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27/02/2025 | FRANCE | N°24LY01308

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 27 février 2025, 24LY01308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2308180 du 6 mars 2024, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour
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Par une requête enregistrée le 6 mai 2024, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2308180 du 6 mars 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 mai 2024, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions sont entachées d'un vice de procédure à défaut de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'il réside sur le territoire français depuis plus de dix ans ;

- la décision portant refus de délivrer un titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du même code au regard de l'ancienneté de son séjour et de son insertion professionnelle ; le préfet s'est abstenu de procéder à l'examen particulier de sa situation, notamment professionnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- au regard des éléments d'intégration dont il justifie, un délai de départ volontaire aurait dû lui être accordé ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est manifestement disproportionnée au regard des circonstances humanitaires exceptionnelles dont il justifie.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant arménien, déclare être entré en France le 24 novembre 2011. Le préfet de la Vendée, par un arrêté du 21 juin 2013, et le préfet de l'Isère, par arrêté du 16 mai 2017, ont chacun prononcé à son encontre une mesure d'éloignement. Le 27 novembre 2020, l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, subsidiairement, son admission exceptionnelle au séjour. M. B... relève appel du jugement du 6 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 novembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 novembre 2023 :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

3. Il ressort notamment des termes de l'arrêté litigieux que M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir ses liens privés en France et en se prévalant d'une promesse d'embauche établie le 4 mai 2023 pour un contrat à durée déterminée d'insertion au sein de l'association Ulisse Grenoble Solidarité, en qualité d'agent de quai. Il produit en outre une promesse d'embauche en date du 9 octobre 2023 pour un contrat soit à durée déterminée soit à durée indéterminée en qualité d'aide déménageur, à temps plein, au sein de l'entreprise MAS transport. La décision contestée indique que le préfet a procédé à un " examen approfondi de la situation de l'intéressé " et a considéré, s'agissant seulement de la première promesse d'embauche, qu'elle " ne saurait attester en principe de motifs exceptionnels ". Alors que le préfet n'a pas contesté, en défense devant le tribunal, que ces deux promesses d'embauche lui ont été transmises avant l'édiction de la décision litigieuse, il ne pouvait s'abstenir d'examiner si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'intéressé, ainsi que les caractéristiques de l'un ou l'autre emploi auxquels il postulait, constituaient, eu égard aux éléments relatifs à sa situation personnelle, des motifs exceptionnels d'admission au séjour en qualité de travailleur salarié. En se bornant à indiquer qu'une promesse d'embauche ne suffit pas à justifier sa régularisation et que " l'intéressé ne justifie pas de motifs exceptionnels d'admission au séjour ", le préfet de l'Isère s'est abstenu de procéder à un tel examen. Il suit de là que ce moyen tiré d'une erreur de droit doit être accueilli.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. La décision de refus de titre de séjour contestée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans doivent être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé, mais seulement d'enjoindre au préfet de l'Isère de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 avril 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Huard d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 6 mars 2024 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de l'Isère du 29 novembre 2023 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de l'Isère de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Huard, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY01308

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01308
Date de la décision : 27/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-27;24ly01308 ?
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