Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C... et A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, chacun en ce qui les concerne, les arrêtés du 25 avril 2024 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n°s 2403429-2403430 du 18 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Djinderedjian, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, sous astreinte de cent euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer leur situation et, dans l'attente et les meilleurs délais, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen, fondé, tiré de ce que les interdictions de retour sur le territoire français sont fondées sur un motif entaché d'inexactitude matérielle des faits ;
- la demande de titre de séjour de M. B... n'a pas fait l'objet d'un examen préalable sérieux, alors que son état de santé qui s'est au surplus dégradé après l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- le préfet a méconnu les articles L. 425-9 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des observations enregistrées le 17 février 2025.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants arméniens, sont entrés en France le 10 décembre 2022. Après le rejet de leurs demandes d'asile par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 4 janvier 2024 qu'ils ont contestées devant la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie, par des arrêtés du 25 avril 2024, a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé, ainsi que son épouse, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 18 juin 2024 dont M. et Mme B... relèvent appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
Sur le refus de titre de séjour opposé à M. B... :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".
3. Dans son avis du 25 septembre 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. B..., qui souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale et est en attente d'une greffe, justifie une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. L'avis mentionne également que M. B... peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
4. En premier lieu, M. B... se prévaut de ce qu'un examen médical pratiqué le 29 janvier 2024 a révélé un anévrysme fusiforme de l'aorte abdominale pour laquelle est indiquée une intervention chirurgicale afin d'éviter une rupture de cette aorte. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait transmis cette information au préfet avant qu'il ne statue sur sa demande de titre de séjour, en vue notamment d'une nouvelle sollicitation de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit donc être écarté.
5. En second lieu, ni le courrier du 27 mai 2024 du ministre arménien de la santé indiquant que la transplantation de reins n'est pas pratiquée en Arménie, ni le rapport du 12 avril 2023 de l'organisation non gouvernementale " tu n'es pas seul " qui relève le coût élevé de ce traitement et le fonctionnement défectueux du système de santé arménien, produits par M. B..., ne permettent de remettre en cause l'existence d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine établie par la fiche " MedCoi " versée à l'instance d'appel par l'OFII. Si M. B... affirme qu'il ne disposerait pas de moyens suffisants pour financer son traitement en Arménie, il ne l'établit pas. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.
Sur les obligations de quitter le territoire français :
6. M. et Mme B..., âgés respectivement de 66 et 60 ans à la date des décisions portant obligation de quitter le territoire français contestées, séjournaient en France à cette date depuis seize mois seulement. Par suite et en l'absence d'obstacle à ce que la communauté de vie se poursuive hors du territoire français, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris ces décisions.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
7. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
8. Si M. et Mme B..., dont les demandes d'asile ont d'ailleurs été définitivement rejetées par des ordonnances du 31 mai 2024 du président désigné de la Cour nationale du droit d'asile, prétendent comme ils l'ont fait à l'appui de leurs demandes d'asile, qu'ils ont subi des violences à plusieurs reprises dans leur pays d'origine en lien avec le conflit dans le Haut-Karabakh, en raison du mariage de leur fille avec un ressortissant français de confession musulmane, et qu'ils y seraient en danger en cas de retour, cette allégation n'est assortie d'aucun commencement de preuves. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur les interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
9. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".
10. Les décisions d'interdiction de retour contestées se réfèrent à l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout en faisant état d'obligations de quitter le territoire français sans délai. La seule mention d'une absence de délai volontaire, alors que le préfet a accordé aux intéressés un délai, relève d'une simple erreur de plume et ne traduit nullement que les interdictions de retour sur le territoire français seraient fondées sur un motif entaché d'inexactitude matérielle des faits.
11. Pour les motifs exposés au point 6, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Savoie a porté au droit de M. et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il leur a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02052
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