Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Veauchette s'est opposé à sa déclaration préalable de division en vue de construire un terrain constitué des parcelles cadastrées ... situées sur le territoire de la commune.
Par un jugement n° 2100443 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 16 octobre 2020 et a enjoint au maire de la commune de Veauchette de délivrer, au nom de la commune, à Mme B... une décision de non-opposition à sa déclaration préalable de division en vue de construire enregistrée le 25 septembre 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 août 2022, la commune de Veauchette, représentée par Me Pyanet-Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de jugement du 14 juin 2022 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et quant à l'appréciation de ce que le projet est de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse la réalisation du futur plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération ;
- l'arrêté en litige satisfait aux exigences posées par l'article L 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il n'a pas été fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet de division en vue de construire méconnait les dispositions de l'article R. 421-19 du code d'urbanisme en ce qu'un permis d'aménager était nécessaire ; ce motif peut être substitué aux motifs initiaux de la décision en litige ;
- les conditions pour prononcer un sursis à statuer sur la demande sont remplies, ce qui faisait obstacle à ce que le tribunal prononce toute injonction d'adopter une décision de non-opposition.
Par des mémoires enregistrés les 23 mars et 6 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Dandan, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Veauchette le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucune critique du jugement de première instance ;
- à titre subsidiaire, l'arrêté, qui ne permet pas d'identifier son signataire, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, est irrégulier en la forme ; le premier motif de la décision, tiré de l'insuffisance des conditions de sécurité de l'accès à la propriété, qui conduit à s'opposer à la déclaration préalable d'un projet qui améliore pourtant la visibilité de l'accès aux parcelles, méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; la demande de substitution de motif sollicitée ne pourra qu'être écartée dès lors que le projet en litige ne consiste absolument pas en la création d'un espace commun à deux lots mais au contraire correspond à la création d'un accès sur un seul des deux lots du projet ; en l'absence de projet de construction concret et surtout en l'absence d'éléments versés au dossier de déclaration préalable, la commune de Veauchette ne peut pas légalement considérer qu'un sursis à statuer serait fondé.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;
-les observations de Me Masson, représentant la commune de Veauchette et de Me Schmidt, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Veauchette relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le maire de la commune s'est opposé à la déclaration préalable de division en vue de construire, présentée par Mme B....
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments des parties, ont indiqué, de manière suffisamment détaillée, les motifs pour lesquels ils ont estimé que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration était fondé. Par ailleurs, en relevant que le projet ne prévoit la réalisation d'aucune construction et en écartant l'argumentation de la commune, pour s'opposer à toute injonction d'adopter une décision de non-opposition, tirée de ce que les conditions pour prononcer un sursis à exécution sur la demande sont remplies, les premiers juges ont indiqué avec suffisamment de précision le motif pour lequel il a été fait injonction au maire de la commune de Veauchette de délivrer à Mme B... une décision de non-opposition à sa déclaration préalable de division en vue de construire enregistrée le 25 septembre 2020. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté en toutes ses branches.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
5. L'arrêté du 16 octobre 2020 comporte, sous la mention des prénom, nom et qualité du maire, une signature illisible, à côté de laquelle a été apposé un tampon avec la mention des prénom, nom et qualité de la conseillère municipale adjointe à l'urbanisme. Contrairement à ce que soutient la commune, il ne peut être tenu pour établi, du seul fait que le tampon de l'adjointe figure sur l'arrêté en litige, que son signataire serait cette dernière alors au demeurant qu'il n'est fait état d'aucune délégation en vertu de laquelle elle aurait agi. Par suite, le signataire de l'arrêté du 16 octobre 2020 ne peut, en l'espèce, être identifié avec certitude, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
7. D'une part, il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient une opposition à déclaration préalable sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
8. D'autre part, il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
9. Pour s'opposer au projet de division de Mme B..., l'arrêté en litige retient, au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code d'urbanisme, que " la configuration de l'accès proposé ne garantit pas des conditions de sécurité suffisantes, les distances de visibilité étant limitées à gauche en sortant du terrain compte tenu de l'étroitesse de la voie et des murs de clôture existants ". En l'espèce, l'accès au terrain d'assiette du projet se fera par le chemin des Lièvres, lequel est une voie quasiment rectiligne d'au moins cinq mètres de largeur. Il ressort des pièces de la demande préalable que le projet prévoit, en lieu et place de l'accès existant immédiatement situé au droit du chemin des Lièvres, la création d'un nouvel accès situé le long de la limite sud du tènement, lequel sera implanté en recul de 4,45 mètres par rapport à la limite du terrain, créant ainsi une zone d'attente sécurisée pour les véhicules à l'entrée et à la sortie du terrain d'assiette, conformément aux prescriptions émises le 19 octobre 2020 par le service voirie de la communauté d'agglomération Loire Forez, qui a rendu un avis favorable au projet. Si la commune soutient que l'implantation de ce nouvel accès se situe dans un virage, il ressort néanmoins des plans et photographies versés au dossier que cet accès, situé dans la partie convexe de la courbe matérialisant la fin d'une longue ligne droite, bénéficie d'une visibilité suffisante pour assurer une insertion sécurisée des véhicules sur la voie publique, en dépit de la présence, à gauche de l'accès, du mur de clôture voisin, lequel n'est pas davantage un obstacle à une bonne visibilité. Par ailleurs, le trafic supplémentaire engendré par le projet litigieux ne sera que très limité. Enfin, Mme B... indique qu'un nouvel alignement du terrain par rapport à la voie publique sera proposé, que la partie du mur de clôture bordant la parcelle n° 412 au sud sera démolie et qu'un feu clignotant sera installé. Par suite, le maire ne pouvait se fonder sur la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour s'opposer au projet en litige.
10. En troisième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve, toutefois, qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
11. L'article L. 442-1 du code de l'urbanisme prévoit que : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière (...) ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ", et selon l'article L. 442-1-2 du même code : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots (...) ". Aux termes de l'article R. 421-19 du même code : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : / a) Les lotissements : / -qui prévoient la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement. Les équipements pris en compte sont les équipements dont la réalisation est à la charge du lotisseur (...) ", l'article R. 421-23 ajoutant que les lotissements non mentionnés à l'article R. 421-19 sont soumis à déclaration préalable.
12. En l'espèce, le périmètre du lotissement projeté comprend le lot A qui est le seul destiné à l'implantation future de bâtiments, le lot B étant en dehors du périmètre du lotissement. Dès lors, ce lotissement comprenant un seul lot ne saurait emporter la création de quelque voie, espace ou équipement commun que ce soit et, de ce fait, être soumis à la délivrance d'un permis d'aménager. La demande de substitution de ce motif présentée par la commune de Veauchette ne peut, dès lors, pas être accueillie.
13. En dernier lieu, la commune de Veauchette conteste l'injonction qui lui a été faite par le tribunal de délivrer, au nom de la commune, à Mme B... une décision de non-opposition à sa déclaration préalable de division en vue de construire enregistrée le 25 septembre 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
14. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et de l'article L. 424-3 du code d'urbanisme que lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'urbanisme délivrée dans ces conditions peut ensuite être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement.
15. En l'espèce, et ainsi qu'il a été dit, le motif tiré de la méconnaissance, par le projet en litige, des dispositions de l'article de R. 111-2 du code de l'urbanisme ne pouvait légalement être opposé à la demande de Mme B.... Par ailleurs, la demande de substitution de motif présentée par la commune et tirée de la méconnaissance, par le projet en litige, des dispositions de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme a été écartée. Enfin, ni les dispositions en vigueur à la date de la décision en litige ni la situation de fait existant à la date du jugement attaqué ne faisaient obstacle à la délivrance d'une décision de non-opposition à la déclaration préalable qui portait sur la seule division en vue de construire de parcelles, sans comporter de projet de construction. Par suite, la commune de Veauchette, qui se borne à soutenir que les conditions pour prononcer un sursis à statuer sur la demande de l'intéressée étaient remplies, sans faire état d'éléments de nature à faire obstacle au prononcé d'une injonction, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont enjoint au maire de délivrer à Mme B..., au nom de la commune, une décision de non-opposition à sa déclaration préalable de division en vue de construire, enregistrée le 25 septembre 2020.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que la commune de Veauchette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le maire s'est opposé à la déclaration préalable de division en vue de construire présentée par Mme B... et à enjoint à son maire de délivrer à Mme B... une décision de non-opposition à sa déclaration préalable de division en vue de construire, enregistrée le 25 septembre 2020.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Veauchette demande au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Veauchette une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Veauchette est rejetée.
Article 2 : La commune de Veauchette versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Veauchette et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,
M. Jean-Simon Laval, premier conseiller,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
La présidente-rapporteure,
A.-G. Mauclair L'assesseur le plus ancien,
J.-S. Laval
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 22LY02537 2