Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 17 novembre 2020 par laquelle le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a implicitement rejeté le recours gracieux dirigé contre le courrier du 16 juillet 2020 rejetant sa demande de protection fonctionnelle pour harcèlement moral et d'enjoindre à cette autorité de la réintégrer, dans des conditions lui permettant de ne plus être exposée à un harcèlement moral, et de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle et, d'autre part, de condamner l'INSERM à lui verser la somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'inaction de son administration face aux agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime.
Par un jugement n° 2100345 du 1er juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 août 2022, les 16 février, 3 mai et 23 mai 2023 et les 25 janvier, 2 février et 28 juin 2024, ce dernier mémoire non communiqué, Mme B..., représentée par Me Mazza, demande à la cour, après avoir appelé en cause le CNRS :
1°) d'annuler ce jugement et la décision implicite du 17 novembre 2020 ;
2°) de condamner l'INSERM à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'inaction de son administration face aux agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime de la part de son ancienne supérieure hiérarchique ;
3°) d'enjoindre à l'INSERM de lui accorder la protection fonctionnelle et, à ce titre, de prendre en charge intégralement ses frais et honoraires, arrêtés à la date de la requête à la somme de 8 000 euros HT, montant à parfaire à l'issue des procédures pénale et administrative en cours ;
4°) de mettre à la charge de l'INSERM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le refus de l'administration de lui accorder la protection fonctionnelle est illégal au regard de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; en effet, elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, visés par les articles 6 quinquies et 11 de la loi du 13 juillet 1983, de la part de son ancienne supérieure hiérarchique, lesquels ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail, de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé mentale et de compromettre son avenir professionnel, puis d'un harcèlement moral de l'institution à partir du moment où elle a dénoncé les faits ; elle a produit suffisamment d'éléments pour que cette situation de harcèlement moral soit présumée ; le rapport établi par le CHSCT en 2022 atteste de l'existence de harcèlement moral dans le service ; les éléments sur lesquels se fonde l'administration ne permettent pas d'écarter cette appréciation ; en particulier, le rapport sur lequel se fonde l'administration est issu d'une enquête qui a été réalisée dans des conditions irrégulières ;
- elle est fondée à rechercher la responsabilité de l'INSERM à raison du harcèlement moral dont elle a été victime, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder la protection fonctionnelle et à raison des fautes commises par l'INSERM qui a failli dans sa mission de protection ; l'INSERM n'a jamais mis en place le dispositif permettant de signaler les abus ; l'enquête administrative diligentée par l'INSERM a été très tardive ; le dispositif prévu par l'ancien article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983 désormais codifié à l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique, aurait dû être mis en place ; à la suite des signalements qu'elle a faits, il n'y a eu aucune réaction de sa hiérarchie ; la seule réponse de l'institution a été de développer un autre projet professionnel, dans une autre structure ;
- son préjudice, évalué à la somme de 30 000 euros, est constitué de la dégradation de son état de santé, de son préjudice professionnel et du préjudice moral ;
- son préjudice est en lien avec ses conditions de travail dégradées.
Par des mémoires enregistrés les 20 janvier 2023 et 24 janvier 2024, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), représenté par Aarpi Admys avocats, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal étaient irrecevables dès lors que Mme B... a présenté sa demande préalable après avoir saisi le tribunal, en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une ordonnance du 3 juin 2024, l'instruction a été close au 28 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 83-975 du 10 novembre 1983 ;
- le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ;
- le décret n° 84-1206 du 28 décembre 1984 ;
- le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Mme B..., ainsi que celles de Me Groetzinger, pour l'INSERM ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 février 2025, présentée pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les 7 février, 26 février et le 14 mai 2020, Mme A... B..., chargée de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et affectée depuis le 1er mai 2014 à l'unité mixte de recherche (UMR) n° U 1111 du " Centre international de recherche en infectiologie " (CIRI) a sollicité du président-directeur général de l'INSERM le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime de la part de son ancienne supérieure hiérarchique. Elle a également adressé le 18 janvier 2021 à l'INSERM une demande indemnitaire d'un montant de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la dégradation de son état de santé et du préjudice professionnel et moral en lien avec ses conditions de travail. Mme B... a, dans le même temps, saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 17 novembre 2020 par laquelle le président-directeur général de l'INSERM a implicitement rejeté le recours gracieux dirigé contre le courrier du 16 juillet 2020 rejetant sa demande de protection fonctionnelle pour harcèlement moral et à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de la réintégrer, dans des conditions lui permettant de ne plus être exposée à un harcèlement moral, et de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle et tendant, d'autre part, à la condamnation de l'INSERM à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'inaction de son administration face aux agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime. Mme B... relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir requalifié ses conclusions comme tendant également à l'annulation de la décision du 16 juillet 2020, a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Le premier alinéa de l'article 11 de cette loi dispose que : " I.-A raison de ses fonctions (...), le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause (...) / (...) IV ; - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
3. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. La demande de protection fonctionnelle présentée par Mme B... à son employeur reposait sur des faits de harcèlement moral allégués de son ancienne supérieure hiérarchique - la directrice de l'équipe " Immunité et lymphocytes cytotoxiques " de l'UMR n° U 1111. Si la requérante soutient qu'elle a également subi un harcèlement moral institutionnel de la part de l'INSERM à partir du moment où elle a dénoncé les faits présumés, ces éléments sont sans incidence pour apprécier la légalité des décisions dont elle demande l'annulation qui portent exclusivement sur sa demande de protection fonctionnelle à raison des faits commis par sa supérieure hiérarchique.
6. Mme B... soutient avoir subi des propos dégradants, des humiliations et des mesures vexatoires, des injonctions contradictoires, des refus de délégation et de lui accorder une autonomie, de la diffamation, des mensonges ainsi que des menaces de plainte en dénonciation calomnieuse de la part de son ancienne supérieure hiérarchique qui, après l'avoir recrutée dans la perspective qu'elle la remplace, se serait livrée à des manipulations en vue de l'évincer de la co-direction de l'équipe " Immunité et lymphocytes cytotoxiques ". Elle fait valoir que son attitude s'est poursuivie lorsqu'elle s'est mise à dénoncer ces faits, a dû être arrêtée puis a demandé à ne plus travailler sous ses ordres, son ancienne cheffe ayant procédé à des manœuvres afin qu'elle soit privée de matériel, à savoir une cohorte de souris, pour mener à bien ses recherches puis ayant exigé qu'elle prenne un bureau qui l'éloignait du reste de ses collègues.
7. Pour établir qu'elle a été victime de harcèlement moral, Mme B... produit un certain nombre d'éléments, notamment des échanges avec son ancienne supérieure hiérarchique et les autres membres du personnel, notamment la responsable RH de l'établissement, dont il ressort que sa situation de souffrance au travail est réelle. Le témoignage de sa sœur ainsi que d'un couple d'amis, qui ne font que rapporter son propre ressenti sur ce qui s'est passé, témoignent de leur inquiétude sur la dégradation de son état de santé. Différents certificats médicaux attestent de cette dégradation. Elle produit également le courrier d'alerte des représentants des chercheurs au sein du CIRI sur sa situation qui fait état d'une suspicion de harcèlement moral. Figure également le témoignage d'une chercheuse ayant travaillé pendant plusieurs années sous la direction de cette même cheffe, qui fait état du mode de management de cette dernière et des difficultés qu'il a engendré dans sa propre situation. Par mail adressé le 28 septembre 2020 à la responsable RH de l'INSERM, la secrétaire nationale du syndicat SNTPES a transmis le témoignage de trois personnes sur le comportement de la cheffe de Mme B... et indiqué qu'elle avait en sa possession d'autres témoignages mais que les personnes en cause, encore en contact avec la responsable d'équipe, avaient " vraiment peur des représailles " et qu'une autre, ayant " tourné la page " ne souhaitait plus perdre d'énergie à retranscrire ce qu'elle avait vécu. Enfin, Mme B... a produit le rapport de la visite du CIRI effectuée par le CHSCT en octobre 2022 qui conclut à l'existence de faits de harcèlement présumés au sein de l'équipe dans laquelle Mme B... était affectée, le comportement de la cheffe d'équipe étant signalé comme violent et humiliant, aussi bien en public qu'en privé. Les faits décrits par le CHSCT sont très proches du témoignage de la chercheuse par ailleurs produit par Mme B.... Dès lors que de tels éléments sont susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral, il appartient à l'INSERM de renverser cette présomption en prouvant que les faits avancés ne reposent pas sur la cause alléguée et à la cour de forger sa conviction au vu des échanges contradictoires.
8. L'INSERM fait valoir, de son côté, que la situation de souffrance de Mme B... a été prise en compte et qu'une enquête a été diligentée afin de déterminer si les faits reprochés à sa cheffe de service étaient établis. Il produit les conclusions rendues le 14 octobre 2021 par la commission d'enquête mixte INSERM-CNRS, dont la procédure a été contradictoire et dont rien au dossier ne permet de dire qu'elle ne se serait pas prononcée en toute indépendance, qui a été constituée en février 2021 et chargée d'enquêter sur les faits de harcèlement moral dont Mme B... déclare avoir été victime. Selon la commission, le projet de co-direction présenté en février 2019 au " Scientific advisory board " (SAB) du CIRI par la requérante et sa cheffe d'équipe pour la mandature 2021-2026, initialement privilégié par l'INSERM pour permettre une transition entre l'intéressée et cette cheffe d'équipe, dont le départ à la retraite était prévu en cours de mandat, a été abandonné en juillet 2019 à la suite d'une lettre de cadrage de l'INSERM empêchant la co-direction d'équipes. Pour se conformer à cette lettre, la direction de cette équipe a été confiée à l'ancienne supérieure hiérarchique de Mme B..., à la suite de réserves formulées par le SAB du CIRI sur son dossier scientifique et en accord avec la commission scientifique spécialisée (CSS) n° 5. Ainsi, au vu de ces éléments, et bien que Mme B... ait eu un début de carrière prometteur, il n'apparaît pas que le changement de positionnement de son employeur sur la direction de l'équipe résulterait de manœuvres de sa cheffe ayant eu pour objet ou pour effet de la décrédibiliser. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'ancienne supérieure hiérarchique de la requérante se serait livrée à des manipulations, à l'été 2020, en vue de la priver du matériel biologique nécessaire à son projet de recherche et que son changement de bureau résulterait d'une demande de celle-ci.
9. Ainsi que l'a indiqué le tribunal, les conclusions rendues le 14 octobre 2021 par la commission d'enquête mixte INSERM-CNRS, qui ne relèvent aucune preuve de harcèlement moral, font état de ce que le différend ayant opposé Mme B... à son ancienne supérieure hiérarchique s'accompagnerait d'un contentieux sur la responsabilité de projets scientifiques ainsi que sur la propriété de matériel biologique, et qu'il aurait été exacerbé dans le contexte de l'évaluation quinquennale du CIRI par le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES). Elles mentionnent à cet égard qu'une conjonction de facteurs, tels que la qualité de jeune chercheuse à l'expérience encore récente pour prendre la succession de sa cheffe d'équipe malgré les encouragements initiaux de cette dernière, l'abandon du projet de co-direction de l'équipe " Immunité et lymphocytes cytotoxiques " et la stratégie de poursuite de la direction par l'ancienne supérieure hiérarchique, ou encore la nécessité d'améliorer la qualité de son dossier dans le cadre de cette évaluation, a pu alimenter le ressenti de l'intéressée et être perçue comme une marque de défiance remettant en question sa crédibilité scientifique, dans la perspective de diriger une équipe au sein du CIRI. Elles relèvent également qu'un manque d'anticipation et un défaut de communication général au sein de cette unité mixte de recherche ont conduit à ce que l'ancienne supérieure hiérarchique de Mme B..., dont le caractère autoritaire et direct était pourtant connu, assume seule la responsabilité de décisions et stratégies pourtant collectives, de sorte que la requérante a pu être convaincue de l'existence d'actions délibérées et ciblées de sa cheffe d'équipe à son encontre, dans un contexte éprouvant d'évaluation.
10. En ce qui concerne le comportement humiliant de sa cheffe et son management toxique, la commission indique que la requérante n'a jamais souhaité révéler l'identité des autres victimes présumées de son ancienne supérieure hiérarchique et qu'elle n'a pas davantage été en mesure de produire des éléments tangibles sur les agissements attribués à cette dernière. Si plusieurs des membres du CIRI et de la CSS n° 5 de l'INSERM, auditionnés par la commission d'enquête mixte, ont reconnu que cette cheffe d'équipe était autoritaire, aucune de ces personnes, à l'exception de Mme B..., n'a fait état de harcèlement. Les éléments produits au dossier, qui ne comportent aucun témoignage précis sur des situations dans lesquelles Mme B... aurait eu à subir ce comportement de sa cheffe, ne permettent pas d'établir que Mme B... aurait été personnellement victime de tels faits.
11. Enfin, si, à la suite du rapport établi par la délégation de visite du CHSCT de l'ENS de Lyon le 1er décembre 2022, une enquête a été diligentée par la cellule nationale signalement du CNRS sur l'équipe au sein de laquelle Mme B... a travaillé, l'enquête, rendue le 29 janvier 2024, conclut seulement que les personnes travaillant avec la responsable d'équipe de Mme B... rapportent une faible autonomie dans leurs rapports avec cette cheffe d'équipe qui n'est pas ponctuelle, ne fixe pas nécessairement d'ordre du jour aux échanges qui peuvent s'avérer très longs et qu'elle peut tenir des propos dénigrants sur certaines personnes.
12. Dans ces conditions, et en l'absence d'autres éléments, l'INSERM doit être regardé comme justifiant, par des éléments objectifs, de l'absence de harcèlement moral à l'encontre de son agent. Il suit de là, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le président-directeur général de l'INSERM a méconnu les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en refusant de faire droit à sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Les conclusions à fin d'injonction de Mme B... doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
14. Compte tenu de ce qui précède, Mme B... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'INSERM à raison du harcèlement moral dont elle dit avoir été victime de la part de la cheffe de son équipe ni à raison de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder la protection fonctionnelle.
15. Elle demande également à ce que la responsabilité de l'INSERM soit engagée à raison du harcèlement institutionnel, dont elle prétend avoir été victime à partir du moment où elle a dénoncé les faits à son employeur, et à raison des fautes commises par l'INSERM dans sa gestion de la situation.
16. Mme B... invoque la défaillance de l'INSERM dans la mise en œuvre de son obligation de protection de ses agents, telle que prévue à l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et la sécurité au travail ainsi qu'à la prévention au travail dans la fonction publique et en particulier l'absence de mesure de la part de cette autorité suite aux dénonciations de cette dernière. Or, il résulte de l'instruction que, dès la dénonciation des faits par Mme B..., celle-ci a eu de nombreux échanges avec le directeur du centre qui a mis en place une première commission en vue d'établir les faits et d'apporter une réponse à la situation dénoncée par Mme B.... Si, à la suite du COVID et de la réaction que Mme B... a eu lors de la mise en œuvre de cette instance, celle-ci n'a pas pu rendre de conclusions, une nouvelle commission d'enquête mixte INSERM-CNRS a été constituée en février 2021. Si les conclusions de cette commission n'ont été rendues qu'en octobre 2021, la commission était en attente de la production par la requérante de certains éléments déterminants pour l'enquête. Par ailleurs, Mme B... a eu plusieurs échanges avec la responsable des ressources humaines de l'INSERM qui l'a accompagnée dans ses démarches. Enfin, l'administration a tenté d'apaiser les tensions dans le service en écartant, à sa demande, la requérante de son ancienne supérieure hiérarchique par la mise à disposition d'un bureau indépendant. Elle lui attribué un soutien financier de 20 000 euros et adressé une proposition d'aide technique et de placement sous l'autorité hiérarchique d'un autre chef d'équipe.
17. S'il n'apparaît pas que l'INSERM avait mis en place le 1er mai 2020 le dispositif de signalement de faits de harcèlement moral prévu par les dispositions combinées de l'article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983 désormais codifié à l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique et le décret du 13 mars 2020 visé ci-dessus, il résulte de l'instruction que cette dernière a pu bénéficier, lorsqu'elle a dénoncé ces faits, antérieurement au 1er mai 2020, d'un accompagnement. En outre, son administration a mis en œuvre une procédure adaptée pour les traiter. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la faute ainsi commise par l'INSERM aurait causé un préjudice à Mme B....
18. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni d'appeler en cause le CNRS ni de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense et sur la recevabilité des conclusions, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses demandes. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).
Délibéré après l'audience du 13 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles chacune en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 22LY02455
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