Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2024 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n° 2401300 du 2 juillet 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Vernet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 11 janvier 2024 ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer dans un délai de quinze jours à compter du présent arrêt une carte de séjour portant la mention " salarié " d'une durée d'un an renouvelable ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation, révélant une absence d'examen particulier et sérieux de la situation de M. A... ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, la préfète ayant exigé de M. A... qu'il démontre être isolé dans son pays d'origine alors que l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas cette condition ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, M. A... remplissant effectivement les conditions posées à l'article L. 435-3 du même code, à savoir un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance entre ses seize et dix-huit ans, une bonne intégration à la société française, suivre une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis au moins six mois et l'absence de liens effectifs dans son pays d'origine ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. A... justifie être impliqué dans sa formation et son contrat d'apprentissage, malgré d'importants problèmes de santé, de même qu'il justifie avoir établi ses attaches effectives en France, après avoir quitté son pays d'origine très jeune, où il n'a plus de liens avec sa famille ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception de l'illégalité des décisions refusant le titre de séjour et obligeant l'intéressé à quitter le territoire français.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Picard, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant guinéen né le 23 juin 2005, est entré sur le territoire français le 21 janvier 2022. Le 29 septembre 2023, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 11 janvier 2024, la préfète de l'Ain a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par un jugement du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé. L'intéressé demande à la cour d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté litigieux.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Le refus de titre de séjour, qui comporte les considérations de droit et de fait en constituant le fondement, est motivé et a été pris après examen complet et particulier de la situation de M. A....
3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. Si M. A... était inscrit, depuis le 28 août 2023, en certificat d'aptitude professionnelle " Production et service en restauration " et effectuait dans ce cadre, depuis le 2 octobre 2023, un apprentissage au sein de la cantine d'un collège, il ne suivait cette formation que depuis quatre mois et demi à la date de la décision de la préfète de l'Ain, n'ayant présenté sa demande de titre de séjour que le 29 septembre 2023. Par ailleurs, la scolarisation de l'intéressé du 9 mai 2022 au 5 juillet 2023 au sein du lycée Marcelle Pardé de Bourg-en-Bresse au titre de la mission de lutte contre le décrochage scolaire et en particulier du dispositif allophone, le diplôme, et les stages d'initiation/de découverte/d'observation en milieu professionnel également accomplis, ainsi que diplôme DELF A1 obtenu en juin 2023, ne constituent pas une formation destinée à apporter à l'intéressé une qualification professionnelle au sens de l'article L. 435-3 ci-dessus. Si l'intéressé fait également état, comme le mentionne le rapport de la structure d'accueil, d'une hospitalisation en raison de troubles d'ordre psychologique, il n'apporte pas davantage d'informations à ce sujet. Quant à l'absence de liens familiaux dans le pays d'origine, il n'en justifie pas. Dans ces circonstances, c'est sans commettre ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation que la préfète de l'Ain a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A....
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
7. La durée de présence en France de M. A..., qui est entré sur le territoire en 2022, n'était que de deux ans à la date du refus contesté. S'il ressort des pièces du dossier qu'il est impliqué dans sa formation de CAP et qu'il donne satisfaction dans le cadre de son apprentissage, il n'apparaît pas spécialement inséré sur le plan social, rien ne permettant de dire qu'il souffrait spécialement de problèmes d'ordre psychologique au moment de l'intervention du refus en litige. Enfin, il est célibataire et sans enfant, ne justifiant pas de l'absence d'attaches sociales ou privées, en particulier familiales, en Guinée, pays où il a passé la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait être retenue ici. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour à M. A... n'étant pas illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité par voie de conséquence.
9. En second lieu, et compte tenu de ce qui a été dit plus haut, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Les décisions précitées n'étant pas illégales, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'illégalité par voie de conséquence.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le président, rapporteur,
V-M. PicardLa présidente assesseure,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY03380
kc