Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par jugement n° 2306909 du 29 janvier 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 avril 2024, M. A..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour, ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour et de travail dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour a été adopté par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur matérielle ;
- il méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été adoptée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée le 1er août 1995 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, publiée par le décret n° 2002-337 du 5 mars 2002 ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Evrard ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 26 août 1995, est entré en France le 15 novembre 2017 sous couvert d'un visa long séjour pour poursuivre des études. Il s'est vu délivrer, le 2 octobre 2018, une carte de séjour pluriannuelle en qualité d'étudiant expirant le 1er novembre 2021. Il a sollicité le 2 novembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 5 juillet 2023, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 29 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en litige a été signé par Mme B... C..., cheffe du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de l'Isère, qui a reçu, par un arrêté du 26 juillet 2022 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour, délégation de signature du préfet de l'Isère à l'effet de signer, notamment, les arrêtés d'obligation de quitter le territoire français avec refus de séjour. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté.
3. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi qu'en dispose l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve (...) des conventions internationales ". Aux termes de l'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " Pour un séjour de plus de trois mois (...) les ressortissants sénégalais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis (...) des justifications prévues aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". Enfin, aux termes de l'article 5 de cette convention : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : (...) D'un contrat de travail visé par le Ministère du Travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ".
4. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Enfin, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".
5. D'une part, il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention conclue entre la France et le Sénégal le 1er août 1995 que l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants sénégalais désireux d'exercer une activité salariée en France, dont la situation est régie par l'article 5 de cette convention. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaîtraient l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'autre part, pour refuser d'admettre M. A... au séjour, le préfet de l'Isère a relevé, notamment, que l'intéressé n'avait présenté aucune autorisation de travail, la demande formée par la société GC Resto exploitant le restaurant Le Lyonnais, demeurée incomplète, n'ayant pu être instruite. En se bornant à faire valoir que cette société a été placée en liquidation judiciaire et qu'il a conclu un contrat de travail avec une société tierce le 1er septembre 2022, le requérant ne conteste pas utilement le motif opposé par le préfet, tiré du défaut d'autorisation de travail. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet de l'Isère aurait méconnu les stipulations de l'article 5 de la convention franco-sénégalaise.
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère a pu refuser de délivrer le titre de séjour sollicité au motif que le requérant n'avait présenté aucune autorisation de travail. Ce motif justifie, à lui seul, que le préfet rejette la demande d'admission au séjour de M. A.... Par suite, le requérant ne peut utilement faire valoir que le second motif invoqué par le préfet, tiré de ce qu'il ne justifierait pas de la réalité de l'exercice d'une activité professionnelle, serait entaché d'erreur matérielle.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
9. M. A... fait valoir qu'il a séjourné six ans en France, qu'il a exercé une activité professionnelle en qualité d'animateur et d'agent polyvalent de restauration parallèlement à ses études et que sa tante réside sur le territoire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant n'a été admis au séjour qu'en tant qu'étudiant, qualité qui ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement en France, et qu'il a achevé ses études sans obtenir de diplôme. L'activité qu'il a exercée quelques heures par mois ne démontre pas l'existence d'une réelle insertion professionnelle en France. Enfin, l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales au Sénégal, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et où résident, notamment, ses parents et les membres de sa fratrie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français en litige ne portent pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises et n'ont pas méconnu les stipulations citées au point 8. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.
10. En cinquième lieu, M. A... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation du refus de séjour et du défaut d'examen par le préfet de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " (...) Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
12. Il résulte des dispositions citées au point 11 que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation distincte de celle du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde si ce dernier est suffisamment motivé. Le refus de séjour étant suffisamment motivé, ainsi qu'il a été rappelé au point 10 ci-dessus, la décision d'éloignement n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit, par suite, être écarté.
13. En septième lieu, et pour les motifs exposés précédemment, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
14. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour, ni que la fixation du pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01209