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20/02/2025 | FRANCE | N°24LY00658

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 20 février 2025, 24LY00658


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... D... épouse E... et M. B... E... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 7 avril 2022 par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a déterminé le pays de destination en cas de reconduite.



Par un jugement n° 2205274, 2205277 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de

Lyon a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... épouse E... et M. B... E... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 7 avril 2022 par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a déterminé le pays de destination en cas de reconduite.

Par un jugement n° 2205274, 2205277 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 mars 2024 et le 1er septembre 2024, M. et Mme E... représentés par Me Zouine, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 7 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à leur conseil, une somme de 1 500 euros HT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, y compris les éléments qui l'ont conduit à considérer que le traitement suivi par l'enfant serait disponible en Algérie doit être produit ;

- les refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les refus de délivrance du titre de séjour portent une atteinte disproportionnée au droit de leur famille à une vie privée et familiale normale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils méconnaissent les exigences de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- pour les mêmes raisons, les décisions portant obligation de quitter le territoire seront annulées en ce qu'elles procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation et en ce qu'elles ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La procédure a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit de conclusions.

La clôture de l'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu le 26 septembre 2024.

Par une ordonnance n° 23LY00049 du 8 février 2024, le président de la cour a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme E....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... épouse E... et M. B... E..., ressortissants algériens nés respectivement le 27 novembre 1990 et le 3 mars 1983, entrés régulièrement en France le 10 février 2017, munis de visas de court séjour, ont sollicité, le 21 août 2017, la délivrance d'un titre de titre de séjour en qualité de parents d'un enfant mineur malade. Par des arrêtés du 5 septembre 2019 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020, le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme E... ont à nouveau sollicité, le 20 juillet 2021, la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en invoquant l'état de santé de leur fille, F... née le 13 mars 2014 en Algérie. Par la présente requête, M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 7 avril 2022 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a déterminé le pays de destination.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an ", et aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".

3. Les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

4. Il ressort des arrêtés attaqués que pour refuser d'admettre au séjour M. et Mme E..., le préfet du Rhône a estimé, suivant l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, que si l'état de santé de leur fille nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, leur enfant peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de l'enfant des appelants nécessite une médecine physique de réadaptation pour évaluation neuro-orthopédique globale, évaluation neuro-urologique, surveillance cutanée et sensibilité, un suivi en neurochirurgie avec IRM médullaire, un suivi en neuro-urologie avec échographie rénovésicale et bilan urodynamique, un suivi au niveau de douleurs neuropathiques nécessitant un traitement par Laroxyl et Versatis, un traitement par Peristeen et auto-sondages (sonde lnfyna Chic Ref 7012 ch 7zl), un traitement par Ditropan, un appareillage avec attelle de fonction (attelle à mat interne et lame postérieure) et un suivi avec appareilleur dans le cadre de la croissance et modification de l'appareillage quand apparition de points d'appui. A hauteur d'appel, les requérants soutiennent que la prise en charge de leur fille dans leur pays d'origine n'est pas disponible et produisent deux certificats médicaux de médecins traitants en date du 4 mars 2024, indiquant en particulier que l'enfant " est suivie dans un service d'uro-néphrologie spécialisé, que son état de santé nécessite la réalisation de cinq auto-sondages par jour ainsi que des lavements Peristeen deux à trois fois par semaine, soins qui ne sont pas envisageables en Algérie, et ces traitements sont nécessaires et ce pendant toute sa croissance, du fait des séquelles engendrées sur la vessie et le côlon et de leur caractère incurable. ", qui, bien que postérieurs à la date des arrêtés litigieux, révèlent une situation existante à la date de leur édiction. Les requérants versent, par ailleurs, d'une part, un courriel émanant du laboratoire Celluloplast du 17 décembre 2020 indiquant que, s'agissant du dispositif Peristeen, " cette référence n'est pas disponible en Algérie ", et, d'autre part, un courriel du Laboratoire Hollister du 19 août 2024 indiquant l'absence de distributeurs en Algérie du dispositif de sonde Vapro plus Pocket, qui, quoique postérieur à la date des arrêtés litigieux, révèle une situation sanitaire en Algérie existante à la date de leur édiction. Le préfet du Rhône qui n'a pas présenté de mémoire en défense ne combat, par aucun élément contraire, ces éléments de preuve tendant à établir l'indisponibilité desdits traitements dans le pays d'origine des appelants. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Rhône a, en prononçant le refus de délivrance des certificats de résidence contestés, commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des appelants.

6. Il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que la préfète du Rhône délivre aux appelants un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " au titre de l'accompagnement d'un enfant malade. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Rhône d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Zouine, avocat des appelants, d'une somme de 1 500 euros, sous réserve que Me Zouine renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205274 et n° 2205277 du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2022 et les arrêtés du préfet du Rhône du 7 avril 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à M. E... et Mme D... épouse E... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Article 3 : L'Etat versera à Me Zouine une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... D... épouse E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2025.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00658
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;24ly00658 ?
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