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08/04/2025 | FRANCE | N°24LY01100

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 08 avril 2025, 24LY01100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme D... E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 23 août 2023 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2303337 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demand

e.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 17 avril 2024, Mme E... A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 23 août 2023 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2303337 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 avril 2024, Mme E... A..., représentée par Me Si Hassen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 23 août 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier et sérieux de sa situation ; la séparation physique avec son époux résulte de leurs modalités d'hébergement et ne caractérise pas une rupture de la vie commune avec ce dernier, qui dispose d'un titre de séjour sur le territoire français ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2024, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2025.

Mme E... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Mme E... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante angolaise née le 3 avril 1974, est entrée en France en mars 2017. Elle s'est maintenue sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile, et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " le 2 août 2022. Le 23 août 2023, elle a fait l'objet d'un arrêté du préfet de l'Yonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. Mme E... A... relève appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 août 2023 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort ni de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le préfet de l'Yonne, qui a pris en considération la situation familiale de Mme C... et notamment la présence sur le territoire français de son époux et de leurs quatre enfants, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante. Le moyen tiré du défaut d'examen sérieux doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Mme E... A... fait état de ce que sa vie privée et familiale se situe en France, où elle est présente depuis mars 2017 avec son époux et leurs quatre enfants nés en Angola en 1995, 2007 et 2010 et en France en 2022. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., présente en France depuis six ans et quatre mois à la date de la décision attaquée, n'a été autorisée à séjourner en France que dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 juin 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 septembre 2020. Elle s'est maintenue en situation irrégulière en France et n'a sollicité la régularisation de sa situation qu'en août 2022. Si elle justifie de la présence en France de son époux, il ressort des pièces du dossier qu'ils résident séparément, puisqu'ils étaient à la date de la décision attaquée hébergés par des structures différentes, Mme C... dans le département de l'Yonne et M. A... dans celui de l'Isère. Si une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 16 juillet 2024 a été délivrée à M. A... le 17 octobre 2023, celui-ci ne disposait pas d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision attaquée. Le fils aîné du couple, qui réside en France, est majeur et indépendant. En ce qui concerne les enfants mineurs, ils possèdent la nationalité angolaise comme leurs parents et leur scolarisation est insuffisante pour ouvrir un droit au séjour à leur mère. Mme C... a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans dans son pays d'origine, où elle ne conteste pas que résident encore sa mère et deux frères. Elle ne justifie pas d'une intégration particulière en France, où elle est hébergée et sans emploi. Dans ces circonstances, et alors même que Mme E... A... justifie d'efforts d'insertion sur le territoire français par la production d'attestations témoignant de son engagement associatif et de son implication dans l'éducation de ses enfants, la décision de refus de séjour ne porte pas à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

6. Les circonstances dont fait état Mme E... A..., tirées de la durée de sa présence en France et de celle de son époux, de la scolarisation de ses enfants mineurs et de l'intégration de son fils majeur dont le titre de séjour est en cours de renouvellement, sont insuffisantes pour constituer des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant son admission exceptionnelle au séjour. En outre, Mme E... A... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle ne comporte que de simples orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'appréciation dont ils disposent. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut en conséquence être accueilli.

7. En quatrième lieu, les circonstances dont fait état Mme E... A..., rappelées aux points 4 et 6, ne sont pas suffisantes pour entacher la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction présentées en appel doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'avocate de Mme E... A... demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme E... A... le versement d'une somme à l'État sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de l'Yonne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... A..., à Me Myriam Si Hassen et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La rapporteure,

G. B...La présidente,

A.-G. Mauclair

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 24LY01100 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01100
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SI HASSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24ly01100 ?
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