Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le maire de la commune de Tassin-la-Demi-Lune a refusé de lui accorder un permis de construire valant division pour la réalisation de trois maisons individuelles.
Par un jugement n° 2104556 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 avril 2021 et a enjoint au maire de la commune de Tassin-la-Demi-Lune de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2023, la commune de Tassin-la-Demi-Lune, représentée par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ;
2°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet méconnaît les dispositions de l'article 13.1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon applicable à la zone UE, en particulier en ce qu'il ne tient pas compte de la composition végétale de qualité à préserver et à mettre en valeur ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, en ce qu'il supprime un espace végétalisé de qualité et qu'il présente une ampleur et un gabarit démesurés par rapport à la morphologie urbaine du site dans lequel il s'insère.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2023, M. B..., représentée par Me Bichelonne, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Tassin-la-Demi-Lune le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les deux motifs de la décision de refus de permis de construire, tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 13.1 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UE et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, sont illégaux.
Par une ordonnance du 15 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- les observations de Me Masson, représentant la commune de Tassin-la-Demi-Lune,
- et les observations de Me Legendre, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 mai 2018, la SCI Aigas 88 a déposé un dossier de déclaration préalable tendant à la division en trois lots en vue de construire de la parcelle cadastrée ... située ... sur le territoire de la commune de Tassin-la-Demi-Lune (Rhône). Par un jugement n° 1808620 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté l'illégalité de la demande de pièces complémentaires adressée par courrier du 26 juin 2018, a annulé cette décision du 26 juin 2018 et a enjoint au maire de Tassin-la-Demi-Lune de procéder au réexamen de cette déclaration préalable. En exécution de ce jugement, le maire a adopté une décision de non-opposition à cette déclaration préalable, par arrêté du 7 janvier 2020. M. B... a déposé, le 10 novembre 2020, une demande de permis de construire valant division pour la réalisation de trois lots et la construction d'une maison d'habitation sur chacun de ces trois lots, sur l'une des parcelles issues de la division parcellaire de la parcelle cadastrée .... Par un arrêté du 19 avril 2021, le maire de Tassin-la-Demi-Lune a opposé un refus à cette demande, pour deux motifs, l'un tiré du non-respect des dispositions de l'article 13.1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon (PLU-H) applicable à la zone UE et l'autre de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. La commune de Tassin-la-Demi-Lune relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 avril 2021 et a enjoint au maire de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'article 13 UE du règlement écrit du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon (PLU-H), dans sa version applicable au litige, intitulé " Espaces libres et plantations ", comporte un point 13.1 " Objectifs ", ainsi rédigé : " Les abords de la construction doivent être traités avec un soin particulier afin de participer à son insertion dans le site, à l'amélioration du cadre de vie et à la gestion de l'eau. / Dans ce cadre, ces aménagements doivent tenir compte : / a. de la composition des espaces libres environnants, afin de participer à une mise en valeur globale de la zone ; / b. de la topographie et de la configuration du terrain, afin que leur composition soit adaptée ; / c. de la composition végétale du terrain préexistante dès lors qu'elle est de qualité, afin de la préserver et de la mettre en valeur ; / d. de la situation du bâti sur le terrain, afin de constituer un accompagnement. " Il comporte également un point 13.4 " Ensembles à protéger ", au sein duquel le point 13.4.3. précise : " Les espaces végétalisés à mettre en valeur, localisés aux documents graphiques, doivent faire l'objet d'une mise en valeur. A ce titre, les constructions, les aménagements de voirie, les travaux réalisés sur les terrains concernés doivent être conçus pour garantir la mise en valeur de ces ensembles paysagers. Leur destruction partielle est admise dès lors qu'elle est compensée pour partie par des plantations restituant ou améliorant l'ambiance végétale initiale du terrain. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice descriptive et de la comparaison du plan avant division et du plan de masse, que le projet va conduire à supprimer sept arbres présents sur la parcelle, pour les remplacer par sept arbres de haute tige, et que les espaces libres seront engazonnés et plantés.
4. D'une part, il n'est plus contesté en appel que, sous l'empire du document d'urbanisme dans sa version applicable au litige, le terrain d'assiette du projet ne comportait aucun espace végétalisé à mettre en valeur localisé par les documents graphiques du PLU-H. En tout état de cause, il ressort des dispositions précitées de l'article 13 UE du règlement du PLU-H que l'identification d'un espace végétalisé à mettre en valeur ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux ni à la destruction de la végétation présente sur le terrain.
5. D'autre part, les dispositions précitées du point 13.1 de l'article 13 UE du règlement du PLU-H exigent d'apporter un " soin particulier " au traitement des abords de la construction, et que les aménagements tiennent compte, notamment, de la composition végétale du terrain préexistante dès lors qu'elle est de qualité, afin de la préserver et de la mettre en valeur. Ce faisant, les auteurs du document d'urbanisme ont seulement entendu imposer la prise en compte d'une situation végétale qualitative, sans interdire de la supprimer pour la remplacer par un aménagement végétalisé équivalent. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain avant projet, sur lequel aucun espace végétalisé à mettre en valeur n'était, ainsi qu'il a été dit, identifié par les documents graphiques du PLU-H applicable, présentait une composition végétale " de qualité ", du fait de la présence de deux cèdres de haute tige dont ni l'état ni la hauteur ne sont précisés. Le terrain d'assiette du projet est majoritairement enherbé, sept arbres seulement étant présents sur le tènement, de manière disséminée, mis à part les deux cèdres, proches l'un de l'autre. En prévoyant la suppression de ces sept arbres, pour les remplacer par sept autres arbres de haute tige, implantés pour deux d'entre eux au sud-ouest du terrain et pour les cinq autres de manière alignée le long de la limite nord de la parcelle, c'est-à-dire en continuité de l'espace végétalisé à mettre en valeur identifié sur la parcelle contiguë au nord, le projet a tenu compte des éléments listés au point 13.1 précité de l'article 13 UE du PLU-H et ne méconnaît donc pas les dispositions de cet article. Dans ces conditions, le maire de Tassin-la-Demi-Lune ne pouvait pas légalement refuser le permis de construire sollicité pour ce motif.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "
7. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un site ou un paysage propre à fonder le refus opposé à une demande d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce site.
8. D'une part, l'opération projetée prend place au sein d'une zone d'habitat résidentiel, composé essentiellement de maisons individuelles, qui s'est majoritairement développé à l'ouest du chemin de l'Aigas, situé entre deux boisements conséquents repérés par les documents d'urbanisme, qui ne présente donc pas de qualité particulière autre que celle de constituer un secteur résidentiel situé à proximité de boisements, avec des maisons individuelles implantées sur des parcelles suffisamment spacieuses pour permettre un aménagement végétal de qualité. D'autre part, le projet consiste en la division d'un terrain actuellement non bâti en trois lots de 600, 600 et 679 m², en l'aménagement d'une voie de desserte et en la construction d'une maison individuelle avec garage d'une emprise au sol moyenne de 111 m² sur chacun de ces trois lots, pour une emprise au sol totale de 333,25 m², les espaces libres étant engazonnés et plantés de sept arbres en remplacement des sept supprimés. Il s'inscrit ainsi dans la vocation de la zone au sein de laquelle il s'implante, sans rupture avec la morphologie du bâti environnant. La seule circonstance que les parcelles divisées seront moins spacieuses que la moyenne des superficies constatées à proximité n'est pas suffisante, alors au demeurant qu'il n'est pas démontré ni même allégué que le coefficient d'emprise au sol du projet méconnaitrait le coefficient maximum autorisé dans cette zone ou même serait supérieur au coefficient d'emprise au sol des constructions situées à proximité, pour établir que le projet serait de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Enfin, la commune ne démontre pas la " sensibilité environnementale particulière " qui serait, selon elle, attachée à la parcelle assiette du projet, enherbée et comportant sept arbres implantés de manière disséminée sur le tènement. Dans ces conditions, le maire de Tassin-la-Demi-Lune ne pouvait pas légalement refuser le permis de construire sollicité en se fondant sur les dispositions précitées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tassin-la-Demi-Lune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 avril 2021 et a enjoint au maire de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la commune de Tassin-la-Demi-Lune soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
12. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Tassin-la-Demi-Lune une somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Tassin-la-Demi-Lune est rejetée.
Article 2 : La commune de Tassin-la-Demi-Lune versera à M. B... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tassin-la-Demi-Lune et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
Mme Claire Burnichon, première conseillère,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
La rapporteure,
G. MaubonLa présidente,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY02304 2