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30/04/2025 | FRANCE | N°24LY02123

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 30 avril 2025, 24LY02123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2024 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par jugement n° 2404703 du 4 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal adminis

tratif de Grenoble a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2024 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par jugement n° 2404703 du 4 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2024 ;

2°) d'annuler les décisions susvisées contenues dans l'arrêté du 25 juin 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant tout délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision précédente ;

- cette décision est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'il est titulaire d'un passeport valable et que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- cette décision méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité des décisions précédentes ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires faisant obstacle à son prononcé ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête de M. A... a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 1er avril 1999, déclare être entré sur le territoire français courant 2021. A la suite de son placement en garde à vue du chef de violences conjugales, le préfet de l'Isère a, par un arrêté du 25 juin 2024, pris à son encontre une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, ainsi qu'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions ainsi édictées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. M. A... soutient que la décision susvisée est entachée d'une erreur de fait dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, le préfet de l'Isère n'a pas entendu dans sa décision opposer à M. A... un motif tiré de ce que son comportement constitue une telle menace. S'il a relevé que, s'agissant de l'intégration au sein de la société française, ce dernier était " défavorablement connu des forces de l'ordre pour des faits de violences sur sa conjointe commises de manière réitérée ", faits que M. A... conteste, le préfet aurait pris la même décision d'éloignement s'il n'avait pas tenu compte de cet élément. D'ailleurs, la mesure est fondée sur le 1°) de l'article L. 611-1 du code précité à savoir l'irrégularité de l'entrée et du séjour de l'intéressé. Par suite, l'erreur de fait commise étant sans incidence sur la légalité de la décision en litige, le moyen ne peut qu'être écarté.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas de sa présence en France depuis trois ans à la date de la décision en litige. S'il soutient vivre depuis plus d'un an avec une ressortissante française mineure, laquelle à la date de la décision litigieuse est enceinte de leur enfant, il ressort de la décision en litige que si le préfet n'a pas remis en cause la communauté de vie d'un an alléguée, il a relevé son caractère récent. Il ressort en outre des termes mêmes de la requête que M. A... ne vit plus avec la mère de son enfant à naître compte tenu des faits de violences qu'elle a déclarés avant de se rétracter et qu'il vit désormais à Mulhouse. Il conserve nécessairement des attaches familiales et privées dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. S'il se prévaut du dépôt par son employeur d'une demande d'autorisation de travail le 2 avril 2024 pour un poste en contrat à durée indéterminée de jointeur au sein de l'entreprise de sa belle-sœur, l'autorisation de travail sollicitée par l'employeur l'a été en tant que " résidant hors de France ". Il n'a en outre déposé aucune demande de titre de séjour. Il ne justifie d'aucune insertion sociale ni professionnelle. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit, par suite, être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de celui tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. Compte tenu de la légalité de la décision précédente, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant refus de délai de départ volontaire.

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du code précité : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, (...). ".

7. Il ressort de la décision susvisée qu'elle est fondée sur les dispositions des 1°) de l'article L. 612-2 et 1°), 4°) et 8°) de l'article L. 612-3 du code précité. Si M. A... conteste le fait que son comportement constitue une menace pour l'ordre public et indique être titulaire d'un passeport valable jusqu'en 2027, la décision en litige est légalement justifiée sur le fondement du 1°) de l'article L. 612-3 du code précité par le seul fait que M. A... est entré irrégulièrement en France et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, les éventuelles erreurs de fait commises par le préfet s'agissant de la menace pour l'ordre public que son comportement constituerait et de l'absence de pièce d'identité qui lui a été reprochée sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance des dispositions précitées doivent ainsi être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. La décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. A... n'étant pas illégale, ce dernier ne saurait soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale pour défaut de base légale.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. Les moyens soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire prises à l'encontre de M. A... ayant été écartés, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français également en litige.

10. La circonstance évoquée par M. A... tirée de la naissance prochaine de son enfant ne constitue pas une circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'il a été rappelé que la communauté de vie avec la mère de l'enfant, à la date de la décision en litige, était récente. Il sera en outre toujours loisible au requérant de solliciter l'abrogation de cette mesure à la naissance de son enfant. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation commise à ce titre doivent être écartés.

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

12. Pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de l'Isère a tenu compte de la durée de présence de M. A..., de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que de l'absence d'une précédente mesure d'éloignement. Eu égard à ces éléments, rappelés notamment au point 4, caractérisant la situation de l'intéressé, et alors même que le préfet de l'Isère n'aurait pas tenu compte du motif tiré de ce que la présence de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, ce dernier n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans à l'encontre de l'intéressé.

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLe président,

Jean-Yves Tallec

Le greffier en chef,

Cédric Gomez

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 24LY02123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02123
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;24ly02123 ?
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