Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 mars 2024 par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et l'a obligé à se présenter deux fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières.
Par jugement n° 2402727 du 12 avril 2024, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 26 juin 2024, M. A..., représenté par Me Paquet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté litigieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros Hors Taxe en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle ne repose pas sur un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 à une mesure d'éloignement inexécutée sous la sanction du régime antérieur à l'entrée en vigueur porte atteinte à une situation juridiquement constituée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les conclusions de Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais, relève appel du jugement du 12 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète du Rhône du 18 mars 2024 l'assignant à résidence.
2. En premier lieu, la préfète du Rhône, qui n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. A..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision qui est ainsi suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que la préfète du Rhône, qui n'était pas tenue de faire état de chacun des justificatifs et arguments produits à l'appui de la demande dont il était saisi, a, contrairement à ce que prétend M. A..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré (...) ", alors que dans sa rédaction antérieure, cet article disposait que l'obligation de quitter le territoire devait avoir été prise moins d'un an avant l'assignation à résidence. En l'absence de dispositions différant son entrée en vigueur, cette modification est entrée en vigueur le lendemain de la promulgation de la loi, soit le 28 janvier 2024.
5. Une obligation de quitter le territoire français antérieure de plus d'un an à la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2024 n'est pas privée d'effet, l'étranger demeurant toujours tenu de l'exécuter et ne se trouvant pas, pour ce motif, dans une situation juridique définitivement constituée qui le soustrairait à l'entrée en vigueur de l'allongement de la période ouverte à l'administration pour prononcer une assignation à résidence préparatoire à l'éloignement. Par suite, le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, prévu à l'article 2 du code civil, ne fait pas obstacle à l'édiction d'une assignation à résidence répondant aux conditions posées par la loi du 26 janvier 2024 afin d'assurer l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français ancienne de plus d'un an et de moins de trois ans, alors même que l'article L. 731-1, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle ladite mesure d'éloignement a été prise, enfermait dans un délai d'un an l'édiction d'une assignation à résidence. Il en résulte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté atteinte à une situation légalement acquise.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
7. Alors que l'arrêté litigieux se borne à interdire à M. A... de quitter les limites du département du Rhône sans autorisation et à lui prescrire de se présenter deux fois par semaine dans les locaux du service de la police aux frontières de Lyon, ce dernier ne justifie pas en quoi ces contraintes auraient pour effet de faire obstacle au respect de sa vie privée et familiale.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01854