Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Contamines-Montjoie à lui verser une indemnité de 50 319,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime lui avoir été causés par le renouvellement abusif de ses contrats à durée déterminée et le non renouvellement de son engagement contractuel pour l'année 2020, majorée des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 2007719 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 26 mai 2023, 30 juin 2023 et 13 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Cochereau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mars 2023 ;
2°) de condamner la commune de Contamines-Montjoie à lui verser une indemnité de 50 319,50 euros en réparation des préjudices causés par le renouvellement abusif de ses contrats à durée déterminée et le non renouvellement de son engagement contractuel pour l'année 2020, majorée des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Contamines-Montjoie une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a omis de statuer sur les moyens tirés de ce que la nature de ses missions, ses responsabilités et l'" évolution " dont lui faisait bénéficier la collectivité ainsi que la représentation de celle-ci, qu'il a assurée à l'année, en-dehors de ses contrats, faisaient obstacle à la qualification d'emploi " saisonnier " ;
- son emploi présentait un caractère permanent dès lors qu'il a exercé une activité ininterrompue pendant vingt-sept ans parfois plus de six mois par an, et le recours à plusieurs contrats pendant cette période est abusif ;
- le refus de renouveler son contrat ne constitue pas un refus de recrutement, et n'est pas justifié par des difficultés prétendument rencontrées dans l'exécution de sa précédente mission ni par l'intérêt du service ;
- la circonstance que le maire soit revenu sur son refus de renouvellement après que l'annonce de celui-ci sur les réseaux sociaux lui a créé une mauvaise publicité, révèle un détournement de pouvoir ;
- il a subi un préjudice financier évalué à 17 319,50 euros, un préjudice moral qu'il estime à 13 000 euros, un préjudice de réputation pour une somme de 10 000 euros et un préjudice de carrière de même montant.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 septembre et 14 octobre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Contamines-Montjoie, représentée par Me Verne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- les observations de Me Lemoine, représentant M. B... et celles de Me Auger représentant la commune de Contamines-Montjoie.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été recruté par la commune de Contamines-Montjoie en qualité d'adjoint technique contractuel, durant la période du 1er mai 1993 au 10 novembre 2019, pour une durée de cinq à six mois par an, pour exercer des missions d'entretien des sentiers de montagne et des espaces verts, de préparation des pistes de ski de fond ainsi que divers travaux. Pour certaines des années de cette période, M. B... a également été recruté par la commune pour faire face à un accroissement temporaire d'activité entre novembre et décembre. En 2020, la commune a décidé de ne pas conclure de nouveau contrat avec M. B... pour ces missions. Par un courrier du 30 avril 2020, la directrice générale des services de la commune a précisé les raisons de ce refus. Par un recours indemnitaire préalable du 20 août 2020 qui n'a pas reçu de réponse, M. B... a demandé à la commune de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée et au titre du non renouvellement de son engagement contractuel pour l'année 2020. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Contamines-Montjoie à lui verser une indemnité de 50 319,50 euros en réparation des préjudices causés selon lui par le renouvellement abusif de ses contrats à durée déterminée et son éviction du service.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement du tribunal administratif de Grenoble que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés par le requérant, ont répondu au point 4 de ce jugement au moyen relatif au caractère permanent de l'emploi de M. B... et au bien-fondé du recours à des contrats à durée déterminée de type " saisonnier ". Par suite, le jugement critiqué n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune du fait du recours à une succession de contrats à durée déterminée :
3. Aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version applicable au litige : " I. - Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : (...) 2° Un accroissement saisonnier d'activité, pour une durée maximale de six mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de douze mois consécutifs. ". Aux termes de l'article 3-1 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels (...). Les contrats établis sur le fondement du premier alinéa sont conclus pour une durée déterminée et renouvelés, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence du fonctionnaire ou de l'agent contractuel à remplacer (...) ". Aux termes de l'article 3-2 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an (...). Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir. ". Enfin, aux termes de l'article 3-3 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; (...) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ".
4. D'une part, il résulte des dispositions de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, qu'elles imposent aux États membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5 a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; / b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; / c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail., afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'État membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs.
5. D'autre part, il résulte des dispositions précitées des articles 3, 3-1, 3-2 et 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 désormais repris aux articles L. 332-6 et suivants du code général de la fonction publique, que les collectivités territoriales de plus de 2 000 habitants ne peuvent recruter par contrat à durée déterminée des agents non titulaires que, d'une part, en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier définies à ces alinéas et, d'autre part, dans le cadre des dérogations au principe selon lequel les emplois permanents sont occupés par des fonctionnaires, lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, ou lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. Dans ce dernier cas, les agents recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. Si, à l'issue de la période maximale de six ans, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. Ces dispositions se réfèrent ainsi, s'agissant de la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée, à des " raisons objectives ", de la nature de celles auxquelles la directive renvoie. Elles ne font nullement obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il incombe au juge, pour apprécier si le renouvellement des contrats présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.
6. Un agent de droit public employé par une collectivité ou un établissement mentionné au premier alinéa de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu'il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l'administration. En revanche, lorsque l'exécution d'actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l'administration, l'agent doit être regardé comme ayant la qualité d'agent non titulaire de l'administration.
7. Il résulte de l'instruction que M. B... a été employé par la commune de Contamines-Montjoie durant vingt-sept années successives, de 1992 à 2019, au terme de trente-neuf contrats conclus pour les périodes comprises entre les mois de mai et octobre de chaque année, parfois prolongés sans contrat écrit jusqu'au mois de décembre pour les années 1997, 1998, 2001 à 2015 et 2018, afin d'exercer des missions d'entretien des sentiers de montagne et des espaces verts, de préparation des pistes de ski de fond ainsi que divers travaux. Il résulte de ces contrats que M. B..., qui a rempli chaque année durant la période précitée les mêmes fonctions dans les mêmes conditions, a cependant été recruté pour répondre à un besoin d'entretien ponctuel et limité dans le temps, afin de faire face à un accroissement temporaire et saisonnier d'activité. Ainsi, et quand bien même les missions confiées auraient comporté diverses responsabilités et qu'il aurait bénéficié d'une évolution de carrière, son emploi ne présentait pas un caractère permanent. Il résulte également de l'instruction que les contrats en cause n'étaient ni successifs, ni continus, et étaient séparés par une période non travaillée. Enfin, l'affirmation du requérant selon laquelle il aurait exercé des missions tout au long de l'année civile, en-dehors de ses engagements contractuels, n'est étayée par aucun élément probant versé au dossier. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le recours à ces contrats successifs devrait être regardé comme abusif.
En ce qui concerne la responsabilité de la commune du fait du non-renouvellement du contrat de M. B... :
8. L'administration ne peut légalement décider, au terme du contrat d'un agent public recruté par un contrat à durée déterminée, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service qui s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.
9. Il résulte des considérations reprises au point 7, que le terme du dernier contrat de M. B... est intervenu, ainsi que le tribunal l'a retenu, le 10 novembre 2019. Par suite, le requérant ne peut utilement rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement d'un non renouvellement de son contrat qu'il situe en début d'année 2020. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que par un courrier du 26 mai 2020, le maire de la commune de Contamines-Montjoie a proposé un nouveau contrat à M. B... au titre de missions de services techniques, de sorte que celui-ci n'est pas davantage fondé à soutenir que la responsabilité de l'administration pourrait être engagée du fait d'un refus illégal de recrutement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Contamines-Montjoie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions au bénéfice de la commune.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Contamines-Montjoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Contamines-Montjoie.
Délibéré après l'audience du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY01804