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20/03/2025 | FRANCE | N°23LY02427

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 20 mars 2025, 23LY02427


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2001717 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.



Procédure devant l

a cour



Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 juillet 2023, le 25 janvier 2024 et le 21 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2001717 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 juillet 2023, le 25 janvier 2024 et le 21 mai 2024, M. et Mme C... D..., représentés par le cabinet GL conseils et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté leur requête en jugeant imposable, en tant que revenu distribué, la soulte inscrite au compte courant d'associé de M. D... ouvert au sein de la société Majaca ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de se prononcer sur la contestation de la majoration de 80 % pour abus de droit au titre de l'article 1729 B du code général des impôts ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que l'administration a fondé les rappels d'imposition sur la qualification de la soulte litigieuse en revenu réputé distribué selon l'article 120, 3° du code général des impôts, en lieu et place d'une plus-value soumise au régime de la plus-value tout comme la plus-value d'apport placée en report d'imposition ;

- la mise en œuvre desdites dispositions est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il a établi l'existence d'un support juridique d'une opération d'apport avec soulte et que l'administration ne démontre pas que les sommes en litige constituent un avantage consenti à son associé ;

- le versement de la soulte est justifié pour des raisons économiques de restructuration au titre de l'opération d'apport ;

- l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa version en vigueur avant la modification introduite par la loi de finance rectificative pour 2016, a consacré la liberté de décider l'émission d'une soulte et a défini un seuil de 10 % et que le bénéfice du report d'imposition n'est soumis à aucune autre condition que le respect de ce seuil, le législateur n'ayant entendu attribuer aucune finalité particulière à la soulte ;

- le paragraphe 170 de la doctrine publiée sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 du 4 mars 2016, par laquelle l'administration donne son interprétation des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts est illégal dès lors qu'il ajoute à la loi ;

- la soulte en litige n'a jamais été appréhendée de sorte que la taxation de la somme en revenus de capitaux mobiliers est erronée et en tout état de cause doit bénéficier du régime de report de plus-value pour l'intégralité de l'apport, y compris la soulte ;

- en réplique, ils prennent acte de la substitution de base légale opérée par l'administration et à supposer que la soulte est taxable, celle-ci le serait sur la base du régime des plus-values mobilières donnant droit aux abattements pour une durée de détention de 50 % ou 65 % selon la méthode " premier entré premier sorti " ;

- la majoration pour abus de droit au titre de l'article 1729 B du code n'est pas fondée, de sorte que seule la majoration de 40 % est applicable.

Par des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2023, 21 mars 2024 et 25 avril 2024 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en vertu des décisions du Conseil d'État du 31 mai 2022 n° 455349, n° 455807 et n° 454288, transposables au cas d'espèce, il convient de procéder à une substitution de base légale afin de taxer la somme litigieuse dans la catégorie des plus-values de cession mobilières ;

- elle entend par suite modifier la base légale retenue dans la proposition de rectification 2120-SD du 29 novembre 2017 pour la taxation de la soulte de 3 960 100 euros, en substituant aux dispositions du 3° de l'article 203 du code général des impôts, celles de l'article 150-0 A du même code, cette substitution ne privant d'aucune garantie le contribuable ;

- la demande de bénéfice de l'abattement de 65 % sur la plus-value réalisée n'est pas justifiée par le seul extrait du registre des actionnaires produit ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 21 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président assesseur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Colin, représentant les appelants ;

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme D... par Me Colin a été enregistrée le 21 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 novembre 2015, M. D... a créé la société Majaca SA, société de droit luxembourgeois ayant pour objet social la prise de participations dont il détenait 100 % du capital et était le dirigeant. Par un acte du 11 décembre 2015, M. D... a apporté à la société Majaca SA 141 actions de la société Provendis SA, société holding exploitant des supermarchés et hypermarchés qu'il détenait en pleine propriété et 109 actions de cette société dont il avait la nue-propriété, son père apportant l'usufruit. En contrepartie de l'apport des 141 actions, lequel a été valorisé à 28 591 980 euros, il a reçu 260 319 actions de la société Majaca SA en pleine-propriété pour une valeur globale de 26 031 900 euros ainsi qu'une soulte de 2 560 080 euros représentant 9,83 % de la valeur nominale des titres reçus. En contrepartie de l'apport des 109 actions, lequel a été valorisé à 15 892 120 euros, M. D... a reçu la nue-propriété de 207 030 actions de la société Majaca SA d'une valeur de 14 492 100 euros ainsi qu'une soulte de 1 400 020 euros représentant 9,66 % de la valeur nominale des titres reçus. A l'issue de cette opération, M. D... détenait 55,73 % en pleine propriété et 44,27 % en nue-propriété des titres de la société Majaca SA et a reçu une soulte d'un montant total de 3 960 100 euros qui a été inscrite au crédit de son compte courant d'associé ouvert dans cette société. La plus-value constatée lors de ces apports a été placée en report d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B ter du code général des impôts y compris la soulte dont le montant n'excédait pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, estimant que le choix de rémunérer l'apport des titres de la société Provendis SA à la société Majaca SA au moyen d'une soulte bénéficiant du report d'imposition était constitutif d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales a remis en cause le régime du report d'imposition appliqué à la soulte de 3 960 100 euros qu'elle a soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 3° de l'article 120 du même code. Les modalités de détermination de la plus-value en report d'imposition ont par ailleurs été rectifiées et son montant a été porté de 16 298 816 euros à 16 718 822 euros. En conséquence de ce contrôle, M et Mme D... ont été assujettis, au titre de l'année 2015, à un complément d'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ains qu'aux prélèvements sociaux. Par la présente requête, M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ne ressort pas de leurs écritures de première instance qu'à l'appui de leur demande aux fins de décharge des impositions et pénalités contestées, les requérants ont soutenu, par voie de conséquence ou par des moyens spécifiques, que la majoration de 80 % pour abus de droit appliquée sur le fondement de l'article 1729 B du code général des impôts n'était pas justifiée. Par suite, alors que les premiers juges se sont prononcés expressément sur les conclusions dont ils étaient saisis, dont celles tendant à la décharge des pénalités qu'ils ont visées, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour omission à statuer sur les pénalités dont s'agit.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la base légale :

3. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du contrôle de la déclaration de revenus de M. et Mme D... au titre de l'année 2015, l'administration fiscale a taxé le montant de la soulte dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 3° de l'article 120 du code général des impôts et réintégré dans les bases imposables au titre de l'année 2015. Toutefois, dans la mesure où l'administration fiscale n'a pas regardé comme constitutif d'un abus de droit l'opération d'apport elle-même mais seulement le choix de rémunérer l'apport au moyen d'une soulte bénéficiant du report d'imposition, la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit avait pour seule conséquence la remise en cause, à concurrence de la soulte, du bénéfice du report d'imposition de la plus-value d'apport et la soumission immédiate de celle-ci à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.

4. Le ministre intimé, qui reconnaît que la somme en litige ne pouvait légalement être soumise à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et aux prélèvements sociaux sur les produits de placement, demande à la cour de substituer à la base légale erronée du 3° de l'article 120 du code général des impôts les dispositions de l'article 150-0 A du même code permettant de soumettre à l'impôt sur le revenu les plus-values de cession de valeurs mobilières.

5. Aux termes du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2014 : " L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) / Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus (...) ". En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange.

6. Eu égard au nouveau fondement légal de l'imposition dont s'agit, le moyen des appelants tiré de l'absence de mise à disposition de la somme en litige doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'abus de droit :

7. Aux termes, d'une part, de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

8. En instituant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Si, dans la version du texte applicable au litige, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées.

9. Il résulte de l'instruction que, par la proposition de rectification n° 2120 du 29 novembre 2017 adressée à M. et Mme D..., l'administration fiscale a mis en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Par un avis du 30 novembre 2019, le comité de l'abus de droit fiscal a estimé que l'administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal, s'agissant de la soulte perçue par M. D... dans le cadre de l'opération d'apport de titres du 11 décembre 2015 placée sous le régime du report d'imposition, et à appliquer la majoration de 80 % prévue au b) de l'article 1729 du code général des impôts, dès lors que le contribuable devait être regardé comme ayant eu l'initiative principale des actes constitutifs de l'abus de droit et qu'il en avait, en outre, été le principal bénéficiaire. Dès lors que l'administration fiscale s'est conformée à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal, il incombe aux requérants d'établir que la rémunération partielle de l'apport au moyen d'une soulte n'était pas constitutive d'un abus de droit.

10. Il résulte de l'instruction que M. D..., dirigeant et seul associé de la société Majaca SA préalablement aux apports, a décidé de limiter l'augmentation de capital à 46 734 900 euros alors que la société recevait des apports d'un montant de 50 695 000 euros, sans justification juridique ou économique. Il résulte de l'instruction que M. D... a reçu la soulte en litige d'un montant de 3 960 100 euros par inscription de son montant au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans la société Majaca SA, société de droit luxembourgeois qu'il a créée. Dans le cadre de cette opération d'apport, M. D..., bénéficiaire de la soulte, est le seul décisionnaire de l'opération globale d'apport en sa qualité d'apporteur et membre du directoire de la société Provendis SA, et qu'il détient postérieurement aux opérations d'apport 100 % en pleine propriété ou en nue-propriété des parts de la société bénéficiaire de l'apport, qui n'a d'autre activité que la détention et la gestion patrimoniale des titres qui lui ont été apportés, sans qu'aucune difficulté résultant de la détermination d'une parité d'échange des titres ou autre déséquilibre justifiant le versement d'une soulte ne soient apparus. Si, pour contester la position de l'administration fiscale, les appelants font valoir que, la soulte prévue au seul bénéfice de M. D..., a entrainé la dilution de ses droits aux dividendes de la société Majaca SA au profit de son père, M. A... D..., il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté qu'en cas de rémunération exclusive sous la forme de titres de la société Majaca SA, M. D... était assuré de ne subir aucune dilution significative de sa participation dans le capital de cette société et qu'à l'issue des apports, l'intéressé conservait la majorité des droits de vote et des droits aux dividendes de la société Majaca. Par ailleurs, alors que les contrats de prêt, de cautionnement et de nantissement produits par les appelants devant la cour ne concernent pas la société Majaca SA et M. D..., en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le nantissement du compte courant de M. D..., réalisé le 12 décembre 2015 au profit de la société Provendis SA, dans le cadre du financement de l'acquisition par la société Majaca SA des titres par emprunt contracté auprès de cette dernière, intervenu postérieurement à l'opération d'apport du 11 décembre 2015 et alors que le remboursement de cet emprunt est majoritairement assuré grâce aux dividendes versés par la Provendis SA, la société prêteuse, constituait une garantie de remboursement partiel à cette société, ni davantage une circonstance déterminante pour la réalisation de l'opération de restructuration effectuée entre des sociétés intégralement détenues par les membres d'une même famille. Par suite, en l'absence de justification probante de l'intérêt économique pour la société, bénéficiaire de l'apport, de prévoir le versement d'une soulte, le paiement de cette soulte doit être regardé comme ne s'inscrivant pas dans le respect du but poursuivi par le législateur, nonobstant l'opération de restructuration réelle du groupe Provendis SA, mais comme caractérisant une appréhension des liquidités en franchise d'impôt. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, la partie appelante a recherché le bénéfice d'une application littérale de l'article 150-0 B ter du code général des impôts à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'ils auraient normalement supportées, fait constitutif d'un abus de droit. Dans ces conditions, la partie appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a, à concurrence du seul montant de la soulte, remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 précité du livre des procédures fiscales, le bénéfice du report d'imposition prévu à l'article 150-0-B ter du code général des impôts, sans qu'ils puissent utilement soutenir que cet article, dans sa version en vigueur avant la modification introduite par la loi de finance rectificative pour 2016, ne soumettait le bénéfice du report d'imposition à aucune autre condition que le respect du seul de 10 %.

11. Enfin, la documentation administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 n° 160 et n° 170 du 4 mars 2016, qui précise notamment que " l'administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal, prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, notamment d'imposer la soulte reçue, s'il s'avère que cette opération ne présente pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport, et est uniquement motivée par la volonté de l'apporteur d'appréhender une somme d'argent en franchise immédiate d'impôt et d'échapper ainsi notamment à l'imposition de distributions du fait de ce désinvestissement ", ne comporte aucune interprétation contraire à la loi fiscale. Par suite et en tout état de cause, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale a fait application d'une interprétation contraire à la loi fiscale pour justifier les impositions contestées.

En ce qui concerne l'application de l'abattement prévu par le 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts :

12. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1(...) Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés à l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7, 7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article (...). 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : a) 50 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ; b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution (...) ".

13. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si une opération entre dans le champ d'un régime d'imposition particulier.

14. Les appelants contestant l'absence de conséquences financières découlant de la substitution de base légale, dont ils prennent acte, demandent l'application de l'abattement de 50 % ou 65 % pour une durée de détention des titres apportés. Toutefois, la seule production d'une page du compte d'actionnaire de M. D... reprenant l'historique des titres apportés à la Majaca SA et de tableaux de calculs modifiés par leurs soins, en l'absence d'autres documents justificatifs des modalités de décompte faisant apparaître la date et la nature des opérations, ainsi que l'identification des titres acquis par transfert et donation et leur correspondance avec ceux des titres concernés cédés, ne saurait suffire à établir la durée et le caractère continu de la détention des titres cédés que les appelants doivent être en mesure de justifier pour prétendre à l'abattement en litige. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils peuvent prétendre à l'application des abattements prévus par le a) ou le b) du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mars 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02427
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COTAX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;23ly02427 ?
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