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20/03/2025 | FRANCE | N°23LY01709

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 20 mars 2025, 23LY01709


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. E... C... et Mme D... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 et, d'autre part, la décharge, à concurrence d'une réduction de l'assiette du revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de 15 000 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu acquittée

au titre de l'année 2016.



Par un jugement n° 2001016 du 24 mars 2023, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... et Mme D... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 et, d'autre part, la décharge, à concurrence d'une réduction de l'assiette du revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de 15 000 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu acquittée au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2001016 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2023 et le 2 juillet 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Durafourd, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 ;

3°) de prononcer, à concurrence d'une réduction de l'assiette du revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de 15 000 euros, la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu acquittée au titre de l'année 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'apporte pas la preuve de ce qu'ils auraient minoré leur déclaration d'impôt sur le revenu et il est démontré qu'ils ont effectivement déclaré avoir perçu des dividendes pour un montant de 25 000 euros au titre de l'année 2016 ;

- la somme litigieuse correspond à un remboursement d'apports et non à un revenu distribué, au vu de l'aveu judiciaire de l'administration fiscale, et il est démontré que la distribution de 50 000 euros intervenue en 2015 a absorbé l'intégralité des réserves fiscalement distribuables ;

- selon une jurisprudence constante en matière de réduction de capital par rachat de titres seul le montant perçu par un associé qui excède le coût d'acquisition de ses titres est susceptible de servir d'assiette à son imposition quand bien même existe-t-il des réserves pour un montant supérieur ;

- la demande par l'administration de substitution de base légale sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts porte atteinte aux droits de la défense alors qu'ils n'ont pas contesté le rappel d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 ;

- en outre, il est démontré qu'à la date du 29 septembre 2016, il n'existait plus de réserves fiscalement distribuables susceptibles de constituer l'assiette d'un revenu distribué et il appartient à l'administration ;

- dès lors que l'administration considère que, contrairement aux écritures comptables, la répartition doit être fiscalement imputée sur les réserves, elle doit tirer les conséquences de cette prise de position, de sorte que non seulement le redressement n'est pas fondé mais au surplus, ils ont déclaré à tort avoir perçu un montant de revenus de capitaux mobiliers d'au minimum 12 292 euros ;

- la cour prononcera la décharge des rappels de contributions sociales ainsi que les pénalités afférentes mis à leur charge en ce qu'ils excèdent une assiette de 6 413 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 23 novembre 2023 et le 1er octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut dans le dernier état de ses écritures au non-lieu à statuer partiel à hauteur de 5 393 euros et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- un dégrèvement de 5 393 euros a été prononcé le 2 octobre 2024 correspondant à la réduction de l'assiette des contributions sociales mises à leur charge au titre des revenus distribués de l'année 2016 ;

- la charge de la preuve pèse sur les requérants en application du 2ème alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;

- il y a lieu de procéder à une substitution de base légale dès lors que les sommes inscrites au crédit du compte-courant des contribuables constituent des revenus distribués au sens de l'article 109-1-2° du code général des impôts, la substitution ne privant les contribuables d'aucune garantie ;

- pour le surplus, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 septembre 2024, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu le 30 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- e code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., qui détenaient ensemble la totalité des parts de la SARL MB Conseil dont M. C... était le gérant, ont été assujettis à un complément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016 résultant de la réintégration dans leur revenu imposable d'une somme de 40 000 euros créditée sur le compte courant d'associé de M. C... que l'administration a soumise à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts avec application de l'abattement de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code. Par la présente requête, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge du complément d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 du chef de ce rehaussement et, d'autre part, à la décharge, à concurrence d'une réduction de leur base imposable de 15 000 euros, de l'imposition primitive à l'impôt sur le revenu établie au titre de cette année.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 2 octobre 2024, le directeur départemental des finances publiques a prononcé, à hauteur de 5 393 euros en droits et pénalités, des contributions sociales auxquelles les requérants ont été assujettis au titre de l'année 2016, au motif qu'en vertu de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, la fraction des revenus distribués excédant le seuil de 10 % des apports en capital et des sommes versées en compte courant détenu par M. C... n'était pas passible des contributions sociales assises sur les revenus du patrimoine. Les conclusions à fin de décharge des appelants sont, dans la mesure de ce montant, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu et les contributions sociales :

3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 112 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : 1° Les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d'apports ou de primes d'émission. Toutefois, une répartition n'est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis. (...) ".

4. En vertu de ces dispositions, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués, imposables, par suite, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année de leur inscription. Il résulte, par ailleurs, des dispositions du 1° précité de l'article 112 du code général des impôts qu'une répartition ne peut être regardée comme un remboursement d'apports exempté de l'impôt sur les bénéfices distribués que dans la mesure où son montant excède celui des bénéfices et réserves, autres que la réserve légale, figurant au bilan à la date à laquelle il y est procédé.

5. Il résulte de l'instruction que le capital initial de la SARL MB Conseil, constitué de 5 000 parts, était détenu par M. C... à hauteur de 80 %, soit 4 000 parts, et par Mme C..., à hauteur de 20 % soit 1 000 parts. Par deux délibérations du 28 septembre 2015 et du 29 septembre 2016, la société MB Conseil a procédé à une réduction de capital par voie de diminution de la valeur nominale de chaque part sociale et corrélativement, il a été mis à la disposition des associés un montant équivalent à cette réduction par inscription au crédit de leur compte courant. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2015, les associés ont décidé de réduire le capital social de la société de 50 000 euros, pour le ramener de 100 000 euros à 50 000 euros, par voie de diminution de la valeur nominale de chaque part sociale, de 20 euros à 10 euros et en contrepartie de cette diminution de capital, le compte courant d'associé a été crédité de 50 000 euros. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 29 septembre 2016, les associés ont décidé de réduire le capital social de ladite société de 40 000 euros, pour le ramener de 50 000 euros à 10 000 euros, par voie de diminution de la valeur nominale de chaque part sociale, de 10 euros à 2 euros. En contrepartie de cette diminution de capital, le compte courant d'associé a été crédité de 40 000 euros. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont déclaré dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour l'année 2016 une somme de 25 000 euros. L'administration fiscale a estimé que la somme de 40 000 euros inscrite sur le compte courant d'associés le 29 septembre 2016 constituait un revenu distribué imposable entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° de l'article 109-1 et de l'article 108 du code général des impôts. En l'absence de mention de cette somme dans la déclaration annuelle des revenus de 2016 de M. et Mme C..., l'administration fiscale a rajouté cette somme aux revenus de capitaux immobiliers déjà déclarés et imposés, en appliquant au revenu global rectifié imposable et pour le calcul de l'impôt sur le revenu, l'abattement de 40 % prévu au 2° de l'article 158-3 du même code compte tenu des décisions régulières des associées.

6. Le ministre intimé demande à hauteur d'appel le maintien de l'imposition de la somme de 40 000 euros dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers par substitution à la base légale initialement retenue des dispositions du 2° de l'article 109-1 du même code.

7. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par les appelants, que la réduction de capital de 40 000 euros dont s'agit n'était pas motivée par des pertes et qu'elle s'est traduite par une répartition, au profit de M. C..., d'une somme de 40 000 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé. Il résulte de l'instruction et n'est pas utilement contesté en l'absence d'éléments clairs et précis retraçant les apports des requérants, qu'à la date de la réduction de capital social en litige, le montant des apports initiaux restant incorporés au capital s'élève à 7 622,42 euros et que le montant global de l'excédent au quantum de la réserve légale, des autres réserves, du report à nouveau et des résultats non encore affectés, s'élève à 30 208,33 euros. Si les appelants font valoir que la distribution de 50 000 euros effectuée en 2015 aurait absorbé l'intégralité des réserves fiscalement distribuables, en tout état de cause, ils ne justifient pas que le capital restant de 50 000 euros en 2016 correspondrait à des apports effectués par M. C... pour un montant supérieur à ce montant d'origine de 7 622,42 euros. Ainsi, eu égard aux montants respectifs des apports et des réserves, autres que la réserve légale, figurant au bilan à la date à laquelle il a été procédé au remboursement de l'apport et dès lors qu'il est constant que les autres bénéfices et réserves n'avaient pas été auparavant réparties, la somme de 40 000 euros mise à la disposition de M. C... par voie d'inscription au crédit de son compte courant d'associé, doit être regardée comme une distribution irrégulière, imposable entre les mains de son bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 2° précité de l'article 109-1. Il ne résulte pas de l'instruction que lors des deux réductions de capital social en litige, à la date desquels le montant des apports restant incorporés au capital s'est stabilisé à 30 000 euros, les requérants détenaient 75 000 euros d'apport. Enfin, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir, à la faveur de la rectification de la répartition du capital d'un montant de 50 000 euros en revenu distribué opéré par l'administration au titre de l'exercice clos en 2015, d'un solde nul du poste " Autres réserves " pour remettre en cause le bilan de la clôture de l'exercice précédent, soit l'exercice clos le 31 décembre 2015 et contester le rehaussement en litige pour l'année 2016.

8. Il suit de là que la substitution de base légale demandée par le ministre intimé sur le fondement du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts, qui n'a privé d'aucune garantie les intéressés imposés selon la procédure contradictoire, doit être accueillie. La circonstance que les appelants n'ont pas contesté les impositions supplémentaires au titre de l'année 2015 opérées par l'administration fiscale sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du même code est à cet égard sans incidence sur la base légale de l'imposition établie au titre de l'année 2016. Le moyen tiré de ce que la somme de 40 000 euros ne serait pas imposable en vertu du 1° de l'article 112 du code général des impôts doit être écarté.

En ce qui concerne l'imposition primitive à l'impôt sur le revenu :

9. A l'appui de leur contestation de l'imposition primitive établie au titre de l'année 2016 pour un montant en base de 15 000 euros, les appelants font valoir qu'ils ont déclaré en 2016 des dividendes à hauteur de 25 000 euros qui constituent une fraction des 40 000 euros perçus de la société MB Conseil. Toutefois, ils n'apportent devant la cour aucun détail sur cette somme, notamment des personnes morales versantes, des montants, dates et modalités de paiement, de sorte que le moyen tiré de ce qu'ils ont déjà déclaré une fraction de la réduction du capital de 40 000 euros sur leur déclaration de revenus de l'année 2016 doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve du dégrèvement intervenu en cours d'instance, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de 5 393 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C... relatives aux contributions sociale établies au titre de l'année 2016 et aux intérêts de retard correspondants.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et Mme D... C... et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mars 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01709


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01709
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;23ly01709 ?
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