Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL III a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er août 2012 au 31 juillet 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 2005898 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier 2023 et 2 février 2024, l'EURL III, représentée par Me Morand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les articles L. 57 et L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne précisant pas qu'elle a fait usage de son droit de communication auprès du service des douanes sur le fondement des articles L. 83 ou L. 83 A du livre des procédures fiscales ;
- le paragraphe 280 de la documentation de base référencée BOI-CF-PGR-30-10 est opposable à l'administration ;
- l'administration a méconnu l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en ne lui communiquant pas les déclarations d'exportations EX1, et en lui communiquant seulement des tableurs de retraitement des données issues de l'application Delta AV, sans les documents originaux, ni les copies de ces documents, et sans la renvoyer vers le service compétent ;
- l'administration n'a pas respecté la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; elle a méconnu son devoir de loyauté et a commis un détournement de procédure ;
- elle est fondée à bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors du territoire de l'Union européenne par le vendeur ou pour son compte, sur le fondement de l'article 262 du code général des impôts ;
- le paragraphe 30 de la documentation de base référencée BOI-TVA-CHAMP-30-30-10-10 est opposable à l'administration.
Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 février 2024, la clôture d'instruction, initialement fixée au 5 février 2024, a été reportée au 7 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL III, qui a pour activités le commerce de détail de parfums, produits de beauté et accessoires dans un local situé à Grenoble (Isère), ainsi que la vente à distance de parfums, la création et le développement de produits de parfumerie et de cosmétique, sous le nom commercial LM Parfums, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2012 au 31 juillet 2015, au terme de laquelle le vérificateur a procédé, en application de la procédure contradictoire, à des rectifications de taxe sur la valeur ajoutée qui n'a pas été facturée par la requérante sur dix-neuf de ses factures pour des ventes de produits LM Parfums à la société Sésame BY JV, située à Nancy, qui les a acquis en franchise de cette taxe dans la perspective de les exporter, sur le fondement de l'article 275 du code général des impôts. Ces rectifications ont été maintenues par une réponse aux observations du contribuable du 18 octobre 2016, puis par une lettre du 6 décembre 2016 du supérieur hiérarchique du vérificateur. L'administration a alors mis en recouvrement le 16 décembre 2016 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er août 2012 au 31 juillet 2015, ainsi que des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, pour un montant total de 84 844 euros. A la suite de la demande de l'EURL III de saisine de l'interlocuteur, la directrice de la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne a procédé le 13 février 2017 à un dégrèvement de 84 844 euros, puis par une lettre du 20 mars 2017, l'interlocuteur interrégional a maintenu les rectifications. L'administration a à nouveau mis en recouvrement le 28 avril 2017 les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts de retard correspondants. L'EURL III relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et intérêts de retard.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012 que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter. S'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, en réponse à une question préjudicielle, que ce principe a pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative, et qu'une violation du droit d'accès au dossier commise lors de la procédure administrative n'est pas en principe régularisée du simple fait que l'accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. La Cour de justice a également jugé dans l'arrêt C-189/18 du 16 octobre 2019 que, dans un tel litige, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense.
3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Aux termes de l'article L. 83 A de ce livre, dans sa rédaction alors applicable : " Les agents de la direction générale des finances publiques et de la direction générale des douanes et droits indirects peuvent se communiquer spontanément tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives. ".
4. Il résulte de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable que le vérificateur s'est fondé sur des informations issues de l'application delta de l'administration des douanes et sur des déclarations d'exportations EX1, pour remettre en cause des attestations établies par la société Sésame BY JV devant tenir lieu de pièces justificatives pour les facturations, en suspension de taxe sur la valeur ajoutée, n° 23338 du 4 novembre 2014, n° 25060 du 26 février 2015 et n° 26365 ou 26345 du 29 juin 2015, en raison de différences de sociétés exportatrices et de pays de destination des marchandises, ainsi que sur l'application delta des douanes pour en conclure que les marchandises ayant fait l'objet des autres factures au nom de la société Sésame BY JV n'ont pas été exportées.
5. Si la société requérante soutient qu'en dépit de sa demande, l'administration fiscale ne lui a pas communiqué les déclarations d'exportations EX1 en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il résulte de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable, qui mentionnent que les exportations ont été déclarées par l'EURL III au service des douanes, que les déclarations d'exportations EX1 ont été souscrites par l'entreprise requérante auprès du service des douanes. Il s'ensuit que ces déclarations d'exportations, qui n'émanaient pas d'un tiers mais de la contribuable, ne devaient pas être communiquées par l'administration à la requérante. Par suite, le moyen en cette branche doit être écarté.
6. Par ailleurs, l'obligation faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par un autre service, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. En revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable.
7. L'EURL III soutient que l'administration ne lui a communiqué que des tableurs de retraitement des données issues de l'application delta AV, sans les documents originaux, ni les copies de ces documents, et sans la renvoyer vers le service des douanes pour obtenir ces derniers documents. D'une part, il n'est pas contesté que l'administration a seulement pris connaissance, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès du service des douanes, des informations issues de l'application delta de ce service concernant des ventes réalisées par l'EURL III, sans détenir des documents originaux ou copies de documents issus de cette application. D'autre part, il résulte de la lettre du vérificateur du 4 novembre 2016, en réponse à la demande de communication de documents de l'EURL III, que l'administration a adressé à la requérante, sous forme de tableaux récapitulatifs, des restitutions des informations issues de la consultation de l'application delta AV correspondant aux flux d'exportation de l'EURL III au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Ce faisant, et en tout état de cause, l'administration a communiqué à l'EURL III les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux rehaussements, dont l'entreprise requérante n'a pas contesté la teneur, alors qu'elle est à l'origine de ces renseignements, et a mis en mesure l'EURL III d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur. Au demeurant, suite à la lettre du 4 novembre 2016, l'EURL III n'a pas effectué de demande au vérificateur de communication de l'original ou de la copie des extraits de l'application delta, à l'occasion de laquelle l'administration aurait pu la renvoyer vers le service des douanes. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et L. 76 B du livre des procédures fiscales en sa seconde branche, doivent être écartés.
8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".
9. La proposition de rectification mentionne des recoupements avec l'application delta de l'administration des douanes, et elle n'avait pas à indiquer les modalités d'exercice du droit de communication auprès du service des douanes, notamment son fondement légal. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 57 et L. 76 B du livre des procédures fiscales, doivent être écartés.
10. L'EURL III ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 280 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10, qui a trait à la procédure d'imposition.
11. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ". La charte du contribuable vérifié prévoit qu'en cas de désaccord persistant avec l'administration, le contribuable peut saisir l'inspecteur principal et ensuite l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.
12. La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, assure au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur dans les conditions qu'elle précise. La garantie attachée à la faculté de faire appel à l'interlocuteur ne peut être mise en œuvre qu'avant la décision d'imposition, c'est-à-dire avant la date de mise en recouvrement.
13. Il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de redressement contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office, notamment de celles des articles L. 57 et suivants et de l'article L. 69 de ce livre, qu'après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir préalablement informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer. De plus, si aucune disposition du code général des impôts ne fait obstacle à ce que l'administration, après avoir reconnu l'irrégularité de la procédure de redressement suivie, reprenne cette procédure dans la seule mesure nécessaire à sa régularisation et dans le délai imparti par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, afin de parvenir à la fixation de l'imposition dans des conditions régulières, cette faculté ne lui étant cependant ouverte qu'autant qu'elle a expressément constaté l'irrégularité de la première procédure en notifiant le dégrèvement de l'imposition précédente.
14. A la suite de l'avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2016 et d'une demande de l'EURL III de saisine de l'interlocuteur, la directrice de la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne a pris le 13 février 2017 une décision de dégrèvement, d'un montant de 84 844 euros, de l'intégralité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard, tout en informant l'EURL III que ce dégrèvement est technique afin de régulariser la procédure d'imposition suite à sa demande du 21 décembre 2016 de saisine de l'interlocuteur interrégional, et que les impositions seront remises en recouvrement après l'interlocution, le cas échéant en tenant compte des modifications issues de ce recours. Il résulte de l'instruction que le conseil de l'EURL III s'est entretenu le 14 mars 2017 avec l'interlocuteur interrégional, dont il n'est pas allégué un parti pris à priori à son préjudice, lequel a confirmé les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, par une lettre du 20 mars 2017. L'administration a alors à nouveau mis en recouvrement le 28 avril 2017 les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts de retard correspondants d'un montant total de 84 844 euros. A cet égard, la lettre du 10 mars 2017 du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère, qui mentionne qu'il ne pourra accorder un plan de règlements à l'EURL III qu'une fois un nouvel avis de mise en recouvrement édicté, que les versements effectués en janvier 2017 et aujourd'hui sont conservés sur un compte d'attente du Trésor afin d'apurer une partie de la créance à venir, que l'entreprise requérante est invitée à continuer d'effectuer des virements mensuels, ne constitue pas un acte de mise en recouvrement. En outre, la circonstance que l'administration n'a pas remboursé à l'EURL III ses versements de janvier et mars 2017 en exécution de la décision de dégrèvement du 13 février 2017, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, du devoir de loyauté en tout état de cause, et d'un détournement de procédure, doivent être écartés.
Sur le bien-fondé des impositions :
15. En premier lieu, aux termes de l'article 275 du code général des impôts : " I. - Les assujettis sont autorisés à recevoir ou à importer en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée les biens qu'ils destinent à une livraison à l'exportation (...) Pour bénéficier des dispositions qui précèdent, les intéressés doivent, selon le cas, adresser à leurs fournisseurs, remettre au service des douanes ou conserver une attestation, visée par le service des impôts dont ils relèvent, certifiant que les biens sont destinés à faire l'objet, en l'état ou après transformation, d'une livraison mentionnée au premier alinéa ou que les prestations de services sont afférentes à ces biens. Cette attestation doit comporter l'engagement d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée au cas où les biens et les services ne recevraient pas la destination qui a motivé la franchise. (...) ".
16. Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation (...) ". Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
17. Aux termes de l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : (...) c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. Lorsque la déclaration d'exportation est établie dans le cadre de la procédure électronique telle que prévue par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 modifié établissant le code des douanes communautaires et les textes pris pour son application, il produit la certification de sortie délivrée par le bureau d'exportation. (...) d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, (...) : 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne (...) ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays ou le territoire de destination finale hors de la Communauté ; 3° Tout document douanier visé par le service des douanes compétent et utilisé pour la surveillance de l'acheminement des biens vers leur destination finale hors de la Communauté, lorsqu'il s'agit de biens soumis à des contrôles particuliers (...). ". Il résulte de ces dispositions que pour justifier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à l'exportation vers un pays tiers à l'Union européenne, l'assujetti exportateur doit produire soit la certification électronique de la sortie du territoire de l'Union européenne dans le cadre de la déclaration en douane d'exportation dématérialisée, ou l'exemplaire n° 3 du document administratif unique (DAU) visé par le bureau des douanes du point de sortie de l'Union européenne en cas d'utilisation de la procédure papier dite " procédure de secours ", soit l'un des éléments alternatifs de preuve dont la liste figure au point d. du 1. De l'article 74 précité.
18. L'EURL III ne se prévaut pas des dispositions de l'article 275 du code général des impôts, fondement du chef de rectification retenu par l'administration fiscale, mais invoque pour la première fois en appel celles de l'article 262 du même code. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les marchandises, ayant fait l'objet des factures numérotées 17625 au titre de l'exercice clos en 2013, 19484, 19494, 19659, 20735, 22049, au titre de l'exercice clos en 2014, et 22467, 22518, 22756, 23027, 23531, 24648, 25460, 25699, 25754, 26464, au titre de l'exercice clos en 2015, auraient été effectivement exportées. En outre, s'il résulte des restitutions de l'application delta AV du service des douanes que les produits, qui ont fait l'objet des factures numérotées 23338, 25060, 26345 ou 26365, des 4 novembre 2014, 26 février et 29 juin 2015, ont été exportés pour des montants respectivement de 12 330 euros, 32 550 euros et 11 682 euros, il résulte de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable que ces trois factures ont été établies par l'EURL III au nom de la société Sésame BY JV, située à Nancy, qui a remis à l'entreprise requérante des attestations en application de l'article 275 du code général des impôts pour ces produits, que les livraisons de marchandises sont antérieures au franchissement de la frontière, et que le transporteur du client a enlevé les marchandises à la plateforme logistique Duhamel située à Val-de-Reuil (Eure). Il s'ensuit que la société Sésame BY JV était la propriétaire, le vendeur et le transporteur, qui exportait les marchandises facturées par l'EURL III les 4 novembre 2014, 26 février et 29 juin 2015, nonobstant la circonstance que l'entreprise requérante a souscrit elle-même les déclarations d'exportations se rapportant à ces marchandises. Dans ces conditions, l'EURL III ne peut prétendre au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 du code général des impôts.
19. En second lieu, l'EURL III n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 30 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-30-10-10, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée.
20. Il résulte de ce qui précède que l'EURL III n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 61-1 du code de justice administrative, ainsi que celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL III est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL III et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Haïli, président-assesseur, président la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Djebiri, première conseillère,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
X. Haïli
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY00271