La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2025 | FRANCE | N°24LY02150

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 30 avril 2025, 24LY02150


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2303527 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté du 26 octobre 2023 du préfet de la Côte-d'Or et, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, a enjoint au préfet de délivrer à M. D... une carte de séjo

ur temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.



Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2303527 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté du 26 octobre 2023 du préfet de la Côte-d'Or et, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, a enjoint au préfet de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2024, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la Selarl Centaure Avocats, agissant par Me Rannou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- compte tenu des multiples condamnations pénales dont l'intéressé a fait l'objet en 2015, 2016 et 2017, c'est à tort que le premier juge a retenu l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet sur l'existence d'une menace pour l'ordre public ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté ;

- à défaut d'une entrée sous couvert d'un visa de long séjour, il était également fondé à refuser le titre de séjour " conjoint de français " sollicité par l'intéressé en vertu des articles L. 423-2 et L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2024, M. D..., représenté par Me Audard conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit toutes les conditions de délivrance du titre de séjour.

Par ordonnance du 27 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 14 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant serbe, né le 10 août 1985 en Allemagne, est entré en France en 2013. Sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 3 novembre 2014, il a été éloigné du territoire français le 8 avril 2016. Il est ensuite revenu en France quelques mois plus tard et a sollicité un deuxième réexamen de sa demande d'asile le 30 septembre 2016 à l'issue duquel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a clôturé sa demande. Après son mariage avec Mme B... E..., de nationalité française le 6 janvier 2018, l'intéressé a quitté volontairement le territoire français le 5 mars 2019 et est entré régulièrement en dernier lieu en France le 15 mai 2019. Le 6 juin 2019, M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " conjoint de français " sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a rendu le 28 juin 2023 un avis favorable à la délivrance du titre de séjour. Par un arrêté du 26 octobre 2023, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité et a abrogé l'autorisation provisoire de séjour dont il bénéficiait. Par un jugement susvisé du 20 juin 2024, dont le préfet de la Côte-d'Or interjette appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté du 26 octobre 2023 et, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. La menace pour l'ordre public s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement personnel du ressortissant étranger. Il n'est donc ni nécessaire, ni suffisant que le demandeur ait fait l'objet de condamnations pénales. L'existence de celles-ci constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que d'autres éléments tels que la nature, l'ancienneté ou la gravité des faits reprochés à la personne ou encore son comportement habituel.

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. D..., le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé est défavorablement connu des services des forces de l'ordre et des services de justice pour avoir été condamné le 28 avril 2015 par le tribunal correctionnel d'Angers à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion commis le 23 janvier 2015, puis par le tribunal correctionnel de Dijon le 3 novembre 2015 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol commis le 3 août 2015, puis par ce même tribunal le 5 novembre 2015 pour des faits de vol en réunion commis le 16 février 2015 et enfin par ce même tribunal le 23 février 2017 à trois mois d'emprisonnement pour des faits de vol, violence commis en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et dégradation ou détérioration du bien d'autrui en réunion commis le 22 mars 2016. Le préfet de la Côte-d'Or a, par suite, estimé que ces faits et ces condamnations démontrent le comportement délictuel et de surcroît récidiviste de M. D..., de sorte qu'il représente une menace pour l'ordre public. Toutefois, compte tenu du caractère ancien de ces faits, et alors qu'il n'est pas soutenu que M. D... serait défavorablement connu, depuis lors, des services de police pour d'autres infractions pénales commises ou encore pour d'autres agissements récents pouvant caractériser une menace pour l'ordre public, soit durant une période des sept années à la date de l'arrêté en litige, c'est à juste titre que les premiers juges ont jugé que le préfet de la Côte-d'Or a commis une erreur d'appréciation en estimant que la présence de l'intimé en France constitue une menace sur l'ordre public et ont, pour ce motif, annulé l'arrêté attaqué.

5. Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 423-1 du même code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

6. Il résulte de ces dispositions que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée à certaines conditions, notamment celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Pour autant, la détention d'un tel visa de long séjour n'est pas exigé dans l'hypothèse prévue à l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle concerne le cas de l'étranger entré régulièrement sur le territoire français, s'étant marié en France avec un ressortissant français et avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois sur le territoire.

7. Le préfet de la Côte-d'Or fait valoir que l'article L. 412-1 du code précité, qui requiert la production d'un visa long séjour pour la première délivrance d'une carte de séjour temporaire, lui permettait également de prendre une telle décision de refus. Ce faisant, il doit être regardé comme demandant à la Cour une substitution de motif en ce sens. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige mentionne lui-même que M. D... est entré régulièrement en France pour la dernière fois le 15 mai 2019 et cette mention du caractère régulier de l'entrée de M. D... sur le territoire français n'est pas utilement combattue par le préfet de la Côte-d'Or dans ses écritures d'appel. Par suite, alors qu'il n'est pas contesté par l'appelant que les autres conditions exigées par l'article L. 423-2 du même code sont remplies par l'intimé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par l'autorité préfectorale.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 26 octobre 2023 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D... :

9. Le présent arrêt n'implique pas le prononcé d'une injonction autre que celle déjà prononcée par les premiers juges dans le jugement en litige. Par suite, M. D... n'est pas fondé à demander à ce que la Cour enjoigne au préfet de la Côte-d'Or d'exécuter le jugement susmentionné rendu à son profit dans le cadre de l'appel introduit par cette autorité contre l'arrêté en litige. Il lui appartient seulement, ce qu'il a d'ailleurs fait, de saisir le président de la Cour d'une demande d'exécution de ce jugement sur le fondement des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-5 du code de justice administrative. Ainsi, lesdites conclusions ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au profit de M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 61-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Haïli, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Djebiri, première conseillère,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.

Le président-rapporteur,

X. HaïliL'assesseure la plus ancienne,

(dans l'ordre du tableau)

C. Djebiri

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02150
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. HAILI
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;24ly02150 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award