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17/04/2025 | FRANCE | N°24LY01477

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 17 avril 2025, 24LY01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2302843 du 5 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête e

nregistrée le 23 mai 2024, M. A..., représenté par Me Hebmann, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2302843 du 5 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 mai 2024, M. A..., représenté par Me Hebmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle au regard des critères de cet article ; il aurait dû saisir les autorités étrangères compétentes pour procéder à la vérification de l'authenticité des documents d'état civil dont il justifie ; la présomption d'authenticité n'est pas renversée ; le caractère réel et sérieux de ses études est établi ; il n'a plus de lien de famille dans son pays d'origine ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire enregistré le 8 août 2024, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, né le 6 mars 2003, qui est entré en France en juin 2019, a été confié aux services d'aide sociale à l'enfance de la Côte-d'Or. Le 26 février 2021, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 septembre 2023, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 5 février 2024 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " la vérification des actes d'état civil étrangers est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ". Aux termes de l'annexe 10 de ce code, comptent parmi les pièces à fournir dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, tout justificatif d'état civil, soit " (...) une copie intégrale d'acte de naissance comportant les mentions les plus récentes accompagnée le cas échéant de la décision judiciaire ordonnant sa transcription (jugement déclaratif ou supplétif) ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Il ressort des pièces du dossier que pour justifier de sa civilité et de son âge, M. A... a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour un extrait de jugement supplétif d'acte de naissance n° 1968/2019 du 2 septembre 2019, délivré par le tribunal d'Odienne (en Côte d'Ivoire), une copie intégrale du registre des actes de l'État Civil n° 1892 du 16 septembre 2019, délivré le 27 mai 2020 à Odienne et un passeport valable du 19 novembre 2020 au 18 novembre 2025. Les services de la police aux frontières de Dijon ont rendu un rapport d'examen technique documentaire le 8 avril 2020 qui conclut à l'absence de conformité des documents présentés par l'intéressé à l'article 47 du code civil. Le rapport relève que si les supports sont authentiques, ils comportent des irrégularités au niveau des mentions biographiques qui n'ont pas lieu d'être sur un document officiel, et que les actes produits constituent des copies datées de 2020 d'actes pourtant délivrés en 2019. M. A... n'a en outre produit qu'une copie de l'extrait des minutes du jugement supplétif et non la copie du jugement. Ces documents sont insusceptibles de justifier, à eux seul, l'identité de l'intéressé. Si M. A... justifie d'un passeport en cours de validité, cette pièce est, par elle-même, dépourvue de toute force probante pour l'application de l'article 47 du code civil dès lors qu'elle ne constitue pas un acte d'état civil, et pouvait être délivrée au vu des documents d'état-civil précités dont l'authenticité n'est pas établie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il n'était pas tenu de saisir les autorités ivoiriennes pour vérifier leur authenticité, le préfet était fondé à estimer que les documents produits par M. A... n'étaient pas probants et que sa véritable identité n'était pas clairement établie. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. A... a connu des résultats scolaires très fragiles depuis son arrivée en France et n'a pas réussi à valider le certificat d'aptitude professionnel (CAP) " couvreur " qu'il préparait. L'avis de la structure d'accueil, s'il souligne les qualités humaines de M. A... et peut être considéré comme favorable, relève néanmoins des difficultés rencontrées dans son attitude et émet des réserves quant à sa capacité à obtenir un diplôme. Par ailleurs, M. A... conserve des liens dans son pays d'origine où résident sa mère et sa sœur. Dès lors, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Côte-d'Or a pu refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

6. M. A... se prévaut notamment des liens noués avec sa " marraine ", qui l'avait initialement admis en apprentissage en carrosserie, avant que le contrat soit rompu d'un commun accord, et qui l'a accompagné et aidé ensuite, et de sa bonne insertion dans la société française. Les pièces du dossier permettent d'établir que M. A... a un comportement agréable, poli et serviable, notamment avec ses employeurs. Pour autant, son parcours depuis son arrivée en France a été émaillé de quelques difficultés d'adaptation, comme en témoigne le rapport de la structure qui l'a accueilli. Si ses difficultés scolaires peuvent s'expliquer par son manque de maîtrise de la langue, il n'en demeure pas moins que son insertion dans la société française reste limitée, malgré la signature le 1er septembre 2023 d'un contrat de travail à durée indéterminée, soit dix jours avant la date de l'arrêté en litige, son arrivée en France étant par ailleurs récente, et l'absence de liens dans son pays d'origine, ainsi qu'il a été dit, n'étant pas avérée. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour qui lui est opposée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni qu'elle emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté. La décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Le moyen doit donc être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01477

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01477
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;24ly01477 ?
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