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27/02/2025 | FRANCE | N°24LY01598

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 27 février 2025, 24LY01598


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 juillet 2022 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Auvergne Rhône-Alpes et du Rhône a refusé de reconnaître imputable au service l'accident dont elle estime avoir été victime le 1er décembre 2021.



Par un jugement n° 2206756 du 13 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par

une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin 2024 et 6 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 juillet 2022 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Auvergne Rhône-Alpes et du Rhône a refusé de reconnaître imputable au service l'accident dont elle estime avoir été victime le 1er décembre 2021.

Par un jugement n° 2206756 du 13 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin 2024 et 6 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2022 susmentionnée ;

3°) de juger qu'elle a été victime " d'un accident du travail " le 1er décembre 2021 et qu'elle conserve son plein traitement ;

4°) de mettre à la charge de l'État les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- elle a été victime de faits de harcèlement par l'adjointe de son supérieur hiérarchique qui avait remplacé ce dernier par intérim ; ces faits ont été à l'origine de la dégradation de son état de santé et d'arrêts de travail ;

- elle a subi le 1er décembre 2021 un entretien éprouvant de plus de cinq heures avec sa hiérarchie ; elle a ainsi été mise sous une pression psychologique constituant une mise en danger, à l'origine d'un événement soudain et violent dans les suites immédiates, constitué par un choc émotionnel et un geste suicidaire de défenestration, alors qu'elle était reçue par le médecin de prévention ; l'existence de ce geste suicidaire est établie par les différents certificats médicaux versés au dossier ;

- cet accident, survenu sur le lieu de travail et pendant les heures de service, de caractère soudain, constitue un accident imputable au service au sens de l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique.

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions de la requête tendant à ce que la cour " constate " ou " dise " sont irrecevables ;

- même si le rapporteur public a conclu dans un sens favorable à la requérante, la juridiction n'était nullement tenue par son avis ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés, et il s'en rapporte à l'intégralité de ses arguments présentés en première instance en l'absence d'élément nouveau.

Par une ordonnance du 9 décembre 2024, l'instruction a été close au 6 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., titularisée le 1er septembre 2010, avait atteint le grade d'inspecteur des finances publiques et exerçait ses fonctions à la direction régionale des finances publiques d'Auvergne-Rhône-Alpes et du département du Rhône depuis le 1er septembre 2020. L'administration ayant été informée de sa condamnation après comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité du 28 mai 2021 pour des faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie, Mme A... a été auditionnée le 1er décembre 2021 par le directeur du pôle pilotage et ressources. A l'issue de cet entretien, elle a rencontré le médecin de prévention qui a estimé que sa situation de santé relevait d'une urgence médicale, et Mme A... a été prise en charge par une équipe médicale et admise aux urgences du centre hospitalier du Vinatier. Le 3 décembre 2021, la requérante a adressé à son employeur une déclaration d'accident de service en lien avec les événements du 1er décembre 2021. Le conseil médical départemental, saisi de cette demande de reconnaissance d'un accident de service, a émis un avis défavorable le 21 juillet 2022 par le motif que " le lien direct n'est pas établi et que les causes sont multifactorielles ". Par une décision du 28 juillet 2022, dont la requérante a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer l'annulation, le directeur régional des finances publiques d'Auvergne-Rhône-Alpes et du Rhône a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 1er décembre 2021. Par un jugement du 13 mai 2024, dont Mme A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable en l'espèce : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. (...) II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service.

4. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

5. Mme A... soutient que les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'entretien avec sa hiérarchie le 1er décembre 2021 ont été à l'origine d'un choc émotionnel l'ayant conduite à un geste suicidaire par tentative de défenestration.

6. Mme A... soutient qu'elle n'a pas été tenue informée des motifs de l'entretien du 1er décembre 2021 qui se serait apparenté à une parodie de procédure disciplinaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa responsable hiérarchique directe l'avait informée par mail dès le 24 novembre 2021 d'une rencontre avec la direction prévue avant le traitement de sa demande de congé, qui ne pouvait porter sur cette dernière, réitéré le même jour pour lui indiquer que cet entretien était programmé avec le directeur du pôle pilotage et ressources pour " une affaire la concernant " et de la possibilité de se faire assister à cette occasion par un représentant du personnel ou d'un agent de la direction générale des finances publiques. Dans ce contexte, et alors que, par ordonnance du 28 mai 2021, elle avait fait l'objet d'une condamnation à trois mois d'emprisonnement avec sursis et six mois de privation du droit d'éligibilité pour des faits d'escroquerie dans la sphère privée, dont elle n'avait pas informé son administration, Mme A... ne saurait sérieusement soutenir qu'elle s'attendait à un entretien d'une quinzaine de minutes ne portant que sur ses demandes de congé. Le procès-verbal de l'entretien du 1er décembre 2021, au cours duquel rien ne permet de dire qu'une altercation serait survenue, ne laisse en outre apparaître aucun comportement irrespectueux ni aucun propos inapproprié de la part de sa hiérarchie. Si Mme A... indique que l'échange a été particulièrement long, il n'apparaît pas que l'entretien, qui s'est déroulé de 9 h 04 à 11 h, aurait excédé une durée raisonnable. Si, du fait des nombreuses corrections qu'elle a apportées au procès-verbal de cet entretien, dont trois versions successives ont été établies, sa relecture a été longue, s'étant prolongée de 12 h 15 à 14 h 21, aucune " pression psychologique " n'apparaît ici caractérisée. A cet égard, l'épreuve représentée par cet entretien tient davantage à l'évocation de faits et de circonstances par elles-mêmes sans lien direct avec l'exercice du service.

7. Par ailleurs, même à admettre l'existence à cette date de velléités suicidaires de la part de Mme A... et à analyser comme un geste suicidaire sa tentative d'ouvrir une fenêtre alors qu'elle était reçue par le médecin de prévention dans les suites de cet entretien, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de détresse psychologique que ce dernier a décrit serait d'apparition soudaine. De sa propre initiative, Mme A... a évoqué lors de l'entretien avec sa hiérarchie des tentatives de suicide antérieures, ayant ainsi indiqué " être à bout ", se sentir " harcelée par différentes personnes ", être " préoccupée " " depuis l'affaire devant l'officier de police " et n'être plus en état de réfléchir, et elle a précisé : " le cadre de vie de ma fille et mon moral jouent sur la relation et je ne suis actuellement pas bien dans ma tête ". Il apparaît également que Mme A..., qui souffrait de troubles du comportement alimentaire depuis une vingtaine d'années et était sous traitement médicamenteux depuis une quinzaine d'années, avait été en arrêt de travail durant dix mois et hospitalisée pendant cinq mois en service spécialisé durant l'année 2020 et qu'elle venait de reprendre son poste à la suite d'un arrêt de travail du 27 septembre au 18 novembre 2021.

8. Il n'apparaît pas, dans ces circonstances, que les conditions dans lesquelles s'est tenu son entretien professionnel révèleraient un comportement ou des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique au point qu'il s'analyserait comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, lui-même à l'origine de l'état pathologique de Mme A... ou de la soudaine récidive et aggravation d'un état pathologique antérieur. Et au regard des circonstances particulières rappelées ci-dessus, la tentative de suicide de l'intéressée, à la supposer établie, bien qu'intervenue dans les temps et lieu du service, apparaît détachable du service.

9. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, Mme A... n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est motivé, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY01598

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01598
Date de la décision : 27/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HAZIZA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-27;24ly01598 ?
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