Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme F... C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 avril 2021 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au bénéfice de ses enfants mineurs B... et A... C....
Par un jugement n° 2103917 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er et 8 juin 2023, Mme C... D..., représentée par Me Schürmann, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 30 avril 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa demande ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- elle dispose d'un logement d'une superficie suffisante en application de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la demande de regroupement familial ne concerne plus que son fils, sa fille étant décédée le 6 mai 2022 ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son fils.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Mme C... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Pruvost, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante congolaise née le 6 avril 1984, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", a sollicité, le 9 mars 2020, le bénéfice du regroupement familial en faveur de ses deux enfants, B... C... E..., né le 22 février 2009 et A... I... C..., née le 1er janvier 2011. Par une décision du 30 avril 2021, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande. Mme C... D... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Mme C... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 mai 2023. Dans ces conditions, sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet.
Sur la légalité de la décision :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, d'une part : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Selon l'article L. 411-5 de ce code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; (...) ". L'article R. 411-5 de ce code dispose : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : (...) / - en zones B1 et B2 : 24 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m2 par personne supplémentaire au-delà de huit personnes ; (...) ".
4. Pour refuser l'introduction en France des deux enfants mineurs H... au titre du regroupement familial, le préfet de l'Isère s'est fondé sur la surface insuffisante du logement de l'intéressée et de son conjoint et sur le caractère inadapté de ce logement doté de trois chambres au regard de la composition de la famille, qui comptait un couple, un jeune adulte, un adolescent, et trois enfants de sexes et d'âges différents. Si le préfet de l'Isère s'est fondé sur un fait matériellement inexact en retenant que le logement H... avait une superficie de 63 m2, alors qu'il ressort de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que sa superficie était de 69 m2, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il avait retenu le chiffre exact, qui reste inférieur à la superficie minimale de 74 m2 requise par l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un logement situé en zone B1 et une famille de sept personnes. S'agissant des conditions de logement au regard de la composition familiale, Mme C... D... ne peut utilement, pour contester la légalité du refus de regroupement familial opposé par le préfet, invoquer le décès de sa fille A... I... C..., survenu le 6 mai 2022, soit postérieurement à la décision en litige.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... D... réside en France depuis 2013 et qu'elle a vécu, depuis cette date, séparée de ses deux enfants nés en 2009 et 2011, qui ont été confiés à un oncle, leur père étant décédé en 2010, sans qu'il soit allégué qu'elle leur ait rendu visite pendant cette période. Si elle invoque le contexte particulier lié au décès de sa fille A..., tant pour elle que pour son fils B..., cette circonstance, pour dramatique qu'elle soit, est postérieure à la décision attaquée. Dans ces conditions, et même si Mme C... D... justifie avoir participé financièrement à l'entretien de ses enfants en transférant des fonds à leur oncle, le refus de regroupement familial, qui ne fait pas obstacle à ce qu'elle se rende en République démocratique du Congo auprès de son fils, ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme portant une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquelles cette décision a été prise. Pour les mêmes motifs, ce refus n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant H..., tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni n'est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé et de son fils.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... D....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2025.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le président-assesseur,
X. Haïli
La greffière,
G. Tarlet
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01877