Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes, la SCV des Pillets et la SARL La Morcille ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er décembre 2021 de la commission des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes ramenant à la somme de 23 842,20 euros pour la SCV des Pillets, et à la somme de 23 583,90 euros pour la SARL La Morcille, les sanctions pécuniaires qui leur ont été respectivement infligées par arrêtés du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 9 juillet 2021.
Par un jugement n° 2200910, 2200912 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, et un mémoire, enregistré le 14 février 2025, la SCV des Pillets et la SARL La Morcille, représentées par Me Bardet, demandent à la cour :
1°) à titre principal d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2023 ainsi que les décisions du 1er décembre 2021 susvisées ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire respectivement à la somme de 3 973,70 euros pour la SCV des Pillets, et à la somme de 3 930,65 euros pour la SARL La Morcille, les sanctions pécuniaires qui leur ont été infligées ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la commission des recours est irrégulièrement composée dès lors qu'il n'est justifié ni de la régularité de la nomination du président de la commission et des deux personnalités choisies en raison de leur compétence, ni de l'habilitation du représentant du directeur régional des finances publiques ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucun élément ne justifiait l'empressement de l'administration à prononcer une sanction pécuniaire tant que les décisions juridictionnelles n'étaient pas devenues définitives et que les agents de l'administration ne se sont pas déplacés mais se sont contentés de retranscrire les éléments transmis par M. C... ;
- le calcul de la sanction infligée à la SCV des Pillets est erroné dès lors qu'il a été retenu une superficie totale de 7,9474 hectares alors que l'intégralité de la parcelle n'est pas plantée en vigne ;
- l'administration ne pouvait appliquer un coefficient d'équivalence de 6 pour les parcelles plantées en vigne dès lors que l'article L. 312-6 du code rural et de la pêche maritime auquel renvoie l'article L. 311-7 du même code cité par le ministre en défense a été abrogé par l'article 32 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ; aucun coefficient d'équivalence n'est donc applicable aux sanctions en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2025, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 18 février 2025 a fixé la clôture de l'instruction au 6 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bardet pour la SCV des Pillets et la SARL La Morcille.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 3 décembre 2018, le directeur régional de l'agriculture et de la forêt a implicitement refusé de mettre en demeure la SCV des Pillets et la SARL La Morcille de cesser d'exploiter un ensemble de parcelles de vignes situées sur le territoire de la commune de Villié-Morgon d'une surface totale de 17,42 ha. Cette décision a été annulée par jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon, confirmé par arrêt de la cour du 10 juillet 2024. En exécution du jugement précité, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a adressé le 6 août 2020 à la SCV des Pillets et à la SARL de La Morcille une mise en demeure de cesser l'exploitation irrégulière dans un délai d'un mois, pour la première des parcelles cadastrales AD 127, AD 129, AV 5, AV 8, AV 18, AV 26 et AV 62 d'une surface totale de 7,9474 ha, et pour la seconde des parcelles cadastrales AD 80, AD 123, AD 126, AD 236, AV 20, AV 30, AV 31, AV 40, AV 42 et AV 242 d'une surface totale de 7,8613 ha. Par deux arrêtés du 9 juillet 2021, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a prononcé une sanction pécuniaire de 914,70 euros par hectare exploité irrégulièrement, soit la somme de 43 616,92 euros pour la SCV des Pillets et la somme de 43 144,38 euros pour la SARL La Morcille. Ces sanctions pécuniaires ont été ramenées aux sommes respectives de 23 842,20 euros et de 23 583,90 euros, soit 500 euros par hectare exploité irrégulièrement au regard des surfaces pondérées respectives retenues de 47,6844 ha et de 47,1678 ha, par deux décisions du 1er décembre 2021 de la commission des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui se sont ainsi substituées aux deux arrêtés du 9 juillet 2021. La SCV des Pillets et la SARL La Morcille relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des sanctions financières qui leur ont été infligées par ces décisions du 1er décembre 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée. Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire. Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après, le cas échéant, application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6. Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause. ". Aux termes de l'article L. 312-6 du code précité dans sa version abrogée au 13 octobre 2024 : " La surface minimum d'installation est fixée dans le schéma directeur départemental des structures agricoles pour chaque région naturelle du département et chaque nature de culture. Elle est révisée périodiquement. / La surface minimum d'installation en polyculture-élevage ne peut être inférieure de plus de 30 p. 100 à la surface minimum d'installation nationale, sauf dans les zones de montagne ou défavorisées où la limite inférieure peut atteindre 50 p. 100 ; la surface minimum d'installation nationale est fixée tous les cinq ans par décision du ministre de l'agriculture. / Pour les productions hors sol, une décision du ministre de l'agriculture fixe les coefficients d'équivalence applicables uniformément à l'ensemble du territoire sur la base de la surface minimum d'installation nationale prévue à l'alinéa précédent. ". Aux termes de l'article L. 331-8 du même code : " La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Les recours devant cette commission sont suspensifs. Leur instruction est contradictoire. La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction. Dans les deux premiers cas, la pénalité devient recouvrable dès notification de sa décision. La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. ".
3. Si les requérantes persistent à contester en appel la composition de la commission des recours visée à l'article L. 331-8 du code rural et de la pêche maritime, elles ne critiquent pas les motifs retenus à bon droit et qu'il convient pour la cour d'adopter, par lesquels les premiers juges ont écarté les deux branches de ce moyen tirées de l'irrégularité de la nomination du président de la commission par le vice-président du Conseil d'Etat et des deux personnalités choisies en raison de leur compétence en matière agricole. Si elles soutiennent qu'il n'est toujours pas justifié de l'habilitation donnée à Mme A... D..., chargée de mission, représentant le directeur régional des finances publiques, il a toutefois été produit dans le dossier de première instance un courriel du 17 septembre 2020 de l'administration indiquant au secrétariat de la commission que Mme D... ou M. B... assisteront à la séance de la commission à ce titre. Il est ainsi justifié de l'habilitation donnée par le directeur régional des finances publiques à son représentant. Le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission des recours doit ainsi être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des propres écritures des requérantes qu'elles ont exploité les parcelles en litige jusqu'à la levée de la récolte 2020 c'est-à-dire jusqu'au début du mois de septembre 2020. S'agissant de la période en litige postérieure à l'expiration du délai imparti par la mise en demeure qui leur a été adressée le 6 août 2020, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 19 janvier 2021 et réalisé à la demande d'un viticulteur associé à la SCV des Pillets, qu'à cette date des vignes étaient toujours exploitées sur les parcelles AD 127, AV 05, AV 18, AD 236, AV 30 et AV 31. Il ressort de ce procès-verbal que les ceps étaient taillés sur les parcelles AD 127, AV 18, AV 30 et AV 31, que des ouvriers taillaient les sarments des ceps sur la parcelle AV 05 et que des semis étaient réalisés dans les inter-rangs de la parcelle AD 236. Ledit procès-verbal mentionne également la présence d'un représentant des requérantes, lequel a précisé que les ouvriers viticoles travaillaient dans les parcelles précédemment désignées tant pour la SCV des Pillets que la SARL de La Morcille. Ni les dispositions précitées de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, ni celles prises pour son application n'imposent à l'autorité préfectorale d'effectuer un contrôle sur place pour constater la mise en valeur irrégulière des parcelles. S'il incombe néanmoins au préfet d'établir par un faisceau d'indices concordants et suffisamment probants que l'exploitant mis en demeure poursuivait effectivement l'exploitation des terres en cause à la date de sa décision, les mentions du procès-verbal versé au dossier démontrent la poursuite de l'exploitation des parcelles par les requérantes à la date d'établissement de ce procès-verbal. Les requérantes n'apportent aucun élément de nature à contredire ces mentions. La circonstance qu'un bail à métayage ait été conclu le 28 juillet 2021 avec la SARL Lathevalle avec effet rétroactif au 15 septembre 2020 sous condition de reprise par le preneur des avances aux cultures exposés depuis le 15 septembre 2020 par le bailleur et/ou la SARL de La Morcille, prestataires de service de la SARL Lathevalle en formation, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la poursuite de l'exploitation constatée. En outre, les circonstances évoquées, tirées, selon les requérantes, de l'empressement de l'administration à prononcer une sanction pécuniaire et du contexte économique difficile pour les exploitations viticoles sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige. Dans ces conditions, les sociétés requérantes, qui ont irrégulièrement poursuivi l'exploitation des parcelles en cause au-delà du délai d'un mois imparti par la mise en demeure du 6 août 2020, ne sont pas fondées à demander l'annulation des sanctions financières qui leur ont été infligées.
5. En troisième lieu, si les SCV des Pillets et SARL La Morcille soutiennent comme en première instance que l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée à la SCV des Pillets est erronée dès lors qu'il a été retenu une superficie totale de 7,9474 ha exploitée, alors même que la totalité de cette surface ne se trouve pas en nature de vignes, elles n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations de nature à démontrer une erreur de fait commise par la commission des recours qui a retenu des surfaces de vignes irrégulièrement exploitées respectivement de 7,9474 hectares pour la SCV des Pillets et de 7,8613 hectares pour la SARL La Morcille.
6. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi que le soutiennent les requérantes, que les dispositions de l'article L. 312-6 du code rural et de la pêche maritime auxquelles renvoie l'article L. 331-7 du même code cité par le ministre en défense pour l'application d'un coefficient d'équivalence de 6 pour les parcelles plantées en vigne ont été abrogées par l'article 32 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 et n'ont pas été remplacées. Dans ces conditions, l'application d'un coefficient d'équivalence pour les parcelles en litige est dépourvue de base légale. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que le montant des sanctions qui leur ont été infligées par les décisions de la commission de recours du 1er décembre 2021 doivent être ramenées à la somme de 3 973,70 euros (500 euros x 7,9474 ha) pour la SCV des Pillets et à la somme de 3 930,65 euros (500 x 7,8613 ha) pour la SARL La Morcille.
7. Il résulte de ce qui précède que les SCV des Pillets et SARL La Morcille sont uniquement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en tant qu'elles tendaient à la réduction des sanctions infligées, qui doivent être ramenées à la somme de 3 973,70 euros pour la SCV des Pillets et à la somme de 3 930,65 euros pour la SARL La Morcille.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros à verser aux SCV des Pillets et SARL La Morcille au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le montant des sanctions infligées aux SCV des Pillets et SARL La Morcille est ramené à la somme de 3 973,70 euros pour la SCV des Pillets et à la somme de 3 930,65 euros pour la SARL La Morcille.
Article 2 : La SCV des Pillets est déchargée de la somme correspondant à la différence entre la somme de 23 842, 20 euros mise à sa charge et la somme de 3 973,70 euros.
Article 3 : La SARL La Morcille est déchargée de la somme correspondant à la différence entre la somme de 23 583,90 euros mise à sa charge et la somme de 3 930,65 euros.
Article 4 : Le jugement n° 2200910, 2200912 du 16 mai 2023 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 5 : L'État versera aux SCV des Pillets et SARL La Morcille une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux SCV des Pillets et SARL La Morcille, à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
Le greffier en chef,
Cédric Gomez
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 23LY02372