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17/04/2025 | FRANCE | N°23LY03420

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 17 avril 2025, 23LY03420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2304096 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 20 avril 2023 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme A... une cart

e de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi qu'un document provisoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2304096 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 20 avril 2023 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi qu'un document provisoire de séjour dans les délais respectifs de trois mois et huit jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2023, le préfet de l'Isère, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du 20 avril 2023 a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... compte tenu de sa présence en France très récente ; elle est entrée sur le territoire français alors qu'elle était mineure et elle entrait dans la catégorie des étrangers pouvant bénéficier du regroupement familial ; elle s'est maintenue au-delà de l'expiration de son visa et ne justifie d'aucune intégration sociale ni de perspectives d'insertion professionnelle ;

- les moyens soulevés en première instance par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2023, Mme C... A..., représentée par Me Leurent, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige est entachée d'incompétence et est insuffisamment motivée en fait ;

- la décision portant refus de titre de séjour qui lui a été opposée méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 3 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 20 avril 2023 refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

2. Mme C... A..., née le 24 février 2005 à Konak (République de Turquie), de nationalité turque, est entrée régulièrement sur le territoire français le 18 avril 2022 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa court séjour valable quatre-vingt-dix jours et a sollicité, le 16 novembre 2022, un titre de séjour en raison de sa vie privée et familiale sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée sur le territoire français à l'âge de dix-sept ans et deux mois, est venue rejoindre sa mère, Mme B..., de nationalité turque également, laquelle est venue régulièrement s'installer en France le 14 avril 2021 à la suite de son mariage avec un ressortissant français le 8 février 2020. Mme B..., qui bénéficie d'une carte de séjour pluriannuelle, et son époux exercent des activités salariées leur permettant de prendre en charge Mme A.... Par ailleurs, cette dernière indique, sans être contestée dans le cadre du présent contentieux, ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine compte tenu du décès de sa sœur aînée intervenu en 2010 et de l'absence de relations avec son père depuis sa plus petite enfance, ainsi que cela ressort du jugement du 2 octobre 2006 du tribunal judiciaire de Menderes produit au dossier, lequel fait également état des violences conjugales exercées par son père à l'égard de sa mère. Si Mme A... est restée près d'une année seule en Turquie où elle a été prise en charge par des amies de sa mère dans l'attente de la rejoindre en France, elle démontre, par les attestations produites, qui traduisent en outre la situation de détresse psychologique dans laquelle elle se trouvait, qu'aucune d'entre elles, compte tenu de leur situation familiale, ne pouvait la prendre durablement en charge. Enfin, Mme A..., qui est scolarisée au Lycée polyvalent Argouges à Grenoble en classe APF (accompagnement parcours Formation MLDS), a suivi des stages en janvier et mars 2023 dans deux entreprises où elle a démontré son sérieux et sa motivation. Compte tenu de ces éléments et notamment du jeune âge de Mme A... et de l'absence d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, le préfet de l'Isère a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme A....

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel il a refusé de délivrer à Mme A... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

4. En application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est partie perdante, le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A....

Copie sera adressée à la préfète de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

A-G. Mauclair

La greffière,

O. Ritter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière,

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03420
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : LEURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;23ly03420 ?
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