Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société NMN Média a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mai 2010 au 31 décembre 2013, de la retenue à la source au titre des exercices 2011 et 2012, des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 à 2013, de la taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de la contribution au développement de l'apprentissage et de la taxe d'apprentissage au titre des années 2010 à 2013.
Par un jugement n° 2000425 du 24 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 avril 2023 et le 16 mai 2024, la société NMN Média, représentée par Me Renaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les critères d'existence d'un établissement stable en France tant au regard de l'article 242 OM de l'annexe II du code général des impôts que de l'article 5 de la convention franco-suisse ne sont pas remplis, à défaut de la réunion permanente au domicile de M. C... des moyens humains et techniques nécessaires aux prestations de services fournies par la société, de sorte que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les autres taxes en litige ne sont pas fondés ;
- l'administration a méconnu l'article 115 quinquies du code général des impôts en l'absence de bénéfices distribués et dès lors que les bénéfices taxés en France ont été imposés en Suisse à l'impôt sur les sociétés ;
- en raison de l'expiration du délai de reprise pour les années 2010 et 2011, aucune imposition à l'impôt sur les sociétés antérieure à 2012 n'est fondée ;
- les pénalités ne sont pas fondées compte tenu de sa bonne foi.
Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société NMN Media, société de droit suisse dont le siège social est à Genève en Suisse, réalise et édite des magazines gratuits d'annonces immobilières sous le nom de " E... ", dans lesquels elle commercialise des encarts publicitaires, principalement auprès d'agences ou de promoteurs immobiliers. Les annonces immobilières présentées dans le magazine concernent des biens majoritairement situés à Genève et en zone frontalière française (Pays de Gex et Haute-Savoie). Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er mai 2010 et le 31 décembre 2013. A l'issue de cette opération de contrôle ainsi que du droit de visite et de saisie exercée par l'administration qui ont mis en évidence l'exercice d'une activité occulte en France par l'intermédiaire d'un établissement stable français de la société, l'administration fiscale en a déduit son assujettissement à l'impôt en France et lui a notifié, par une proposition de rectification du 29 septembre 2015, des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de contribution au développement de l'apprentissage et de taxe d'apprentissage, ainsi que l'application de majorations de 80 % pour activité occulte sur le fondement du c. de l'article 1728 du code général des impôts. Les cotisations supplémentaires, les intérêts de retard et les pénalités correspondants ont été mis en recouvrement le 16 mars 2016 et le 15 mars 2017. Par la présente requête, la société NMN Média relève appel du jugement susvisé par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mai 2010 au 31 décembre 2013, de la retenue à la source au titre des exercices 2011 et 2012, des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011 à 2013, de la taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de la contribution au développement de l'apprentissage et de la taxe d'apprentissage au titre des années 2010 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt en France :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 1er de la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales : " La présente convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 4 de cette convention : " Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. ". Aux termes de son article 5 : " 1) Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2) L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) Une succursale ; / c) Un bureau ; / d) Une usine ; / e) Un atelier ; / f) Une mine, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; / g) Un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois. / (...) ".
3. Pour contester le principe de son assujettissement à l'impôt en France, la société appelante soutient qu'elle ne dispose pas d'établissement stable en France dans la mesure où le domicile de M. C..., détenteur de 80% des parts sociales et dirigeant principal de la société, ne constituerait pas une installation fixe d'affaires, et que l'activité effective et opérationnelle de la société est exercée en Suisse.
4. Il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de visite et de saisies diligentées le 3 juillet 2014 en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a saisi au domicile de M. D... C..., à Veigy-Foncenex, en France, de nombreux documents de création, de suivi et de gestion courante de la société NMN Media, dont la totalité des factures d'achats et de ventes, des relevés des comptes bancaires de la société, des documents relatifs aux honoraires et aux salaires, des enveloppes et des courriers pré-identifiés au nom de la société suisse, ainsi que le suivi des retards de paiements et la gestion du contentieux avec les clients. Il résulte également de l'instruction que sur la période vérifiée cette société dispose et utilise un compte bancaire en France dont les relevés indiquent que les prestations facturées aux clients français sont encaissées en France et qu'elle dispose de moyens matériels, dont des ordinateurs contenant des fichiers relatifs à son activité et à sa comptabilité, un numéro de téléphone, une adresse courriel. En outre, il n'est pas contesté que la société dispose également des moyens humains nécessaires à son activité en France, notamment avec la résidence en France de son administrateur unique, M. C... qui a le pouvoir d'engager seul la société NMN Media dont il se désigne comme son gérant et directeur, et de quatre de ses cinq salariés dont M. B..., directeur de la publication du magazine " E... ", qui dispose d'un numéro de téléphone pour les besoins de son activité et dont l'adresse personnelle en France est mentionnée dans les publications de la société. Si la société appelante soutient que son activité est tournée vers le marché suisse, notamment par l'organisation d'un salon immobilier à Genève, sans toutefois en justifier la période, outre que cette société a également organisé un salon de l'immobilier du 14 juin au 16 juin 2013 à Archamps, en Haute-Savoie, l'administration fiscale a relevé, au titre de l'activité déployée en France de manière permanente, que cette société fournissait des prestations de service pour une clientèle principalement localisée en France, soit 217 clients sur les 262 clients de la société, que les annonces publicitaires dans le magazine " E... " proviennent à 90 % d'annonceurs français, que la part de l'activité réalisée en France dans le chiffre d'affaires de la société a été de 77,54 % en 2010, 89,94 % en 2011, 94,71 % en 2012 et 97,94 % en 2013 et que l'ensemble des recettes réalisées en France sont encaissées sur le compte bancaire susmentionné. Si la société appelante fait valoir qu'elle dispose de locaux d'exploitation à Genève, que des sociétés distributrices suisses sont chargées de diffuser le magazine et qu'une partie de son activité est sous-traitée, notamment les travaux d'impression, à des sociétés italiennes, ces éléments ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation à laquelle s'est livré le service alors qu'elle est seule en mesure de présenter les documents établissant qu'elle réaliserait ladite activité en litige hors de France. Par suite, les éléments réunis par l'administration fiscale caractérisant l'existence d'une activité exploitée en France depuis 2010 au sens des dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts, il en résulte que les bénéfices tirés de cette activité sont imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française.
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la société appelante doit être regardée comme disposant en France d'une installation fixe d'affaires au sens des stipulations de l'article 5 de la convention fiscale franco-suisse, et par suite, d'un établissement stable au sens de ladite convention. Par conséquent, ces stipulations ne s'opposent pas à l'imposition en France des activités réalisées par la société appelante, ses revenus tirés de l'activité de son établissement stable en France devaient être imposés en France au titre de l'impôt sur les sociétés.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ".
7. Il résulte des termes de la proposition de rectification que l'administration a soumis à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur les montants encaissés au titre de l'activité de réalisation et d'édition de magazines gratuits d'annonces immobilières exercée par la société NMN Média, laquelle constitue une prestation de service, pour la période du 1er mai 2010 au 31 décembre 2013.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la société requérante disposait, au cours de la période en cause, d'un établissement stable en France au sens également de l'article 259 précité du code général des impôts. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations réalisées par cette société.
Sur le bien-fondé de la retenue à la source :
9. Aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France ". Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 11 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. a) Les dividendes visés au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes. / (...) / 5. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident (...) 7. Lorsqu'une société qui est un résident d'un Etat contractant tire des bénéfices ou des revenus de l'autre Etat contractant, cet autre Etat ne peut percevoir aucun impôt sur les dividendes payés par la société, sauf dans la mesure où ces dividendes sont payés à un résident de cet autre Etat ou dans la mesure où la participation génératrice des dividendes se rattache effectivement à un établissement stable ou à une base fixe situés dans cet autre Etat, ni prélever aucun impôt, au titre de l'imposition des bénéfices non distribués, sur les bénéfices non distribués de la société, même si les dividendes payés ou les bénéfices non distribués consistent en tout ou en partie en bénéfices ou revenus provenant de cet autre Etat ".
10. Il résulte des dispositions combinées du 1 de l'article 115 quinquies et des articles 119 bis et 187 du code général des impôts que les bénéfices réalisés en France par des personnes morales étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile réel ou leur siège social en France et donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. Cette retenue est due du simple fait que la société étrangère a réalisé des bénéfices en France, sous réserve de la possibilité, que lui ouvre le 2 de l'article 115 quinquies, de combattre la présomption établie par le 1 du même article.
11. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a regardé les rehaussements des résultats imposables de la société requérante au titre des exercices clos en 2011 et en 2012 respectivement de 17 248 euros et 14 350 euros comme des revenus distribués afférents à l'établissement stable en cause, en application de l'article 115 quinquies du code général des impôts, a ensuite assis la retenue à la source sur cette majoration de la base imposable en résultant et a, par suite, appliqué le taux de la retenue à la source, prévu par le 1 de l'article 187 du code général des impôts, de 25 % au titre de l'exercice clos en 2011, et de 30 % au titre de l'exercice clos en 2012.
12. Il résulte des dispositions précitées que la société appelante était en principe passible de la retenue à la source au titre des bénéfices qu'elle a réalisés en France, par son établissement stable, au cours des exercices clos de 2011 à 2012. La société appelante ne conteste pas utilement cette imposition en soutenant que lesdits bénéfices n'ont pas fait l'objet de distributions effectives auprès de ses associés dès lors que l'absence de distribution des bénéfices ne fait pas obstacle à ce que l'administration puisse asseoir la retenue à la source sur le rehaussement de la base imposable du bénéfice réalisé. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une stipulation de la convention fiscale franco-suisse ferait obstacle à la retenue à la source à laquelle la société appelante a été soumise sur le fondement des dispositions combinées de l'article 115 quinquies du code général des impôts, du 2 de l'article 119 bis de ce code et de l'article 187 du même code. Par suite, la société intimée n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait faire application de la retenue à la source prévue par les dispositions citées au point 9.
Sur l'application des délais de reprise pour les années 2010 et 2011 en cas d'activité occulte :
13. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".
14. Il résulte des dispositions précitées que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
15. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la société appelante doit être regardée comme ayant exercé en France son activité au titre des exercices en litige. Il est, en outre, constant qu'elle n'a déposé aucune déclaration de résultats pour les exercices 2010 et 2011, de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er mai 2010 au 29 février 2012, de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises pour l'année 2011 et n'a pas acquitté la taxe d'apprentissage et la contribution au développement de l'apprentissage au titre des salaires versés respectivement en 2010 et 2011, ni la participation au développement de la formation professionnelle continue au titre des salaires versés en 2010 et 2011. Elle n'a pas non plus fait connaître son activité auprès d'un centre de formalité des entreprises ou d'un greffe d'un tribunal de commerce avant la déclaration d'un établissement en France auprès d'un représentant fiscal en mars 2012. Pour justifier du non-respect de ces formalités, la société requérante fait valoir qu'elle estimait de bonne foi n'être imposable qu'en Suisse. Toutefois, la société requérante, qui ne produit pas les avis d'imposition au titre de l'impôt sur les sociétés établis en Suisse, a déployé une activité depuis le domicile personnel de M. C..., en utilisant notamment des moyens matériels localisés en France portés à la connaissance de sa clientèle pour les besoins de son activité, circonstance faisant, en tout état de cause, obstacle à la reconnaissance, en l'espèce, d'une erreur de bonne foi. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la société requérante n'établit pas avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'elle exerçait une activité occulte en France couvrant les exercices 2010 et 2011, justifiant ainsi l'exercice de son droit de reprise en ce qui concerne les impositions dont s'agit.
Sur les pénalités pour activité occulte :
16. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte du 1. de l'article 1728 du code général des impôts que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
17. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point 15, la société appelante, qui a exercé une activité occulte en France par un établissement stable ne peut être regardée comme ayant commis une erreur justifiant qu'elle n'ait pas rempli ses obligations déclaratives. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la décharge des majorations de 80 % pour activité occulte qui lui ont été assignées en application des dispositions précitées de l'article 1728-1 du code général des impôts.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société NMN Media est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société NMN Media et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Haïli, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Djebiri, première conseillère,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
Le président-rapporteur,
X. Haïli
La première conseillère la plus ancienne,
C. Djebiri
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY01369