l'article U5 du PLU relatif à la superficie minimale des terrains constructibles précise que cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d'un dispositif d'assainissement non collectif ; la seule superficie de la parcelle ne rentre pas en considération et la commune ne justifie pas des contraintes techniques précitées et le service public d'assainissement non collectifs a estimé, par un avis du 13 septembre 2022, que, s'agissant de la parcelle D... d'une superficie de 1 009 m², le dispositif d'assainissement collectif de 100 m² était conforme à la réglementation en vigueur ; les dispositions de l'article U5 ne sauraient être interprétées comme fixant une superficie minimale théorique non justifiée et déconnectée tant des caractéristiques propres à chaque projet et à chaque parcelle en constituant le terrain d'assiette que des contraintes techniques qui en découlent, à défaut la superficie minimale fixée par l'article U5 serait manifestement illégale et devrait être écartée ; à l'entrée en vigueur de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) soit le 27 mars 2014, l'article U5 du PLU applicable et notamment la superficie minimale de 2 000 m² n'était plus opposable ;

- son préjudice actualisé correspondant à la somme globale de 1 291 286 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, la commune de Montélier, représentée par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, de condamner la société SMACL Assurances à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut pas être engagée en raison du défaut de lien de causalité entre les fautes invoquées et les préjudices allégués ; l'article 5 du règlement de la zone U5 du PLU s'opposait nécessairement au projet souhaité dès lors que, selon la déclaration préalable, les trois lots à créer prévoyaient une superficie d'environ 1 000 m² chacun ; le maire aurait dû dans tous les cas, opposer un refus à la demande de déclaration préalable ; le lien de causalité entre le classement du terrain en zone Nh et les préjudices prétendument subis ne pourra être retenu dès lors que l'urbanisation qui était souhaitée par M. C..., s'avérait être, dans tous les cas, interdite en application de l'article 5 de la zone U5 du règlement ;

- M. C... ne justifie d'aucun préjudice indemnisable ; d'une part, aucun préjudice ne peut être indemnisé compte tenu de l'imprudence des époux C... qui ont décidé en septembre 2010 de vendre leur propriété de Montélier en la lotissant et de conclure, sans avoir déposé de demande de certificat d'urbanisme et/ou de déclaration préalable le 15 septembre 2010, un mandat exclusif de vente puis les 31 janvier et 28 février 2011 un prêt relais d'un million d'euros à échéance de trois ans et un prêt sur quinze ans à hauteur de 200 000 euros ; ils n'ont déposé leur déclaration préalable auprès de la commune pour la réalisation de leur projet qu'un an et demi plus tard et ils ne pouvaient ignorer les aléas qui pèsent nécessairement sur la réalisation d'un tel projet ; leur attitude est constitutive d'une imprudence fautive de nature à exonérer la collectivité de toute responsabilité ; d'autre part, si sa responsabilité était retenue, la période d'indemnisation des préjudices consécutifs aux deux illégalités commises ne peut être comprise qu'entre le 5 octobre 2012 et le 5 février 2018 en ce qui concerne l'illégalité du sursis à statuer et qu'entre le 16 septembre 2013 et le 18 juillet 2017 en ce qui concerne l'illégalité du classement de son terrain et l'actualisation des préjudices prétendument subis devra être écartée ; en tout état de cause, la perte de valeur vénale alléguée n'est pas établie faute de justifier de la valeur de l'ensemble immobilier en 2012 et 2013 et ce préjudice n'est qu'éventuel ; le préjudice tiré de la privation de solder par anticipation leur prêt relais et des frais courants de gestion n'est qu'éventuel et n'est pas établi par les simples tableaux des charges financières produits qui ne sont pas certifiés et les pièces produites ne sont pas concordantes sur les montants de intérêts et des factures ; les préjudices résultant du paiement des cotisations d'assurance habitation, des taxes foncières, des factures d'électricité, d'eau, d'entretien et de réparation ne sont pas établis ; le montant sollicité au titre du préjudice moral est disproportionné et injustifié.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2024, la caisse régionale d'assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée, représentée par Me d'Albenas, conclut au rejet de la requête de M. C..., à titre subsidiaire, à ce que les demandes indemnitaires de M. C... soient ramenées à de plus justes proportions et à ce qu'il soit mis à sa charge le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune ne pourra pas être retenue dès lors que les fautes alléguées ne sont pas la cause directe des dommages ; les époux C... ont engagé des frais, dont il est demandé réparation, alors que leur projet immobilier n'était aucunement assuré ; ils ont pris un risque financier important en engageant les frais afférents à leur projet avant même de s'assurer de manière certaine de sa réalisation possible au point de vue urbanisme ; leur comportement hâtif constitue une imprudence fautive qui exonère la collectivité de toute responsabilité tirée de l'illégalité des décisions prises ; l'article 5 du règlement de la zone U5 du PLU s'opposait à la réalisation du projet ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés et la période d'indemnisation éventuelle ne court plus depuis la délivrance de l'arrêté de non-opposition du 5 février 2018 ; la perte de la valeur vénale n'est pas démontrée ; les pièces produites par les requérants pour établir le prétendu préjudice de perte de privation de solder par anticipation l'emprunt relais de 1 000 000 euros ne sont pas suffisamment probantes et le lien de causalité n'est pas démontré ; l'absence de construction sur ces parcelles et l'absence de vente ne peuvent être imputables à la commune et mises en lien avec l'illégalité des décisions prises ; le préjudice relatif à la privation de solder par anticipation l'emprunt de 200 000 euros pour acquérir leur maison d'habitation ne présente aucun lien de causalité avec les illégalités des décisions de sursis à statuer et de classement en zone naturelle de leur terrain ; le préjudice financier tenant au paiement des taxes foncières n'est pas établi dès lors que M. C... ne rapporte pas la preuve quant à la certitude que la vente aurait eu lieu fin 2012 ; les préjudices financiers tenant aux paiements des factures d'eau, EDF, factures d'entretien et réparation, l'assurance habitation ne sont pas justifiés et ces dépenses ne sont pas en lien avec les décisions illégales prises ; le préjudice moral allégué n'est pas justifié et en tout état de cause sera ramené à de plus justes proportions.

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2024, la SMACL Assurances, représentée par Me Duraz, conclut au rejet de la requête de M. C... et à ce qu'il soit mis à sa charge le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune n'est pas engagée dès lors qu'elle aurait dû s'opposer à la demande de déclaration préalable sur le fondement de l'article 5 de la zone U5 qui s'appliquait à tous les terrains situés en zone d'assainissement non collectifs qui disposaient tous de contraintes techniques inhérentes à la réalisation d'un dispositif d'assainissement non collectif et qui devaient en conséquence à cette date disposer d'une superficie minimum de 2 000 m² ; l'illégalité du classement du terrain en zone Nh n'entraîne pas la responsabilité de la commune dès lors que la demande aurait dû être examinée sur le fondement des dispositions du règlement du PLU applicable à la zone U5 ; M. C... avait connaissance de cette réglementation dès lors qu'il ressort du mandat exclusif de vente qu'il avait signé en 2010 pour la vente de sa maison d'habitation et du terrain attenant que seuls 2 000 m² pouvaient être détachés ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait retenir une faute et un lien de causalité, l'indemnisation des préjudices sollicités sera en tout état de cause rejetée ; l'imprudence de M. C... est de nature à exonérer totalement ou à tout le moins partiellement la commune de toute responsabilité ; en concluant un prêt relais imposant des frais importants sans avoir obtenu une autorisation d'urbanisme pour diviser leur terrain, les époux C... ont incontestablement commis une imprudence fautive ;

- à titre infiniment subsidiaire, les préjudices dont la réparation est sollicitée ne présentent pas les caractères personnel, direct et certain nécessaires ; le requérant ne saurait solliciter une indemnisation à parfaire à la date de l'arrêt à rendre dès lors que l'indemnisation ne peut être comprise qu'entre la date de la décision fautive, soit le 5 octobre 2012 et la date à laquelle le maire a délivré un arrêté de non opposition à déclaration préalable soit le 5 février 2018 ; il en va de même en ce qui concerne l'illégalité du classement du terrain ; la perte de la valeur vénale alléguée n'est pas démontrée ; la privation de solder par anticipation son prêt relais ainsi que les frais courants de gestion pris en charge n'est que purement éventuelle dans la mesure où il n'est fait état d'aucune offre concrète auxquelles les décisions illégales auraient fait obstacle ; ces demandes sont fantaisistes dès lors qu'il apparaît de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes que le prêt relais de 1 000 000 euros a été remboursé par la caution solidaire le 18 avril 2015 pour un montant de 1015 738, 72 euros ; le prêt ayant été remboursé en 2015, M. C... ne saurait solliciter l'indemnisation des intérêts et du coût des assurances qui ne courent plus depuis cette date ; la demande relative au préjudice moral est manifestement disproportionnée et sera ramenée à de plus juste proportion.

Par une ordonnance du 12 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,

- les observations de Me Alberto pour M. C..., de Me Leroy substituant Me Fiat pour la commune de Montélier et de Me Chatron substituant Me d'albenas pour la caisse régionale d'assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., propriétaire d'un terrain d'une superficie de 5 420 m² supportant sa maison d'habitation, situé ... rue de l'éolienne à Montélier alors cadastré section B... et désormais cadastré section E..., a déposé une déclaration préalable en vue de la division de ce terrain en quatre lots, emportant la création de trois lots à bâtir, le lot A d'une superficie de 1 011 m², le lot B d'une superficie de 1 063 m², le lot C d'une superficie de 1 021 m², le lot D, d'une superficie de 2 325 m², étant déjà bâti. Par un arrêté du 5 octobre 2012, le maire de Montélier a opposé un sursis à statuer sur cette demande au motif que le terrain d'assiette du projet est situé en zone U5 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune mais que ce dernier fait l'objet d'une révision en cours d'étude et que " dans le cadre de cette étude, le classement en zone constructible de ce secteur des Grands Bois est susceptible de ne pas être reconduit et qu'en conséquence, le projet serait de nature à compromettre le PLU en cours d'étude ". Par un jugement n° 1300992 du 9 avril 2015, confirmé par un arrêt n° 15LY01817 du 18 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Lyon, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce sursis à statuer. Par ailleurs, par un arrêt n° 15LY03826 du même jour, la cour a annulé la délibération du 16 septembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Montélier a approuvé le plan local d'urbanisme et classant l'ensemble du secteur des Bois dont la parcelle de M. C... en zone Nh. A la suite du rejet, le 9 novembre 2018, de sa demande préalable indemnitaire du 14 septembre 2018, M. C... a sollicité du tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Montélier à lui verser une somme de 975 539 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité du sursis à statuer opposé, le 5 octobre 2012, à sa demande de déclaration préalable pour division et de celle du classement en zone naturelle de son terrain. Il relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et demande, dans le dernier état de ses écritures d'appel, à la cour de condamner la commune de Montélier à lui verser la somme totale de 1 291 286 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable du 14 septembre 2018 ainsi que la capitalisation des intérêts.

Sur la responsabilité de la commune de Montélier :

2. Il résulte de l'instruction que par des arrêts définitifs du 18 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé, d'une part, le sursis à statuer opposé par arrêté du 5 octobre 2012 par le maire de Montélier à la déclaration préalable de division présentée par M. C... au motif que l'état du futur PLU n'était pas suffisamment avancé en ce qui concerne la portée exacte des modifications projetées sur le secteur des Bois pour permettre d'apprécier si l'opération envisagée était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan, et, d'autre part, la délibération du 16 septembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Montélier a approuvé son plan local d'urbanisme, qui avait classé l'ensemble du secteur des Bois dont la parcelle de M. C... en zone Nh en raison de l'erreur manifeste d'appréciation de ce classement. Il suit de là et il n'est pas contesté, que les illégalités ainsi relevées sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Montélier.

3. Par ailleurs, si les époux C... ont commis une imprudence en décidant en septembre 2010 de vendre leur propriété de Montélier en la lotissant et de conclure, sans avoir déposé de demande de certificat d'urbanisme et/ou de déclaration préalable, le 15 septembre 2010, un mandat exclusif de vente puis, les 31 janvier et 28 février 2011, un prêt relais d'un million d'euros à échéance de trois ans et un prêt sur quinze ans à hauteur de 200 000 euros alors qu'ils n'ont déposé leur déclaration préalable auprès de la commune pour la réalisation de leur projet qu'un an et demi plus tard, cette circonstance, alors que les intéressés ne sont pas des professionnels de l'immobilier, n'est pas de nature à avoir concouru à la réalisation de leur préjudices résultant des deux illégalités précitées. Ainsi, la commune de Montélier ne peut utilement, pour atténuer sa responsabilité, se prévaloir de la faute de la victime.

4. Toutefois, pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si les préjudices invoqués sont en lien direct et certain avec une faute de l'administration. Ainsi, alors même que la décision de sursis à statuer précitée et la délibération procédant notamment au classement de la parcelle de M. C... en zone Nh du PLU, sont illégales, l'administration peut utilement faire valoir que le projet dont la mise en œuvre aurait été retardée par ces décisions illégales, n'aurait pas, pour un autre motif que ceux reconnus illégaux, pu être réalisé. La commune de Montélier soutient ainsi que le maire aurait dû, dans tous les cas, opposer un refus à la demande de déclaration préalable de M. C..., les dispositions de l'article 5 de la zone U5 du règlement du PLU s'opposaient nécessairement au projet de division dès lors que, selon la déclaration préalable, la superficie de chacun des trois lots à créer était d'environ 1 000 m².

5. Aux termes de l'article 5 du règlement de la zone U5 du PLU de Montélier, relatif à la superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d'un dispositif d'assainissement non collectif : " * La surface, la forme des parcelles et la nature du sous-sol (pédologie, hydrogéologie et hydrologie) doivent permettre la mise en place d'un dispositif d'assainissement autonome./* La superficie du terrain devant recevoir un assainissement autonome doit être au minimum de 2000 m². Le dispositif d'assainissement non collectif doit être implanté de manière à tenir compte des caractéristiques du terrain (nature, pente) et de l'emplacement de l'immeuble (dans l'objectif de ne pas présenter de risques de contamination ou de pollution des eaux souterraines). ".

6. D'une part, contrairement à ce que soutient M. C..., ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des parcelles nécessitant la réalisation d'un assainissement autonome, laquelle est justifiée par les contraintes techniques afférentes à sa mise en œuvre. Les circonstances que, à la suite de l'annulation du sursis à statuer, le maire de Montélier a délivré, le 5 février 2018, une décision de non-opposition à la déclaration préalable puis un permis de construire en 2022 à la suite d'un avis favorable du service assainissement, ne font pas obstacle à ce que la commune, dans le cadre du présent contentieux, évoque les dispositions précitées du PLU pour justifier de l'impossibilité de réaliser l'opération envisagée.

7. D'autre part, la déclaration préalable qui visait à la division de trois lots à bâtir et d'un lot déjà bâti impliquait une appréciation de ces dispositions selon chaque lot, d'autant plus que cette règle de superficie minimale des terrains à construire prévue en secteur non desservi par un réseau collectif d'assainissement est destinée à permettre le bon fonctionnement du système d'assainissement non collectif propre à chacune des constructions.

8. Il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit au point 1, que la déclaration préalable déposée par M. C... avait pour objet la division d'un terrain en trois lots d'une superficie largement inférieure à 2 000 m² et en un lot déjà bâti, où se trouve la maison d'habitation existante. Ce projet n'était, dès lors, pas conforme aux dispositions précitées de l'article 5 du règlement de la zone U5 du PLU de Montélier et ne pouvait donc pas être autorisé. M. C... ne peut donc pas rechercher l'engagement de la responsabilité de la commune en invoquant l'illégalité du sursis à statuer opposé le 5 octobre 2012 pour solliciter la réparation de ses préjudices résultant du retard dans la réalisation de cette opération.

9. Enfin, compte tenu de la méconnaissance, par le projet en litige, de ces dispositions du PLU, l'illégalité du classement ultérieur du terrain d'assiette du projet en zone Nh est sans lien avec les préjudices invoqués par M. C....

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune de Montélier, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes sur ce fondement présentées par la commune de Montélier, la caisse régionale d'assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée et la SMACL Assurances.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Montélier, de la caisse régionale d'assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée et de la SMACL Assurances tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la commune de Montélier, à la caisse régionale d'assurances Mutuelles Agricoles Méditerranée et à la SMACL Assurances.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

A-G Mauclair

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°22LY03545 6

N°22LY03545 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03545
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Opérations d'aménagement urbain - Zones d'aménagement concerté (ZAC).

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Opérations d'aménagement urbain - Zones d'aménagement concerté (ZAC) - Création.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;22ly03545 ?
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