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16/04/2025 | FRANCE | N°23LY01806

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 16 avril 2025, 23LY01806


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 105 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite d'un tir de projectile de lanceur de balles de défense lors d'une opération de maintien de l'ordre à Lyon le 20 juillet 2019.



Par jugement n° 2110065 du 31 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistré

s le 26 mai 2023 et le 13 février 2025, M. A..., représenté par Me Noël, demande à la cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 105 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite d'un tir de projectile de lanceur de balles de défense lors d'une opération de maintien de l'ordre à Lyon le 20 juillet 2019.

Par jugement n° 2110065 du 31 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mai 2023 et le 13 février 2025, M. A..., représenté par Me Noël, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 105 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité sans faute de l'Etat pour risques exceptionnels est engagée à raison de l'envoi d'un projectile par un lanceur de balle de défense, cet engin constituant une arme dangereuse et lui-même ayant la qualité de tiers à l'opération de maintien de l'ordre ;

- à titre subsidiaire, il peut se prévaloir du régime de responsabilité sans faute sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, dès lors que l'invocation de ce régime est d'ordre public ;

- il est établi que sa blessure résulte d'un tel tir ;

- il est fondé à demander la réparation du préjudice professionnel, à hauteur de 20 000 euros, de déficits fonctionnels temporaire et permanent, à hauteur de, respectivement, 10 000 euros et 55 000 euros, d'un préjudice esthétique permanent à hauteur de 5 000 euros, des souffrances endurées à hauteur de 10 000 euros et du préjudice d'agrément à hauteur de 5 000 euros.

Par mémoire enregistré le 23 janvier 2025, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 76 699,11 euros au titre des prestations servies à M. A... et 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de l'Etat pour risques exceptionnels est engagée à raison de l'envoi d'un projectile par un lanceur de balle de défense, cet engin constituant une arme dangereuse et M. A... ayant la qualité de tiers à l'opération de maintien de l'ordre ;

- la responsabilité sans faute de l'Etat est également engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;

- elle est fondée, sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à demander le remboursement des prestations servies à son assuré, à hauteur de 76 699,11 euros et de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par mémoire enregistré le 6 février 2025, le ministre de l'intérieur demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que :

- la responsabilité sans faute de l'Etat pour risques exceptionnels ne saurait être engagée dès lors qu'il n'est pas établi que la blessure a été occasionnée par un projectile tiré par un lanceur de balle de défense ;

- l'Etat n'a commis aucune faute ;

- en tout état de cause, l'intéressé a commis une faute de nature à exonérer complètement l'Etat de sa responsabilité ;

- pour le surplus, il s'en remet au mémoire en défense produit par la préfète du Rhône en première instance.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrégularité du jugement attaqué, faute de mise en cause de la caisse de sécurité sociale d'affiliation de M. A..., requise en application de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code pénal ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 23 décembre 2024 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de Mme D...,

- et les observations de Me Noël pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 juillet 2019, à 1h44, M. A..., né le 15 mars 1999, a été blessé à l'œil droit par un projectile alors qu'il se trouvait quai Gailleton, à Lyon, après la victoire de l'équipe d'Algérie lors du match de football de la finale de la coupe d'Afrique des Nations. Imputant cette blessure, à l'issue de laquelle il a perdu l'usage de l'œil, à un projectile tiré par un lanceur de balle de défense par un policier municipal intervenant dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre, M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat, sur le fondement de sa responsabilité sans faute du fait de l'utilisation par les forces de police de dispositifs comportant des risques exceptionnels, à réparer le préjudice ainsi subi à hauteur d'une somme totale de 105 000 euros. Il relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun (...) ". Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident, doit appeler la caisse en la cause. La méconnaissance des obligations de mise en cause entache le jugement d'une irrégularité que le juge d'appel doit, au besoin, relever d'office.

3. Il ressort des pièces du dossier produites de première instance que M. A... avait la qualité d'assuré social. En application des dispositions citées au point 2, il appartenait au tribunal, saisi par M. A... d'une demande tendant à la réparation de son préjudice corporel, de communiquer celle-ci à la caisse de sécurité sociale à laquelle il était affilié. En s'en abstenant, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et, après avoir régulièrement mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, de statuer immédiatement sur les conclusions de M. A....

Sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat :

En ce qui concerne le régime de responsabilité du fait des risques exceptionnels pour les personnes et les biens qui découlent de l'usage d'armes ou engins dangereux :

5. Il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport établi le 13 juillet 2022 par un expert en balistique, après reconstitution sur les lieux en présence du requérant et du policier municipal auquel ce dernier impute le tir et avec le recours de l'engin utilisé le jour des faits, que le projectile lancé par le policier est retombé à une distance de 17,60 mètres alors que M. A... se trouvait, le jour de l'accident, à une distance de 57,72 mètres du tireur. L'expert indique que la distance de 17,60 mètres couverte par le projectile est conforme à celle constatée lors des essais effectués en laboratoire, lesquels démontrent qu'au-delà d'une distance de dix mètres, les balles amorcent leur chute et qu'au-delà de 20 mètres, la perte d'énergie est quasi-totale. Si la blessure du requérant a été qualifiée de " pleinement compatible " avec l'impact d'une balle de défense par un médecin légiste, le 20 août 2020, cette hypothèse n'a pas été formulée comme la seule possible et a d'ailleurs été infirmée, d'une part, par l'enquête balistique ayant permis d'établir qu'aucun policier n'a fait usage de lanceur à une portée permettant de blesser M. A..., d'autre part, par l'expertise judiciaire ophtalmologique dont il ressort qu'une telle blessure pouvait avoir été provoquée par le jet violent d'objets contondants, tels que des bouteilles en verre. Enfin, il résulte de l'instruction, et, notamment, du compte-rendu d'opération établi par la direction départementale de la sécurité publique du Rhône ainsi que du procès-verbal d'exploitation des images de vidéo-surveillance, que les forces de l'ordre ont subi des jets de projectiles et, notamment, de boules de pétanque d'un groupe d'une cinquantaine d'individus situés, au moment même des faits, devant l'hôtel Sofitel, à proximité immédiate du lieu où M. A... a été blessé. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la blessure de M. A... a été occasionnée par un tir de lanceur de balle de défense. Il s'ensuit qu'à défaut de lien entre l'usage du lanceur de balles de défense et sa blessure, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée du fait des risques exceptionnels pour les personnes et les biens qui découlent de l'usage d'armes ou engins dangereux.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat en réparation des dommages résultant des attroupements et rassemblements :

6. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ". Cette responsabilité s'étend à la réparation des dégâts et dommages provoqués par l'intervention des forces de l'ordre contre les membres d'attroupements ou rassemblements.

7. Si M. A... a été blessé en marge d'affrontements opposant les forces de l'ordre à des émeutiers, il ne résulte pas de l'instruction que les troubles à l'ordre public auraient, en l'espèce, présenté un caractère prémédité, alors notamment qu'il résulte du compte-rendu opérationnel que les émeutiers, rassemblés de façon spontanée, lançaient sur les forces de l'ordre des projectiles qu'ils avaient prélevés sur place, et, en particulier, des boules de pétanque et des bouteilles de bière. Dès lors, le dommage causé à M. A... doit être regardé comme résultant d'agissements délictueux commis à force ouverte par des participants à un attroupement, au sens des dispositions précitées. La responsabilité sans faute de l'Etat est ainsi susceptible d'être engagée sur le fondement des dispositions citées au point 6.

8. Il résulte de l'instruction, et, notamment, du procès-verbal d'exploitation des images de vidéo-surveillance ainsi que de l'audition de l'intéressé par les services de police, que M. A..., arrivé dans le centre-ville de Lyon pour " fêter la victoire ", selon ses indications, près de trois heures avant d'être blessé, se trouvait, dans les minutes précédant le coup qu'il a reçu, à proximité immédiate d'un groupe d'émeutiers, qu'il courait dans la même direction que les membres de ce groupe et qu'une image le montre écartant les bras comme s'il lançait un projectile. S'il n'est pas établi qu'il a effectivement pris part aux jets de projectiles, M. A..., en se maintenant à proximité d'émeutiers, sans chercher à aucun moment à se soustraire aux affrontements en quittant définitivement les lieux, alors que ce secteur de la ville de Lyon connaissait depuis plusieurs heures des heurts entre forces de l'ordre et groupes de personnes lançant divers projectiles, commettant des actes de vandalisme notamment contre du mobilier urbain et ayant pillé plusieurs commerces et restaurants situés à proximité, et en s'exposant, en conséquence, à une situation particulièrement dangereuse, a fait preuve, à tout le moins, d'une grande imprudence. Dans ces conditions, M. A... a commis une faute à l'origine de son dommage susceptible d'exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 70 % la part de responsabilité de M. A... dans la survenance de son dommage.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat invoquée à titre subsidiaire :

9. L'examen des causes juridiques invoquées à titre principal par le requérant ne donnant pas lieu à ce qu'il soit entièrement fait droit à sa demande, il convient d'examiner la responsabilité de l'Etat pour faute, invoquée à titre subsidiaire.

10. Lorsque les dommages ont été subis par des personnes ou des biens visés par une opération de maintien de l'ordre, l'Etat ne peut être tenu pour responsable que lorsque le dommage est imputable à une faute commise par les agents du service dans l'exercice de leurs fonctions. Cette responsabilité ne peut être engagée que pour faute lourde.

11. Aux termes de l'article 431-3 du code pénal : " Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public. Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure ".

12. Il ne résulte pas de l'instruction que la blessure de M. A... a été occasionnée par un tir de lanceur de balle de défense. Il n'est pas allégué que sa blessure aurait pour origine une autre intervention des forces de l'ordre. Il s'ensuit qu'à défaut de lien entre l'usage du lanceur de balles de défense et sa blessure, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute de service ou faute personnelle des forces de l'ordre.

Sur l'indemnisation des préjudices fondée sur la responsabilité sans faute du fait des attroupements :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de M. A... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :

13. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou, le cas échéant, de ce que cette responsabilité n'est engagée que dans la limite d'une perte de chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

S'agissant des dépenses de santé actuelles :

14. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'état détaillé des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et d'une attestation d'imputabilité établie le 10 novembre 2022 par son médecin conseil, que cette caisse a exposé, antérieurement au 25 juin 2020, date de la consolidation de l'état de santé de M. A..., des frais d'hospitalisation, de soins médicaux et pharmaceutiques et d'appareillage en lien avec l'accident s'établissant, après application d'une franchise, à la somme de 11 846,35 euros.

15. En revanche, M. A... n'établit pas avoir exposé des frais non pris en charge par l'assurance maladie.

16. Le total des dépenses de santé actuelles s'élève à la somme de 11 846,35 euros. Compte tenu du fait de la victime exonérant l'Etat de sa responsabilité à hauteur de 70 %, ce dernier est soumis à une obligation de réparation à hauteur de 3 556,90 euros. En application du principe rappelé au point 13, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 556,90 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

S'agissant des dépenses de santé futures :

17. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord.

18. Il résulte de l'instruction que le remplacement périodique de la prothèse oculaire de M. A... entraînera des dépenses de santé à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône consistant en des frais de consultation d'ophtalmologie, des frais pharmaceutiques et des frais d'appareillage, d'un montant de 876,50 euros, exposés à l'issue d'une période de deux ans, puis tous les six ans, selon la périodicité retenue par l'expert et non contestée. A défaut d'accord de l'Etat, les dépenses de santé futures ne peuvent être mises à sa charge sous la forme d'un capital représentatif.

19. La consolidation ayant été fixée au 25 juin 2020, il suit de là qu'à la date de l'arrêt, les dépenses de santé futures s'élèvent à 876,50 euros.

20. S'agissant de la période postérieure à l'arrêt, les frais futurs s'élèveront à la somme de 876,50 euros au 22 juin 2028, puis à ce même montant au terme de chaque période de six ans.

21. Il y a lieu, par suite, de condamner l'Etat à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ces frais, après prise en compte de la faute de la victime, à hauteur de la somme de 262,96 euros au titre des dépenses exposées jusqu'à la date du présent arrêt. S'agissant de la période postérieure à l'arrêt, il y a lieu de condamner l'Etat à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, après prise en compte de la faute de la victime, la somme de 262,96 euros au 22 juin 2028 puis cette somme tous les six ans.

S'agissant des pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle :

22. Il résulte de l'instruction que, du 20 juillet 2019 au 25 juin 2020, date de la consolidation de son état de santé, telle que déterminée par l'expert judiciaire, M. A..., qui exerçait une activité salariée en qualité d'intérimaire pour un salaire déclaré de 1 500 euros mensuels, a subi deux hospitalisations, du 20 au 23 juillet 2019 et du 14 au 28 novembre 2019, et a été placé en arrêt de travail du 11 décembre 2019 au 17 mars 2020. Les pertes de gains professionnels pour cette période s'élèvent à la somme de 6 400 euros. Toutefois, M. A... a également perçu des indemnités journalières de la part de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, d'un montant de 1 262,24 euros. Dans ces conditions, la perte de gains professionnels nette s'élève à 5 137,76 euros. En appliquant le taux de la faute de la victime de 70 %, l'Etat est redevable au titre des pertes de gains professionnels d'une somme de 1 541,32 euros. En vertu du droit de préférence rappelé au point 13, il y a lieu d'accorder cette somme à M. A..., et de rejeter l'intégralité de la demande présentée à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial de M. A... :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

23. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que M. A... a subi, entre l'accident le 20 juillet 2019 et la date de consolidation, fixée au 25 juin 2020, un déficit fonctionnel temporaire total de sept jours, correspondant aux deux périodes d'hospitalisation, et un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 40 % du 24 juillet 2019 au 11 novembre 2019 et du 15 novembre 2019 au 25 juin 2020, soit durant trois cent trente-trois jours. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nature et aux effets de la blessure subie, il y a lieu de fixer à 16 euros par jour le montant de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total, soit 112 euros. Il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport d'expertise médicale, que la blessure de l'intéressé ne l'a pas privé, par la suite, de la possibilité de poursuivre sa pratique sportive, qu'il a pu reprendre une activité professionnelle et que s'il fait état d'une rupture amoureuse, la relation dont il se prévaut était, de son aveu même, récente et intermittente. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer à 5 euros par jour le déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 40 %, soit 1 665 euros, portant le montant total à 1 777 euros. Il s'ensuit qu'en appliquant à ce montant le taux de la faute de la victime de 70 %, l'Etat doit être condamné à indemniser M. A... à raison du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 533,10 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

24. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'intensité des souffrances endurées a été évaluée à 5/7 pendant 2 jours, puis 3/7 pendant huit jours, et enfin 1/7 pendant six mois. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 2 000 euros le montant des souffrances endurées par M. A.... En appliquant le taux de la faute de la victime de 70 %, le requérant est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 600 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

25. Le déficit fonctionnel permanent de M. A..., qui était âgé de 21 ans à la date de consolidation de son état, a été évalué par l'expert à 26 %. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 55 000 euros le montant du déficit fonctionnel permanent de M. A.... En appliquant le taux de la faute de la victime de 70 %, le requérant est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 16 500 euros.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

26. Le préjudice esthétique permanent de M. A... a été évalué à 1/7 par l'expert, qui relève notamment la qualité de la prothèse et la discrétion du résultat. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 1 000 euros le montant du préjudice esthétique permanent de M. A.... En appliquant le taux de la faute de la victime de 70 %, le requérant est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 300 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

27. Il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport d'expertise, que M. A... n'a pas été mis dans l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs qu'il exerçait avant l'accident, l'expert relevant notamment la possibilité pour les monophtalmes de pratiquer le football. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice d'agrément qu'il invoque.

28. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande, et à demander la condamnation de l'Etat, sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait des attroupements, à lui verser la somme totale de 19 474,42 euros. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône est quant à elle fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 819,86 euros au titre des dépenses de santé exposées jusqu'à la date du présent arrêt ainsi que la somme de 262,96 euros au 22 juin 2028 puis cette somme tous les six ans.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

29. L'Etat étant condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme indiquée au point 28, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 23 décembre 2024, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de l'indemnité forfaitaire de gestion, soit une somme de 1 212 euros.

Sur la charge des dépens de première instance :

30. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ".

31. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, les frais et honoraires de l'expertise médicale, taxés et liquidés à la somme de 3 293 euros.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés, respectivement, par M. A... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2110065 du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 19 474,42 euros.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 3 819,86 euros au titre des dépenses de santé exposées jusqu'à la date du présent arrêt ainsi que la somme de 262,96 euros au 22 juin 2028 puis cette somme tous les six ans, et la somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise médicale, liquidés à la somme de 3 293 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.

Article 5 : L'Etat versera à M. A... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 1500 euros, chacun en ce qui le concerne, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01806
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-02-01-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute. - Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique. - Dommages imputables à des choses, des activités ou des ouvrages exceptionnellement dangereux. - Méthodes et activités dangereuses.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23ly01806 ?
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