Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400979 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2024, Mme B... C..., représentée par Me Lawson- Body, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de huit jours, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois et, dans l'attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les décisions de refus de titre de séjour, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an sont entachées de défaut de motivation ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de production de l'avis du 10 janvier 2023 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est disproportionnée ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont illégales, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de la Loire, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les observations de Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité algérienne, née le 18 juin 1955 à Saint-Etienne, est entrée pour la dernière fois sur le territoire français le 7 mai 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C, valable à partir du 28 avril 2019, délivré par les autorités françaises. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 avril 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis elle a demandé, le 28 novembre 2022, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 8 novembre 2023, le préfet de la Loire a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 2 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, Mme C... reprend en appel les moyens tirés du défaut de motivation entachant les décisions de refus de titre de séjour, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an qu'elle avait invoqués en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon aux points 3, 10 et 13 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens, dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour (...) au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. À défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ".
4. D'une part, si l'arrêté attaqué vise un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 janvier 2023, la décision de refus de titre de séjour mentionne un avis de ce collège de médecins du 8 mars 2023, qui a été produit en première instance par le préfet de la Loire. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
5. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la décision de refus de titre de séjour, que le préfet de la Loire s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis rendu le 8 mars 2023 par le collège des médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. Enfin, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Par un avis du 8 mars 2023, sur lequel s'est fondé le préfet de la Loire pour prendre la décision en litige, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que cet état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est atteinte d'une cardiopathie ischémique, qu'elle a fait l'objet les 23 septembre et 9 novembre 2022 respectivement d'un double pontage coronarien à cœur battant et d'une angioplastie avec implantation d'un stent actif, qu'elle est également atteinte d'un diabète de type 1 multicompliqué à haut risque cardio-vasculaire, pour lesquels elle bénéficie de suivis cardiologique, oculaire, rénaux et d'un traitement médicamenteux important. Si un document médical d'un médecin algérien indique que Mme C... a été orientée en France pour sa pathologie cardiovasculaire, qu'elle doit rester sous surveillance du chirurgien qui l'a opérée afin de prévenir une complication cardiaque, un rapport médical établi le 9 février 2023 par le centre hospitalier de Saint-Etienne mentionne qu'il existe une nette amélioration échographique après la modification thérapeutique. Par ailleurs, s'il ressort d'attestations de quatre pharmacies établies en Algérie que les traitements Duoplavin, Bisoprolol, Eupressyl, Uvedose, Tresiba, et le capteur freestyle libre, ne sont pas commercialisés dans certaines de ces pharmacies, ces attestations ne démontrent pas que tous ces traitements et ce capteur ne seraient pas commercialisés dans chacune de ces pharmacies, ni que des traitements équivalents ne seraient pas disponibles en Algérie, alors qu'il ressort d'un certificat médical du 15 mars 2023 du centre hospitalier de Saint-Etienne que le diabète a été diagnostiqué depuis 1992. Les extraits d'un reportage de franceinfo cités par la requérante à propos de la situation au centre hospitalier d'Alger, qui font état de manière générale d'un manque de médicaments et d'équipements, ne suffisent pas à démontrer une absence de médicaments qui lui sont prescrits dans les pharmacies de son pays d'origine, ni un défaut de suivis médicaux dont bénéficie en France Mme C..., laquelle ne produit pas, par ailleurs, le rapport de l'Organisation des Nations-Unies, les rapports internationaux et la presse internationale qu'elle invoque. Enfin, le certificat médical du médecin généraliste qu'elle produit se limite à mentionner qu'un voyage en avion est incompatible avec l'état de santé de Mme C..., sans autre précision. Par conséquent, eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'appelante ne remet pas en cause le bien-fondé de l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et par le préfet de la Loire sur la possibilité pour elle de bénéficier d'une prise en charge appropriée de son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si Mme C... est née en France et qu'elle y a séjourné de 1970 à 1978, elle est partie en Algérie où elle s'est mariée le 18 août 1979 et démontre seulement avoir séjourné à nouveau en France en juillet 2007 puis à partir de mai 2019. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... a vécu la majeure partie de son existence en Algérie où elle ne peut être dépourvue de toute attache personnelle. Par ailleurs, il résulte du point 7 du présent arrêt que la requérante peut effectivement bénéficier de suivis médicaux et de médicaments dans son pays d'origine, et elle ne démontre pas qu'une évolution de son état de santé pourrait nécessiter dans l'avenir une nouvelle hospitalisation en France, alors qu'un rapport médical établi le 9 février 2023 par le centre hospitalier de Saint-Etienne mentionne qu'il existe une nette amélioration échographique après la modification thérapeutique. Mme C..., qui ne conteste pas qu'elle a fait l'objet le 31 mars 2020 d'un arrêté préfectoral portant mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée, ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française, en se bornant à faire état d'une quittance de loyer à son nom pour le seul mois d'août 2023, d'une inscription au lycée en France de septembre 1970 à octobre 1973, et avoir travaillé en France entre 1972 et 1976. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a cinq sœurs et deux frères, que deux sœurs sont de nationalité française, qu'une autre sœur a été titulaire d'un certificat de résidence valable de 2010 à 2020, il ressort toutefois du jugement de son divorce d'avec son ex-conjoint que la requérante a sept enfants, et elle ne démontre pas que ses enfants, ni que ses autres sœurs et ses frères, ne vivraient pas en Algérie. Dans ces conditions, en édictant l'arrêté attaqué, le préfet de la Loire n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur la situation personnelle de la requérante et du caractère disproportionné de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, doivent être écartés.
10. En quatrième et dernier lieu, d'une part, Mme C... reprend en appel les moyens tirés de l'exception d'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français qu'elle avait invoqués en première instance à l'encontre respectivement des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 8 et 11 du jugement.
11. D'autre part, la décision fixant le pays de destination n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme C... ne saurait utilement en tout état de cause exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Haïli, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Djebiri, première conseillère,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
X. Haïli
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY02719