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10/04/2025 | FRANCE | N°24LY02473

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 10 avril 2025, 24LY02473


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Serrurerie C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, la réduction des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2002185 du 28 juin 2024, le t

ribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé la SARL Serrurerie C... de la cotisation supplémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Serrurerie C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, la réduction des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2002185 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé la SARL Serrurerie C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013 à proportion de la réduction de la base imposable de 37 356 euros (article 2), et a rejeté le surplus de ses conclusions (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 août 2024, la SARL Serrurerie C..., représentée par Me Arnal-Yves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la réduction des impositions auxquelles elle demeure assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens, et mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rémunérations versées aux cogérants correspondent à un travail effectif, ne présentent pas de caractère excessif et sont engagées dans son intérêt ;

- l'assemblée générale des associés du 18 mars 2014 a approuvé les comptes et les rémunérations allouées aux cogérants, au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, lesquelles ont été appliquées pour les exercices suivants ;

- la décision collective des associés déterminant les rémunérations des cogérants peut intervenir après leur versement ;

- l'assemblée générale des associés du 26 novembre 2020 a approuvé les comptes annuels et les rémunérations allouées à chacun des gérants pour les exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015, et son procès-verbal a été couché sur le registre des assemblées générales.

Par un mémoire, enregistré le 4 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Serrurerie C..., dont le siège social se situe à Creuzier-le-Vieux (Allier), qui a débuté le 3 septembre 2012 son activité de travaux de menuiserie métallique, serrurerie, domotique, automatismes, contrôles d'accès, montes escaliers électriques, est cogérée par M. et Mme D... et B... C..., qui en détiennent chacun 50 % des parts sociales. Elle a fait l'objet en 2016 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 3 septembre 2012 au 30 septembre 2015, au terme de laquelle le vérificateur, d'une part, au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, en application de la procédure contradictoire, a remis en cause des charges de rémunérations des cogérants d'un montant total de 37 356 euros qu'il a réintégrées aux résultats déclarés de la société requérante, d'autre part, au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015, en application de la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66-2° et L. 68 du livre des procédures fiscales, a établi un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité, a constaté l'absence de dépôt de déclarations de résultats, a reconstitué les bénéfices réalisés en se fondant sur les produits et charges résultant du logiciel de gestion commerciale utilisé par la requérante, tout en excluant des charges de rémunérations des cogérants. En conséquence, l'administration fiscale a mis en recouvrement une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des intérêts de retard, la majoration de 10 % prévue au 1. a. de l'article 1728 du code général des impôts pour dépôt tardif de la déclaration de résultat de l'exercice 2013, la majoration de 40 % prévue au 1. b. de l'article 1728 de ce code pour non dépôt des déclarations de résultats des exercices 2014 et 2015 en dépit de mises en demeure, l'amende de 5 000 euros prévue à l'article 1729 D du même code pour défaut de remise des fichiers des écritures comptables des exercices clos en 2014 et 2015. La SARL Serrurerie C... ayant été placée en procédure de redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Cusset du 17 avril 2018, l'administration a remis le 11 juin 2018 les intérêts de retard et les amendes, ainsi que la majoration de 10 % par sa décision d'admission partielle de la réclamation de la société requérante du 29 septembre 2020. Par un jugement du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé la SARL Serrurerie C... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013 à proportion de la réduction de la base imposable de 37 356 euros correspondant aux rémunérations de M. et Mme C..., et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des majorations correspondantes. La SARL Serrurerie C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre (...). Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".

3. Aux termes de l'article 242 du code général des impôts : " (...) 2. Les personnes morales, sociétés et entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de fournir à l'administration, dans les trois premiers mois de chaque année, un état indiquant les conditions dans lesquelles leurs bénéfices sont répartis ou ont été distribués, à titre de rémunération de leurs fonctions ou de leurs apports, entre les associés en nom ou commandités, associés-gérants, coparticipants ou membres de leur conseil d'administration. (...) ". Aux termes de l'article 48 de l'annexe III à ce code : " (...) 3. Les gérants des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes sont tenus de fournir au service des impôts, en même temps que la déclaration prévue au 1 de l'article 223 du code général des impôts, un état indiquant : (...) 3° Le montant des sommes versées à chacun des associés pendant la période retenue pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, à titre de traitements, émoluments et indemnités, remboursements forfaitaires de frais ou autres rémunérations de leurs fonctions dans la société, et l'année au cours de laquelle ces versements ont été effectués. (...) ".

4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. Aux termes de l'article L. 223-26 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " Le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels établis par les gérants, sont soumis à l'approbation des associés réunis en assemblée, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice sous réserve de prolongation de ce délai par décision de justice. Si l'assemblée des associés n'a pas été réunie dans ce délai, le ministère public ou toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal compétent statuant en référé afin d'enjoindre, le cas échéant sous astreinte, aux gérants de convoquer cette assemblée ou de désigner un mandataire pour y procéder. Les documents visés à l'alinéa précédent, le texte des résolutions proposées ainsi que le cas échéant, le rapport des commissaires aux comptes, les comptes consolidés et le rapport sur la gestion du groupe sont communiqués aux associés dans les conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat. Toute délibération, prise en violation des dispositions du présent alinéa et du décret pris pour son application, peut être annulée. ". Aux termes de l'article R. 221-2 de ce code : " Toute délibération des associés est constatée par un procès-verbal qui indique la date et le lieu de réunion, les noms et prénoms des associés présents, les documents et rapports soumis à discussion, un résumé des débats, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes. Le procès-verbal est signé par chacun des associés présents. (...) ". Aux termes de l'article R. 221-3 du même code, applicable aux sociétés à responsabilité limitée en application de l'article R. 223-24 de ce code : " Les procès-verbaux prévus à l'article R. 221-2 sont établis sur un registre spécial tenu au siège social et coté et paraphé soit par un juge du tribunal de commerce, soit par un juge du tribunal judiciaire, soit par le maire de la commune du siège social ou un adjoint au maire, dans la forme ordinaire et sans frais. Toutefois, les procès-verbaux peuvent être établis sur des feuilles mobiles numérotées sans discontinuité, paraphées dans les conditions prévues à l'alinéa précédent et revêtues du sceau de l'autorité qui les a paraphées. Dès qu'une feuille a été remplie, même partiellement, elle est jointe à celles précédemment utilisées. Toute addition, suppression, substitution ou interversion de feuilles est interdite. (...) ".

6. La rémunération des gérants d'une société à responsabilité limitée est fixée soit dans les statuts, soit par une décision collective des associés réunis en assemblée générale.

7. Il résulte de l'article 17 - Gérance des statuts de la SARL Serrurerie C... du 13 août 2012, et de l'acte séparé à ces statuts désignant cogérants M. et Mme D... et B... C..., qui a été déposé au greffe du tribunal de commerce le même jour que ceux-ci, que la rémunération des cogérants n'est pas fixée par les statuts mais par une délibération des associés.

8. Si la SARL Serrurerie C... soutient que les rémunérations de M. et Mme D... et B... C..., qui ont été approuvées par l'assemblée générale des associés du 18 mars 2014 au titre de l'exercice clos en 2013, devaient s'appliquer aux exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015, il résulte de l'instruction que l'approbation des comptes annuels de l'exercice clos le 30 septembre 2013, qui ne peut concerner que cet exercice, porte seulement approbation des rémunérations allouées au cours de l'exercice écoulé, soit celui clos en 2013. Au demeurant, il résulte des comptes annuels aux 30 septembre 2014 et 2015, que la SARL Serrurerie C... a établi après sa vérification de comptabilité, qu'elle y a inscrit des rémunérations de 11 900 euros et de 14 400 euros pour la cogérante, 24 000 euros et 26 000 euros pour le cogérant, au titre respectivement des exercices clos en 2014 et 2015, et du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale des associés du 26 novembre 2020, qui a approuvé exactement ces sommes à titre de rémunérations pour ces deux exercices, que cette dernière assemblée générale n'a pas approuvé des compléments de rémunérations à celles prévues pour l'exercice clos en 2013. En outre, si la SARL Serrurerie C... se prévaut des délibérations de l'assemblée générale des associés du 26 novembre 2020 approuvant les comptes annuels et des rémunérations allouées à chacun des gérants au titre des exercices clos en 2014 et 2015, ces délibérations n'ont pas été adoptées dans le délai de six mois à compter de la clôture de ces exercices en méconnaissance de l'article L. 223-26 du code de commerce, sans qu'une prolongation de ce délai par décision de justice soit invoquée par la requérante, et elles ont par ailleurs été prises après la vérification de comptabilité de 2016 au terme de laquelle le vérificateur avait refusé d'admettre des charges de rémunérations, ainsi qu'après la décision d'admission partielle de la réclamation du 29 septembre 2020 qui rejette la déduction de charges de rémunérations. Enfin, le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du 26 novembre 2020, dont il n'est pas démontré qu'il serait établi sur un registre spécial tenu au siège social de la société requérante, comprend des feuilles mobiles non numérotées, non paraphées, ni revêtues du sceau d'un juge du tribunal de commerce, du tribunal judiciaire, ou du maire ou d'un de ses adjoints de la commune du siège social de la requérante, en méconnaissance de l'article R. 221-3 du code de commerce. Dans ces conditions, la SARL Serrurerie C... ne démontre pas que les sommes versées à ses cogérants, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, l'ont été à titre de rémunérations et qu'elles sont ainsi déductibles en tant que charges, sans qu'elle puisse utilement soutenir que ces sommes versées à M. et Mme D... et B... C..., par chèques ou virements bancaires, l'ont été pour un travail effectif et ne seraient pas excessives.

9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Serrurerie C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Serrurerie C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Serrurerie C... et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Haïli, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Djebiri, première conseillère,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2025.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

X. Haïli

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02473
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. HAILI
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;24ly02473 ?
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