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27/02/2025 | FRANCE | N°23LY02552

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 27 février 2025, 23LY02552


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2003132 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le

1er août 2023, M. B... représenté par Me Tournoud, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2003132 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er août 2023, M. B... représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 40 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont entaché leur réponse aux moyens d'erreurs de droit, d'erreurs de fait et d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- dès lors que la SCI Melody n'exerce pas d'activité commerciale de manière habituelle et n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés, elle n'est pas susceptible d'avoir distribué des revenus dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2014 et 2015 ;

- la SCI Melody ne pouvait être soumise à l'impôt sur les sociétés en 2014 dès lors que, conformément à la réponse ministérielle Berger n° 33593 du 11 mai 1981 reprise aux paragraphes 320 et 330 de l'instruction BOI-IS-CHAMP-10-30, ses recettes commerciales n'excédaient pas un seuil de 10 % du montant moyen des recettes totales hors taxes ;

- la position prise par l'administration dans la proposition de rectification du 10 octobre 2014 sur l'imposition en 2013 de la somme de 64 000 euros inscrite au crédit du compte d'associé et mise à disposition, est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscale, de sorte que la somme ne peut être à nouveau imposée au titre de l'exercice 2015 ;

- le manquement reproché ne peut être regardé comme délibéré.

Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2023 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Melody, dont M. B... était l'associé majoritaire et le gérant et qui avait pour activité la location de biens immobiliers, a fait l'objet d'un contrôle sur place portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à la suite duquel le vérificateur a constaté que le compte courant d'associé de l'intéressé avait été crédité de sommes d'un montant total de 6 649 euros en 2024 et de 64 050 euros en 2015. En conséquence de ce contrôle, M. B... a été assujetti, suivant la procédure contradictoire, à des compléments d'impôts sur le revenu au titre des années 2014 et 2015 résultant de l'inclusion dans ses revenus imposables des montants correspondants, majorés du coefficient de 1,25 prévu au 2° de l'article 158-7 du code général des impôts, qu'elle a regardés comme des revenus distribués imposables entre ses mains sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Ces suppléments d'impôts sur le revenu et les contributions sociales mises à la charge de M. B... ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si l'appelant soutient que les premiers juges ont dénaturé, commis diverses erreurs de droit, de fait ou de qualification juridique dans leur réponse apportée aux moyens soulevés, de tels moyens ne relèvent pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé. Les moyens tirés de prétendues irrégularités du jugement attaqué ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) / 2. (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux (...) les bénéfices (...) provenant de l'exercice d'une profession commerciale (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions alors applicables qu'une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts alors applicable et, par suite, est passible de l'impôt sur les sociétés par application du 2 de l'article 206 du même code. La durée de la location des locaux est sans incidence sur le caractère habituel et non occasionnel de l'activité de location, lequel résulte de ce que les locaux meublés ont été loués à plusieurs reprises. S'agissant de la détermination de la nature de l'activité, le juge de l'impôt se prononce au vu de l'instruction.

5. Il résulte de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté, que la SCI Melody, qui, au cours des années 2014 et 2015, a eu pour activité, outre la location de quatre biens immobiliers nus, la location d'un appartement meublé de trois pièces, dont elle a tiré des recettes d'un montant de 31 088 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2014 et de 40 851 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2015. Dès lors, cette activité de location d'un appartement meublé, dont le caractère habituel a été constaté au cours de la période vérifiée, sans qu'importe la durée de ladite location, revêt un caractère commercial au sens de l'article 34 du code général des impôts. Il suit de là que la SCI Melody, qui a d'ailleurs souscrit des déclarations de résultat modèle n° 2065 au titre des exercices clos le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015, doit être regardée comme s'étant livrée à une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts, la rendant, par suite, passible de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015. Par suite, le moyen tiré du non-assujettissement de ladite société à cette imposition doit être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". Aux termes des paragraphes 320 et 330 de l'instruction BOI-IS-CHAMP-10-30 dans sa version en vigueur entre le 12 septembre 2012 au 4 juillet 2018 : " Plusieurs catégories de sociétés civiles sont placées en dehors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés ou y échappent même si, eu égard à leur forme ou à la nature de leur activité, elles se trouvent remplir les conditions qui permettraient normalement de les assujettir à cet impôt. C'est ainsi qu'afin d'éviter les conséquences excessives résultant, dans certaines situations, de la taxation des sociétés civiles à l'impôt sur les sociétés prévue au premier alinéa du 2 de l'article 206 du CGI, il a été décidé de ne pas soumettre ces sociétés à l'impôt sur les sociétés tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n'excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes. / D'autre part et pour limiter les conséquences du franchissement occasionnel de ce seuil de 10 %, il est admis que la société civile ne soit pas effectivement soumise à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année de dépassement si la moyenne des recettes hors taxes, de nature commerciale, réalisées au cours de l'année en cause et des trois années antérieures n'excède pas 10 % du montant moyen des recettes totales hors taxes réalisées au cours de la même période. Bien entendu, s'agissant des sociétés créées depuis moins de quatre ans, cette moyenne sera appréciée sur la période courue depuis la date de leur création ".

7. L'appelant se prévaut, pour l'exercice clos en 2014, de la réponse ministérielle Berger n° 33593 du 11 mai 1981, relative à l'imposition de certaines sociétés à l'impôt sur les sociétés, reprise aux paragraphes 320 et 330 de l'instruction BOI-IS-CHAMP-10-30 dans sa version en vigueur entre le 12 septembre 2012 au 4 juillet 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction que le vérificateur a relevé qu'à partir de l'année 2014, l'appartement de 3 pièces sis 5 rue du Forum à Annecy a fait l'objet d'une location meublée et qu'au titre de l'exercice clos 2014, la SCI Melody a réalisé un chiffre d'affaires hors taxe de 40 851 euros dont 11 260 euros pour la location meublée, représentant 21,74 % du chiffre d'affaires total. Par suite, le montant des recettes commerciales provenant de l'activité de location d'appartement meublé excède le seuil de tolérance de 10 % du montant des recettes totales hors taxes. Si l'appelant soutient que son chiffre d'affaires de nature commerciale était pour cet exercice en dessous du seuil de 10 % du montant moyen des recettes totales hors taxes réalisées entre 2011 et 2014, il résulte de l'instruction que la SCI Melody n'a commencé son activité commerciale de location de meublé qu'à compter de l'année 2014, de sorte que seul cet exercice peut être pris en compte pour la détermination de la moyenne des recettes hors taxes selon les énonciations de l'instruction qui sont d'interprétation stricte. L'appelant n'est donc pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice des énonciations de la doctrine précitée et c'est à bon droit que l'administration fiscale a assujettie la SCI Melody à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015.

En ce qui concerne les autres moyens :

8. Aux termes de l'article 108 du même code : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ; / 2° Les personnes morales et sociétés en participation qui se sont volontairement placées sous le même régime fiscal en exerçant l'option prévue au 3 de l'article 206. (...) ". L'article 109 dudit code dispose que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

9. Il résulte des dispositions de l'article 108 précité du code général des impôts que les revenus tirés par les associés de sociétés civiles qui n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ne sont pas imposables sur le fondement des articles 109 à 117 de ce code. Si les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, par application des dispositions combinées des articles 108 et 109 du code général des impôts, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la même présomption ne joue pas lorsque le compte courant d'associé est ouvert dans une société civile relevant de l'article 8 du même code. En effet, dans ce cas, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, lorsqu'elles résultent de prélèvements sur les résultats sociaux, le caractère de revenus imposables dans la même catégorie que celle dont relèvent ces résultats.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5, que c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé respectivement les sommes de 6 649 euros et 64 050 euros mises à la disposition de M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts au titre des années 2014 et 2015.

11. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

12. L'appelant soutient qu'à l'occasion d'un précédent contrôle dans la proposition de rectification n° 2120 en date du 10 octobre 2014, l'administration fiscale avait estimé que la somme de 64 000 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé était imposable en 2013 pour avoir été mise à sa disposition au cours de cette même, de sorte que cette prise de position formelle fait obstacle à une nouvelle imposition de cette somme au titre de l'année 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction que lors des vérifications de comptabilité dont a fait l'objet la SCI Melody au titre des exercices 2011, 2012 et 2013, l'administration fiscale avait admis que l'option à l'impôt sur les sociétés exercée alors par la SCI n'était pas régulière et n'a finalement imposé aucun revenu distribué en 2013. Par suite, alors que la somme en litige d'un montant de 64 050 euros a été comptabilisée au crédit du compte courant d'associé à la clôture de l'exercice 2015 et n'a pu être justifiée par l'appelant, une telle circonstance ne peut être regardée comme une prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

13. L'appelant reprend en appel, dans des termes similaires, le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que la majoration pour manquement délibéré appliquée aux droits n'est pas encourue. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Grenoble.

14. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre auprès du Premier ministre, chargée du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

G. Tarlet

La République mande et ordonne à la ministre auprès du Premier ministre, chargée du budget et des comptes publics, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02552
Date de la décision : 27/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-27;23ly02552 ?
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