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03/04/2025 | FRANCE | N°24LY00291

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 03 avril 2025, 24LY00291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. G... A... et Mme C... E... F... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2023 par lequel l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or a exercé le droit de préemption urbain délégué par Dijon Métropole sur l'immeuble situé 114 bis avenue Roland Carraz à Chenove.



Par une ordonnance n° 2302793 du 11 décembre 2023, le président de la première chambre du tribunal a, sur le fondement de l'article R. 222

-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande.



Procédure devant la cour



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... A... et Mme C... E... F... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2023 par lequel l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or a exercé le droit de préemption urbain délégué par Dijon Métropole sur l'immeuble situé 114 bis avenue Roland Carraz à Chenove.

Par une ordonnance n° 2302793 du 11 décembre 2023, le président de la première chambre du tribunal a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 février 2024, M. A... et Mme E... F..., représentés par Me Giudicelli, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2023 de l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que l'arrêté contesté méconnaît le c) de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme, la maison d'habitation préemptée ayant été bâtie moins de quatre ans auparavant et que c'est à tort que le président de la première chambre du tribunal a considéré qu'ils ne soulevaient aucun moyen assorti de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2024, l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or, représenté par Me Buffet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... et Mme E... F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête n'est ni recevable ni fondée, les appelants ne critiquant pas le motif de rejet par le premier juge ;

- le moyen qu'ils soulèvent n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nectoux, représentant l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme E... F... ont signé le 10 juin 2023 un compromis de vente avec M. D... et Mme B..., portant sur l'acquisition d'une maison d'habitation. Une déclaration d'intention d'aliéner a été adressée à la métropole " Dijon Métropole ", qui l'a reçue le 12 juillet 2023. Par un arrêté du 12 septembre 2023, l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or a exercé le droit de préemption urbain délégué par Dijon Métropole sur la maison d'habitation en cause. M. A... et Mme E... F... relèvent appel de l'ordonnance du 11 décembre 2023, prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. / (...). ".

3. Pour rejeter la requête de M. A... et Mme E... F..., le premier juge, estimant que le moyen qu'ils soulevaient était dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, s'est fondé sur le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Ce faisant, il a rejeté au fond la demande. Par suite, l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que la requête d'appel serait irrecevable, faute pour M. A... et Mme E... F... de contester une irrecevabilité qui leur aurait été opposée.

4. En second lieu, la requête de M. A... et Mme E... F... en appel ne constitue pas la seule reproduction de leur demande de première instance et répond aux exigences de motivation qu'imposent les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...). ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. (...). ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 211-4 du code de l'urbanisme : " Ce droit de préemption n'est pas applicable : / (...) / c) A l'aliénation d'un immeuble bâti, pendant une période de quatre ans à compter de son achèvement ; / (...) / Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. ". Il résulte de ces dernières dispositions que le droit de préemption urbain n'est, sauf délibération motivée de l'autorité compétente, pas applicable à l'aliénation d'un immeuble bâti, pendant une période de quatre ans à compter de son achèvement, la date d'achèvement étant, d'après les dispositions de l'article R. 213-24 du même code, celle de la déclaration d'achèvement intervenue en application de l'article R. 460-1 de ce code et, en l'absence de déclaration, la preuve de l'achèvement pouvant être apportée par tout moyen.

7. Par une délibération du 19 décembre 2019, le conseil métropolitain de Dijon Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat et plan de déplacements urbains de Dijon Métropole et a instauré un droit de préemption urbain. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une délibération motivée aurait été prise afin d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au c) de l'article L. 211-4 précité du code de l'urbanisme.

8. M. A... et Mme E... F... soutiennent que la construction de la maison d'habitation dont ils se sont portés acquéreurs n'a été achevée qu'en 2021 et, sans être contredits, qu'aucune déclaration d'achèvement et de conformité des travaux n'a été réalisée, un tel document n'ayant par ailleurs pas été produit malgré une demande en ce sens adressée aux deux parties en appel. M. A... et Mme E... F... versent en revanche à l'instance un diagnostic réalisé par M. D... et Mme B... en vue de la vente de leur bien, qui mentionne l'année 2021 comme date de construction de la maison d'habitation. En première instance, ils ont produit une copie d'écran issue du site Google Street view datée d'octobre 2019, faisant apparaître que la maison n'était toujours pas achevée à cette date, faute, notamment d'enduit apposé sur la façade de la construction. L'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or ne conteste pas sérieusement ces pièces en se bornant à faire valoir que les requérants n'établissent pas leur allégation et alors qu'il n'a communiqué aucune observation en réaction à la mesure d'instruction adressée par la cour aux deux parties, en vue qu'elles produisent tout élément utile supplémentaire sur ce point. Dans ces conditions, la maison d'habitation sur laquelle cet établissement public a exercé le droit de préemption urbain doit être regardée comme ayant été bâtie moins de quatre ans avant l'arrêté contesté lequel, par suite, méconnaît les dispositions du c) de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme et doit être annulé.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme E... F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, qui doit être annulée, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Sur les frais du litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or la somme de 2 000 euros à verser à M. A... et Mme E... F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... et Mme E... F..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2302793 du 11 décembre 2023 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 12 septembre 2023 de l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or sont annulés.

Article 2 : L'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or versera 2 000 euros à M. A... et à Mme E... F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A..., à Mme C... E... F... et à l'établissement public foncier local des collectivités de Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

La rapporteure,

C. VinetLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la ministre chargée du logement, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00291

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00291
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : GIUDICELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ly00291 ?
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