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17/04/2025 | FRANCE | N°24LY02991

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 17 avril 2025, 24LY02991


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme C... G... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 75 200 euros en réparation de ses préjudices d'affection et d'accompagnement liés à la vaccination, en décembre 2009, de sa fille F... contre le virus de la grippe H1N1, puis Mme F... I..., Mme C... G... épouse I..., M. H... I..., Mme B... I..., Mm

e A... I... et Mme L... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... G... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 75 200 euros en réparation de ses préjudices d'affection et d'accompagnement liés à la vaccination, en décembre 2009, de sa fille F... contre le virus de la grippe H1N1, puis Mme F... I..., Mme C... G... épouse I..., M. H... I..., Mme B... I..., Mme A... I... et Mme L... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à réparer leurs préjudices et d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1707309, 1709000 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour avant cassation

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 et 28 février ainsi que le 29 juillet 2019, le 13 mai et les 12 et 27 octobre 2020 et les 5 octobre et 10 novembre 2021, ce dernier non communiqué, les consorts I..., représentés par Me Joseph-Oudin, demandaient à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1707309, 1709000 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser les sommes suivantes :

a) pour Mme F... I... :

- 328 960 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne ;

- 205 600 euros au titre des frais d'aide scolaire ;

- 50 000 euros au titre du préjudice scolaire, universitaire et de formation ;

- 92 700 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

- 25 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

b) pour Mme C... I... :

- 995,44 euros au titre de frais d'accompagnement et d'hébergement ;

- 1 605,77 euros au titre de frais de déménagement ;

- 1 785,70 euros au titre de dépenses de santé ;

- 5 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- 20 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 15 000 euros au titre de bouleversements dans les conditions d'existence ;

c) pour M. H... I... :

- 20 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 15 000 euros au titre des bouleversements dans les conditions d'existence ;

d) pour Mme B... I... :

- 10 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 8 000 euros au titre des bouleversements dans les conditions d'existence ;

e) pour Mme A... I... :

- 10 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 8 000 euros au titre des bouleversements dans les conditions d'existence ;

f) pour Mme L... :

- 10 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 8 000 euros au titre des bouleversements dans les conditions d'existence ;

3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant-dire-droit ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les données acquises de la science n'excluent pas l'existence d'un lien de causalité entre le vaccin Panenza et la survenue de la narcolepsie avec cataplexie ; il existe au contraire des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes confirmant ce lien de causalité ; le cas de F... I... répond à l'essentiel des critères établissant ce lien de causalité ;

- ils sont en droit d'obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices.

Par des mémoires enregistrés les 11 juin 2019, 16 octobre 2020, 2 septembre 2021, 10 novembre 2021 et 28 février 2022, ces deux derniers non communiqués, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants sont infondés.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 novembre 2021 et 25 janvier 2022, l'ONIAM a présenté à la cour une demande d'inscription de faux contre six pièces produites par les consorts I....

Il soutient que les Hospices civils de Lyon l'ont informé que l'auteur désigné de cinq pièces produites par les requérants conteste les avoir signées, a porté plainte devant la police et alerté l'ordre des médecins tandis que l'hôpital a fait un signalement auprès du procureur de la République. Il a été également contesté l'authenticité d'une sixième pièce.

Par deux mémoires enregistrés les 22 novembre 2021 et 28 janvier 2022, les consorts I... ont indiqué ne pas s'opposer à ce que ces pièces soient écartées des débats.

Ils font valoir que les expertises ne se fondaient pas sur ces pièces pour conclure à l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la pathologie, l'ONIAM ayant reconnu leur droit à réparation le 8 juillet 2015.

Deux mémoires enregistrés les 25 et 27 avril 2022, présentés pour l'ONIAM, n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 19LY00750 du 23 mai 2022, la cour administrative d'appel de Lyon, sur appel des consorts I..., a condamné l'ONIAM à verser à M. et Mme I..., en qualité de représentants légaux de leur fille F..., la somme de 77 677 euros, outre la somme représentative des frais d'assistance par tierce personne, la somme de 10 781,14 euros à Mme C... I..., celle de 4 000 euros à M. I... et celle de 2 000 euros à Mmes B... A... et E... I... chacune, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 466091 du 22 octobre 2024, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation

Par un courrier du 24 octobre 2024, les parties ont été informées de la reprise de l'instance devant la cour après renvoi de l'affaire par le Conseil d'État.

Par des mémoires enregistrés le 21 novembre 2024 et le 1er avril 2025 sous le n° 24LY02991, Mme F... I..., Mme C... G... épouse I... et M. M..., en leur nom propre et en qualité de représentant de leur fille mineure L..., Mme B... I... et Mme N... I..., tous représentés par Me Joseph-Oudin, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2018 ;

2°) à titre principal, de condamner l'ONIAM à leur verser les mêmes montants qu'initialement demandés devant la cour en réparation de leurs préjudices en qualité de victimes directe et indirectes ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que soit désigné avant-dire droit un expert neurologue, spécialisé dans les conséquences de la vaccination H1N1, pouvant s'adjoindre tout spécialiste de son choix, avec pour mission de se prononcer sur l'état exact de Mme F... I... et sur les préjudices dont elle a été victime ;

4°) de dire que l'expert devra présenter un pré-rapport aux parties et recueillir leurs observations dans un délai raisonnable avant de transmettre son rapport définitif aux parties et à la juridiction, le chiffrage des préjudices étant réservé au vu des conclusions de l'expert ;

5°) de mettre à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise ou à défaut de réserver les frais d'expertise à la fin de l'instance ;

6°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts I... soutiennent que :

- une nouvelle orientation n° 2019-01 relative à l'indemnisation des dossiers de narcolepsie apparue dans les suites d'une vaccination H1N1 a inclus les personnes auxquelles a été inoculé le vaccin Panenza comme susceptibles d'être indemnisées par l'ONIAM ;

- l'acte de vaccination dans le cadre d'une mesure d'urgence sanitaire suit le même régime probatoire que l'acte de vaccination obligatoire ; il ne leur incombait pas de démontrer un lien de causalité direct et certain, mais des présomptions graves, précises et concordantes, lesquelles doivent être retenues, au regard des cas recensés, des dernières connaissances scientifiques et de la littérature médicale ;

- la littérature médicale la plus récente retient un délai de deux ans et demi entre la vaccination et l'apparition des symptômes ; Mme F... I... a présenté les premiers symptômes au printemps 2010, soit un délai inférieur à six mois, et un délai de neuf mois entre la vaccination et la première consultation médicale pour hypersomnie ; elle ne présentait aucun antécédent de trouble du sommeil antérieurement à la vaccination ; elle a développé une forme grave et sévère de la maladie ; sur ce point le taux d'hypocrétine n'est pas déterminant alors qu'elle a développé des cataplexies quotidiennes invalidantes, des épisodes de somnolence diurne irrésistibles et une latence d'endormissement très courte ; une analyse génétique a permis de démontrer qu'elle présente un haplotype de susceptibilité à la narcolepsie ; son jeune âge l'exposait plus particulièrement à développer cette pathologie ; le dosage d'hypocrétine peut chuter tardivement et 10 % des patients narcoleptiques présentant des cataplexies ne présentent pas un taux effondré d'hypocrétine ;

- l'acceptation de l'offre de l'ONIAM, quand bien même elle n'est que provisionnelle, vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil et a autorité de la chose jugée ;

- les préjudices seront justement évalués en faisant application du barème appliqué par les juridictions judiciaires ;

- l'état de santé de Mme F... I... a nécessité l'assistance d'une tierce personne à compter de juin 2010, qui a été évaluée à hauteur de cinq heures par jour sept jours sur sept par les experts, avec un taux horaire de 16 euros en semaine et le samedi et de 23 euros le dimanche ;

- son état de santé a également nécessité le recours à une assistance par tierce personne scolaire spécialisée évaluée à deux heures par jour, au taux horaire de 25 euros ;

- la maladie a entraîné pour Mme F... I... de nombreuses difficultés scolaires avec pénibilité accrue et absences répétées ;

- son déficit fonctionnel temporaire a été total durant vingt-quatre jours, indemnisable à raison de 30 euros par jour, et de 75 % depuis juin 2010, indemnisable à raison de 22,50 euros par jour ;

- les souffrances endurées du fait de la pathologie, des conséquences au plan psychologique, et des multiples examens, ont été évaluées à 5 sur une échelle de 1 à 7 ;

- son préjudice esthétique temporaire, du fait du surpoids et d'un visage cataplexique, a été évalué à 5 sur une échelle de 1 à 7 ;

- le préjudice d'agrément est constitué au regard des limitations dans les activités sportives chez une enfant de cet âge et des limitations sociales induites par la maladie ;

- Mme C... I... a engagé des frais divers au titre de frais d'accompagnement et d'hébergement pour se déplacer à l'hôpital à Lyon et en centre de réadaptation à Chanay ;

- la famille a dû déménager à deux reprises pour assurer un meilleur suivi à leur enfant F... ;

- ils ont exposé des dépenses de santé restées à charge, notamment une prise en charge psychologique, diététique, ergothérapeutique, et des traitements homéopathiques ;

- Mme C... I... a sollicité des congés parentaux qui ont eu une incidence professionnelle ;

- les parents et les sœurs de Mme F... I... subissent un préjudice d'affection ainsi que des troubles dans leurs conditions d'existence ;

- une nouvelle expertise peut être diligentée afin de confirmer ou d'infirmer les conclusions du premier rapport demandé par l'ONIAM ; il conviendra de désigner un expert neurologue spécialisé.

Par trois mémoires, enregistrés l'un le 19 mars 2025 et les deux autres le 2 avril 2025, ces derniers n'ayant pas été communiqués, l'ONIAM, représenté par Me Saumon, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la requête.

Il soutient que :

- le dernier état des connaissances scientifiques exclut toute imputabilité entre la narcolepsie et l'injection de Panenza ; aucun lien de causalité direct et certain au sens de l'article R. 3131-3-3 du code de la santé publique n'est établi ;

- la narcolepsie est une pathologie ayant une étiologie multifactorielle et peut apparaître en dehors de toute vaccination ; en l'état actuel des données acquises de la science, aucune étude n'a mis en évidence un lien entre cette pathologie et la vaccination par Panenza, dont la composition diffère du vaccin Pandemrix ;

- il n'a pas été établi de lien entre narcolepsie de type 2 et inoculation d'un vaccin avec adjuvant ASO3 (Pandemrix) ; le consensus chez les spécialistes est de ne retenir de lien qu'en cas de narcolepsie de type 1 ; dans le cas de Mme F... I..., le taux d'hypocrétine retrouvé est normal, ce qui signale l'absence de réaction immunitaire, exclut d'emblée le diagnostic de narcolepsie de type 1 ainsi que tout lien avec une vaccination ;

- les critères dits K... ne sont pas davantage réunis dans le cas de Mme F... I... ;

- l'ONIAM n'est pas lié par l'offre qu'il avait formulée lors de la phase amiable ; les conclusions de rapports d'expertise dans d'autres affaires, alors qu'il n'était pas convié aux opérations expertales, sont sans pertinence pour le cas de Mme F... I... ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

- il n'y a pas lieu de diligenter une nouvelle expertise ; si la cour en décidait autrement, il conviendrait de la limiter à un avis technique ;

- il a eu connaissance tardivement du dernier mémoire des requérants et sollicite un renvoi de l'affaire, ou subsidiairement d'écarter ce mémoire des débats.

Par un courrier du 28 février 2025, il a été demandé au centre de référence des maladies rares pour la narcolepsie et l'hypersomnie idiopathique du centre hospitalier universitaire de Montpellier le dosage de l'hypocrétine réalisé en 2011 ou 2012, et tout autre dosage qui aurait été, le cas échéant, effectué depuis. Le résultat du dosage réalisé en août 2012 a été reçu le 13 mars 2025 et a été communiqué aux parties.

Par un courrier du 28 février 2025, il a été demandé aux Hospices civils de Lyon de produire le compte-rendu complet d'analyse biologique du 19 mai 2011 avec typage HLA générique ; le bilan complet de la ponction lombaire réalisée le 14 mars 2012 et tout autre typage HLA / bilan LCR qui aurait été, le cas échéant, effectué depuis. Le résultat du dosage réalisé en août 2012 et le compte-rendu d'analyse biologique pour la nomenclature HLA d'un prélèvement réalisé le 19 mai 2011 ont été reçus le 17 mars 2025 et ils ont été communiqués aux parties.

Par une ordonnance du 2 avril 2025, l'instruction a été close au 3 avril 2025 à 10 h 30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dachy, substituant Me Saumon, pour l'ONIAM ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2025, présentée pour l'ONIAM ;

Considérant ce qui suit :

1 Mme F... I..., née le 23 juin 2005, a été vaccinée les 8 et 28 décembre 2009, dans le cadre d'une campagne de vaccination contre le virus H1N1 avec le vaccin Panenza(r) développé par le laboratoire pharmaceutique " Sanofi Pasteur ". A partir de l'été 2010, elle a présenté des troubles dont ses parents, qui les imputent à cette vaccination, ont demandé l'indemnisation à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique. L'ONIAM, après expertise, a reconnu, par décision du 8 juillet 2015, l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la pathologie dont souffre Mme F... I... et lui a proposé une offre d'indemnisation provisionnelle de ses préjudices temporaires à hauteur de 180 987,49 euros. Cette offre a été acceptée, selon courrier du 28 septembre 2015, et l'indemnité a été versée le 7 octobre suivant.

2. Le 8 juillet 2015, l'ONIAM a cependant refusé d'indemniser les préjudices propres de Mme C... G... épouse I..., mère de F.... Cette dernière a déféré cette décision au tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande d'indemnisation comme manifestement irrecevable par une ordonnance du 27 septembre 2016, annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 février 2017 qui a renvoyé l'affaire devant les premiers juges.

3. Parallèlement, par lettre du 19 octobre 2017, l'ONIAM a refusé de procéder à l'indemnisation complémentaire de Mme F... I.... Mme F... I..., ses père et mère et ses deux sœurs ont porté leur demande d'indemnisation complémentaire devant le tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leurs demandes par un jugement du 20 décembre 2018.

4. Par un arrêt n° 19LY00750 du 23 mai 2022, la cour a annulé ce jugement et a condamné l'ONIAM à verser à M. et Mme I..., en qualité de représentants légaux de leur fille F..., la somme de 77 677 euros, outre la somme représentative des frais d'assistance par tierce personne, également les sommes de 10 781,14 euros à Mme C... I..., de 4 000 euros à M. I..., et de 2 000 euros à chacune de leurs trois autres filles, B..., A... et E..., en réparation de leurs propres préjudices, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

5. Après avoir jugé qu'aucune des pièces du dossier autres que celles arguées de faux ne permettait d'établir que Mme F... I... était porteuse de l'allèle HLA DR15 DQ-B1*0602 et qu'elle présentait effectivement un taux d'hypocrétine (neurotransmetteur central impliqué dans la régulation du sommeil) de 30 pg/ml, et que, en estimant que les mentions du rapport d'expertise sur ces deux points, décisifs dans la caractérisation d'une narcolepsie de type 1, ne résultaient pas des pièces litigieuses et étaient corroborées par d'autres éléments, la cour avait dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, le Conseil d'État, par sa décision du 22 octobre 2024, a annulé l'arrêt ci-dessus du 23 mai 2022 et renvoyé l'affaire devant la cour.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " I. - En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire : / 1° Toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l'organisation et au fonctionnement du système de santé ; (...) ". Sur le fondement de cette disposition, le ministre de la santé et des sports, par un arrêté en date du 4 novembre 2009, a pris des mesures d'urgence pour prévenir les conséquences de la pandémie de grippe A (H1N1), au nombre desquelles la mise en œuvre d'une campagne de vaccination qui a débuté le 20 octobre 2009 pour les professionnels de santé et le 12 novembre 2009 pour l'ensemble de la population.

7. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22 ".

8. Il appartient à l'ONIAM de réparer, en application de ces dispositions qui s'appliquent aux mesures d'urgence prises sur le fondement des dispositions citées au point 6 de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique pour faire face à une menace sanitaire grave, les pathologies imputables aux vaccinations contre la grippe A (H1N1) intervenues dans le cadre de l'arrêté cité précédemment du ministre de la santé et des sports. Saisis d'un litige individuel portant sur la réparation des conséquences d'une vaccination intervenue dans ce cadre, il appartient aux juges du fond, dans un premier temps, non pas de rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant eux, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il leur appartient dans un second temps, soit, s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination subie par la victime et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination.

Sur la probabilité d'un lien entre la vaccination par Panenza(r) et le développement de la narcolepsie avec cataplexie de type 1 :

9. A la suite de la campagne de vaccination contre la pandémie de grippe A (H1N1) qui, en France, s'est déroulée entre octobre 2009 et mars 2010 en utilisant majoritairement le vaccin Pandemrix et, dans une moindre mesure, le vaccin Panenza, notamment administré aux jeunes enfants et aux femmes enceintes, un nombre très circonscrit de cas de narcolepsie, dont les symptômes étaient apparus peu après les injections, ont été signalés et recensés dans le cadre de la pharmacovigilance. Des signalements comparables dans d'autres pays ayant utilisé le vaccin Pandemrix, à l'instar de la Suède et la Finlande, ont justifié la vigilance de plusieurs autorités sanitaires, notamment française et européenne, et ont conduit à ce que des études épidémiologiques soient menées dans plusieurs pays. Bien que le nombre total de cas déclarés à la suite d'une vaccination soit resté très circonscrit, ces études, que résume notamment une méta-étude publiée en juin 2017 par une équipe internationale, ont confirmé une augmentation modérée du risque relatif de développer une narcolepsie chez l'enfant, l'adolescent et l'adulte durant les mois suivant la vaccination dans les pays où le vaccin Pandemrix a été utilisé. Il résulte des mêmes constatations que si ces études ne permettent pas de tirer de conclusions directes concernant le vaccin Panenza, en raison de l'absence de données quantitativement significatives disponibles sur des patients qui auraient développé la pathologie après avoir reçu des injections de ce vaccin, faute pour celui-ci d'avoir été utilisé, même en France, à une échelle comparable à celui du vaccin Pandemrix, d'autres études produites au dossier soumis à la cour, qui ont donné lieu à publication dans des revues reconnues, ont émis l'hypothèse d'une part, que la narcolepsie de type 1, qui se caractérise par une destruction des neurones à hypocrétine, neurotransmetteur central impliqué dans la régulation des états de veille et de sommeil, pourrait être due à une réponse auto-immune du patient sur un terrain génétique prédisposé à la suite d'une stimulation initiale du système immunitaire résultant d'une cause extérieure et, d'autre part, que l'hypothèse a été sérieusement avancée que la composition antigénique du vaccin Pandemrix pourrait être à l'origine de cette réaction. Plusieurs expertises médicales produites dans le cadre du litige, concernant d'autres affaires portées devant la juridiction administrative, concluent, sur le fondement des études mentionnées, qu'eu égard à la similitude des souches virales utilisées dans la composition des vaccins Pandemrix et Panenza, le second se différenciant principalement du premier par son absence d'association avec un adjuvant, il ne peut être exclu que le mécanisme qui vient d'être décrit, bien que non-démontré scientifiquement à ce jour, puisse être à l'origine de la pathologie à la suite de l'injection du vaccin Panenza. Il n'est par suite pas possible, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant la cour, de considérer qu'il n'y a aucune probabilité qu'un lien existe entre l'injection du vaccin Panenza et le développement d'une narcolepsie de type 1.

Sur la probabilité d'un lien entre vaccination et narcolepsie de type 2 :

10. Au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant la cour, la probabilité qu'un lien existe entre l'injection d'un vaccin contre la pandémie de grippe A (H1N1) et le développement d'une narcolepsie de type 2, en l'absence de destruction des neurones à hypocrétine et donc de réponse auto-immune du patient sur un terrain génétique prédisposé, apparaît exclue. Il résulte ainsi d'une note de décembre 2016 du Professeur J..., directeur du laboratoire du sommeil du centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier et spécialiste de la narcolepsie, intitulée " Procédure reconnaissance imputabilité narcolepsie post vaccination H1N1 ", produite par l'ONIAM, que " l'hypothèse auto-immune " dans le contexte post vaccinal H1N1 apparaît comme " hautement probable " dans le cas de la narcolepsie de type 1 " donc avec cataplexie ou hypocrétine déficiente ", " à l'inverse de la narcolepsie de type 2, sans cataplexie ou avec des taux d'hypocrétine normaux ".

Sur la pathologie présentée par Mme F... I... :

11. Il résulte de l'instruction que les critères ICSD3 (classification internationale des pathologies du sommeil, troisième version), pour établir le diagnostic de narcolepsie de type 1, sont une somnolence évoluant depuis plus de trois mois associée soit à la présence de cataplexies, d'une latence moyenne d'endormissement de moins de huit minutes aux tests itératifs de latence d'endormissement (TILE) et d'au moins deux endormissements en sommeil paradoxal (au TILE et/ ou lors de la polysomnographie nocturne), soit à un taux d'hypocrétine inférieur à 110 pg/ml dans le liquide rachidien, la narcolepsie de type 2 étant caractérisée par une somnolence depuis plus de trois mois, sans autre cause retrouvée, chez un patient ne présentant pas de cataplexie, mais présentant une latence moyenne d'endormissement aux TILE de moins de huit minutes, avec au moins deux endormissements en sommeil paradoxal et un taux d'hypocrétine supérieur à 110 pg/ml ou qui n'a pas été mesuré.

En ce qui concerne le diagnostic de narcolepsie :

12. Il ne résulte pas de l'instruction qu'avant sa vaccination, Mme F... I... aurait souffert d'une anomalie clinique ou symptomatologique pouvant être rapportée à une narcolepsie. Il apparaît qu'à la suite des injections du vaccin Panenza en décembre 2009, des premiers symptômes sont apparus durant l'été 2010 qui ont justifié la réalisation, le 7 octobre 2010, d'un EEG, revenu normal, même si l'enfant s'est endormie durant la pose des électrodes. Une consultation le 14 janvier 2011 à l'hôpital Femme Mère Enfant aux Hospices civils de Lyon (HCL), au sein de l'unité pédiatrique de sommeil et centre de référence de la narcolepsie chez l'enfant, a fait suspecter une narcolepsie. Lors de l'hospitalisation de l'enfant les 18 et 19 mai 2011 pour la réalisation de tests d'endormissement et holter-sommeil, une hypersomnie centrale avec suspicion de narcolepsie a été diagnostiquée. Un bilan polysomnographie réalisé dès le 30 août 2011 concluait, à la suite de TILE, à des " latences très raccourcies, pathologiques " (moyenne de 4 ou 7,25 minutes) et à une suspicion d'endormissement en sommeil paradoxal à deux reprises. Une IRM réalisée le 14 mars 2012 est revenue normale, excluant à ce stade une pathologie neurologique sous-jacente de type central. Un bilan cardiaque effectué à la même date est revenu normal. Ces symptômes, apparus pour les premiers moins d'un an après la vaccination, sont évocateurs d'une pathologie de type narcolepsie.

En ce qui concerne le type de narcolepsie présenté par Mme F... I... :

S'agissant de l'existence d'épisodes de cataplexie :

13. Dans sa note déjà citée de décembre 2016, le professeur J... précisait que la narcolepsie de type 1 est définie par " des cataplexies qui doivent être typiques et donc visualisées " et que le délai moyen pour établir le diagnostic de narcolepsie restait très important en Europe, " de 8 à 12 ans, avec parfois un début progressif des symptômes et insidieux que ce soit pour la somnolence ou les cataplexies ". Initialement, et ainsi que le relève l'ONIAM, le diagnostic de narcolepsie sans cataplexie avait été porté. Dans un certificat du 20 septembre 2011, le Docteur D... indiquait ainsi que " les parents ne décrivent pas de cataplexie mais trouvent souvent (F...) bouche ouverte, absente ", relevant que " les cataplexies ne sont pas franches chez l'enfant jeune et souvent correspondant à des périodes d'hypotonie sans stimuli particuliers ", ayant ajouté, le 17 avril 2012, que " nous sommes toujours en attente du dosage d'hypocrétine effectué en mars 2012 pour confirmer la narcolepsie sans cataplexie ... ". Mais différentes pièces médicales versées au dossier ont par la suite relevé l'existence d'épisodes de cataplexie. Ainsi en est-il notamment d'un compte-rendu du service de neuropsychologie du 8 juin 2012 qui affirme " narcolepsie-cataplexie : le diagnostic a été posé l'année dernière ", et d'un certificat établi le 10 janvier 2014 par le pédiatre de l'intéressée qui évoque une narcolepsie avec cataplexie sous forme de " cataplexie quotidienne " et de " perte du tonus musculaire ", de " tremblement des autres membres " et de " périodes d'absence ". Le rapport d'un bilan d'hypersomnie réalisé les 4 et 5 juillet 2016 conclut également à une " hypersomnie centrale de type narcolepsie avec cataplexie ". Le 18 décembre 2017, le professeur J..., qui a reçu l'enfant en consultation, a estimé de son côté qu'elle souffrait d'une narcolepsie avec cataplexie typique, notant une " confirmation du diagnostic en janvier 2011 et un enregistrement du sommeil six mois après en juillet 2011, qui objective des tests itératifs de latence d'endormissement de 7,2 mn, et deux endormissements en sommeil paradoxal. " et que, " au total, nous sommes devant une narcolepsie avec cataplexie typique, à âge de débit très précoce associée à une obésité, une puberté précoce, une somnolence diurne excessive sévère, des cataplexies très invalidantes dans un contexte post-vaccinal. ". Différentes pièces émanant de divers services (neuropsychologie, pédiatre, épileptologie, endocrinologie, néphrologie...) ont aussi évoqué une narcolepsie-cataplexie. Un certificat du 5 septembre 2018 d'un service d'épileptologie a ainsi fait état de cataplexies au rire. Les signes cliniques que l'intéressée a développés sous forme de cataplexies au cours du temps, qui relèvent des critères ICSD3 précités, sont ainsi significatifs de la narcolepsie de type 1.

S'agissant de la prédisposition génétique :

14. Il ressort par ailleurs du typage génétique d'un prélèvement réalisé le 19 mai 2011 que l'intéressée n'est pas porteuse de l'allèle HLA DR15 DQ-B1*0602, présent chez la quasi-totalité des patients atteints de narcolepsie de type 1, mais du locus DQB1*02:01 DQB1*05:01. Cependant, en dépit de cette prévalence, ce typage n'entre pas, en tant que tel, dans les critères de diagnostic de la narcolepsie de type 1. Selon un article du professeur J... paru dans le bulletin de l'académie nationale de médecine du 28 juin 2016, la " narcolepsie chez l'homme n'est pas une maladie purement génétique ", " Seulement 30 % des paires de jumeaux monozygotes sont concordantes pour le diagnostic et les formes familiales sont retrouvées dans seulement 1-2 % des cas " et " L'environnement joue ainsi un rôle clef dans le développement de la narcolepsie de type 1 ". Le professeur J... ajoute que " plus de 92 % des patients narcoleptiques de type 1, quelle que soit leur origine ethnique, sont porteurs de l'allèle HLA-DQBI*06 :02 contre 20 à 25 % de la population générale, conférant ainsi un fort risque de développer la maladie " et que d'autres " allèles (HLA-DRB1*15 :01 et DQA1 01 :02) (...) sont associés à la narcolepsie. ", ces deux derniers ayant été retrouvés chez la jeune F.... Et ce professeur indique également que l'hypothèse d'une association entre narcolepsie et virus H1N1 repose sur " une certaine homologie de séquence avec les protéines exprimées dans les neurones à hypocrétine et certaines protéines de ce virus comme les nucléoprotéines ", et que " ces protéines conduiraient à l'activation des lymphocytes B et T auto réactifs chez les sujets prédisposés génétiquement : présence du HLA-DQB106 :02 et potentiellement des autres polymorphismes décrits ". Le typage génétique que présente l'intéressée n'est donc pas exclusif du diagnostic de narcolepsie de type 1, et ne paraît pas non plus incompatible avec la réaction auto-immune induite par l'administration du vaccin.

S'agissant du taux d'hypocrétine :

15. Le professeur J... qui, dans son article du 28 juin 2016 mentionné plus haut, avait indiqué que " la pente de destruction des neurones à hypocrétine est très variable d'un sujet à l'autre, fonction certainement de l'âge de survenue de la maladie (souvent plus abrupte chez les enfants et plus progressif chez les adultes), des facteurs déclenchants ou aggravants potentiels (infection à streptocoques) et de la prédisposition génétique sous-jacente ", et que les " signes cliniques, leur moment d'apparition, leur sévérité, ainsi que leur fluctuation avec l'évolution naturelle de la maladie (...) varient aussi largement d'un sujet à l'autre ", a qualifié le cas de l'intéressée, dont le taux d'hypocrétine, mesuré en août 2012 à un niveau normal de 279 pg/ml, était supérieur au taux maximal de 110 pg/ml caractéristique d'une narcolepsie de type 1, d'atypique " dans ce contexte de narcolepsie avec cataplexie cliniquement défini ".

16. Finalement, compte tenu de la particularité de la situation de Mme F... I..., et après l'avoir reçue en consultation et constaté l'existence d'un taux normal d'hypocrétine, mais sans connaître précisément son typage génétique, le professeur J... avait jugé nécessaire de continuer les investigations " sur le plan clinique (vidéo des cataplexies, formes familiales), biologique (refaire une ponction lombaire), morphologique (IRM à faire) et génétique (repréciser le typage HLA voire faire un exome sequencing dans un second temps) ", étant ici rappelé que l'IRM était normale en 2012.

En ce qui concerne la nécessité d'une expertise :

17. Dans ce contexte, et compte tenu plus spécialement de l'absence de visualisation par un spécialiste de la narcolepsie des épisodes de cataplexie que l'intéressée a subis et de précisions suffisantes sur leur délai d'apparition depuis la vaccination, de la rareté de son profil génétique pour une personne qui serait atteinte d'une narcolepsie de type 1 et du caractère normal du taux d'hypocrétine mesuré en 2012, sans qu'aucun nouveau dosage n'ait été réalisé depuis lors malgré la variabilité de la pente de destruction des neurones à hypocrétine selon les patients et le rôle joué par des prédispositions génétiques, et vu que, en l'état de l'instruction, rien au dossier ne permet ni d'écarter ni de confirmer que l'intéressée souffrirait d'une narcolepsie de type 1 avec cataplexie, il y a lieu d'ordonner, aux fins ci-après définies, une expertise afin d'éclairer la cour sur le diagnostic exact de la pathologie que l'intéressée présente et son mode d'évolution.

18. Le présent arrêt ne tranchant pas la question du droit à indemnisation de Mme F... I... au titre de la solidarité nationale, les conclusions des parties sont réservées jusqu'à la fin de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions des parties, procédé à une expertise confiée à un expert spécialisé en neurologie et troubles du sommeil, avec pour mission, après s'être fait communiquer le dossier médical de Mme F... I..., notamment les descriptions cliniques d'éventuels épisodes de cataplexie, les résultats de la ponction lombaire (dosage d'août 2012) et du typage HLA (prélèvement réalisé le 19 mai 2011) ainsi que les résultats des tests TILE, mais sans tenir compte des pièces arguées de faux attribuées au professeur D... (soit un compte-rendu d'hospitalisation censé émaner de son service, portant sur la période du 4 au 6 décembre 2013, une demande de prise en charge individuelle du 12 mai 2014, un compte-rendu de consultation du 25 novembre 2014, un compte-rendu de consultation du 11 janvier 2016, un compte-rendu d'hospitalisation du 29 août 2016, un compte-rendu de consultation du 26 juin 2017, un certificat médical daté du 23 décembre 2020), compte tenu des données actualisées de la science, de préciser l'existence d'épisodes de cataplexie et leur délai d'apparition, d'analyser les résultats des différents tests de polysomnographie, de s'appuyer sur les résultats de la ponction lombaire réalisée le 14 mars 2012 et sur le phénotypage réalisé à la suite du prélèvement réalisé le 19 mai 2011 et, plus précisément :

a) d'indiquer si Mme F... I... présente une narcolepsie, et dans l'affirmative, de quel type, de préciser notamment si elle présente des épisodes de cataplexie, le cas échéant de procéder à leur visualisation et à leur analyse et de spécifier si une narcolepsie peut évoluer vers une symptomatologie avec cataplexie de type 1 initialement absente ;

b) de préciser les modes d'évolution de la maladie auto-immune à l'origine de l'effondrement du taux d'hypocrétine retrouvé dans le cas de la narcolepsie de type 1, et si ce processus peut mettre plusieurs années à se produire, et d'indiquer, en conséquence, si un taux normal constaté en 2012, à la suite d'une vaccination en 2009, exclut a priori une évolution ultérieure vers une narcolepsie de type 1 ;

c) de déterminer si le développement d'une telle réaction auto-immune à la suite d'une vaccination est compatible avec le typage HLA retrouvé chez Mme F... I... et, dans l'affirmative, d'estimer son délai d'apparition.

Après avoir procédé à un examen clinique de Mme F... I..., l'expert devra, le cas échéant :

1) décrire les soins ayant un lien probable avec la vaccination par Penanza que Mme F... I... a subie en décembre 2009 ;

2) déterminer le cas échéant la date de consolidation de son état de santé ;

3) évaluer l'ensemble des préjudices imputables aux conséquences de la vaccination, avant et après consolidation le cas échéant ;

- pour la période antérieure à la date de consolidation :

* le taux d'incapacité temporaire ;

* l'importance des souffrances physiques et psychiques endurées, le préjudice esthétique, et, s'il y a lieu, tout autre préjudice patrimonial ou extrapatrimonial temporaire ;

- pour la période postérieure à la date de consolidation :

* évaluer, s'il y a lieu, le déficit fonctionnel permanent, les préjudice esthétique, d'agrément, et tout autre préjudice extrapatrimonial permanent ;

* évaluer, s'il y a lieu, le préjudice universitaire ou de formation, la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, et tout autre préjudice patrimonial permanent;

4) dire si l'état de la victime est susceptible d'amélioration ou d'aggravation et au cas où la pathologie pourrait être regardée comme évolutive, évaluer les préjudices liés ;

5) d'une façon générale, faire toute constatation utile et fournir tous éléments utiles à l'appréciation des préjudices subis par Mme F... I....

Article 2 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement en présence des consorts I... et de l'ONIAM.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... I..., à Mme C... G... épouse I..., à M. H... I..., à Mme B... I..., à Mme A... I..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, aux caisses primaires d'assurance maladie de l'Ain et de la Loire, et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02991

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02991
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;24ly02991 ?
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