Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2021 et l'arrêté du 29 juin 2021 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain portant refus de renouveler son engagement de sapeur-pompier volontaire, ensemble la décision du 27 août 2021 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de renouveler son engagement à compter du 4 septembre 2021, de le réintégrer au sein des effectifs ainsi que dans ses fonctions au centre de secours de Meximieux et de reconstituer sa situation administrative, enfin de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation des préjudices résultant des décisions en litige.
Par un jugement n° 2108024 du 27 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 29 juin 2021 et la décision portant rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, a enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de statuer à nouveau sur le renouvellement de l'engagement de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 16 décembre 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Bacha, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) avant-dire-droit, d'ordonner la communication de l'intégralité des pièces annexées au rapport d'enquête administrative, parmi lesquelles les " comptes-rendus des témoignages écrits ainsi que la liste des personnes interrogées " et la liste des questions posées par les auteurs de ce rapport ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 février 2023, en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes ;
3°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 du président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain et la décision du 27 août 2021 rejetant le recours gracieux formé le 23 août 2021 ;
4°) d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS d'édicter un arrêté de renouvellement de son engagement à compter du 4 septembre 2021, de le réintégrer dans les effectifs du centre de secours, dans ses fonctions au sein d'une équipe et dans les conditions existant au moment de son éviction, de rétablir son ancienneté et les droits afférents et de reconstituer sa situation administrative, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser la somme totale de 19 400 euros, à parfaire pour ce qui concerne le préjudice matériel, en réparation des préjudices résultant des décisions en litige ;
6°) de mettre à la charge de ce SDIS une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 29 juin 2021 est insuffisamment motivé ;
- la procédure suivie n'a pas été régulière, faute pour son dossier administratif de comporter les pièces fondant la décision de ne pas renouveler son engagement ;
- la décision de non-renouvellement de son engagement se fonde sur des faits inexacts et résulte d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée résulte d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction déguisée ;
- elle repose sur des motifs illicites et discriminatoires ;
- elle constitue une mesure de rétorsion consécutive à la dénonciation de la fraude ayant entaché les élections au comité de centre ;
- le préjudice financier résultant de l'illégalité de la décision attaquée peut être évalué à la somme de 14 400 euros et son préjudice moral peut être fixé à 5 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2024, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Bracq, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ;
- celle-ci est irrecevable car tardive ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 décembre 2024.
Par un courrier du 18 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de fonder sa décision sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions principales tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain du 29 juin 2021 et la décision du 27 août 2021 portant rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, dont l'annulation a été prononcée par le tribunal, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions en injonction dès lors qu'aucun des moyens invoqués au soutien des conclusions en annulation n'est susceptible de conduire au prononcé de l'injonction demandée (CE, 4 octobre 2019, M. C..., n° 417617 ; CE, 25 mai 2007, Loubère, n°279648).
Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2025, M. B... a présenté ses observations en réponse aux moyens d'ordre public soulevés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- les observations de Me Bacha, représentant M. B..., et celles de Me Teston, représentant le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain.
Une note en délibéré, enregistrée le 5 février 2025, a été présentée pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., sapeur-pompier volontaire exerçant au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain depuis 1997 et affecté au centre de secours de Meximieux-Pérouges, également sapeur-pompier professionnel au sein du service départemental métropolitain d'incendie et de secours du Rhône (SDMIS) depuis 2004, a fait l'objet de décisions du conseil d'administration SDIS de l'Ain du 26 février 2021 puis du président de ce conseil du 29 juin 2021 refusant de renouveler son engagement. Par un jugement du 27 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé l'arrêté du 29 juin 2021 et la décision du 27 août suivant portant rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, aux motifs d'une insuffisance de motivation de cet arrêté et de l'irrégularité de la procédure qui l'a précédé, et a enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de statuer à nouveau sur le renouvellement de l'engagement de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il a enfin rejeté le surplus des conclusions de sa requête, tendant à l'indemniser des préjudices subis. M. B... interjette appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Contrairement à ce que le SDIS de l'Ain fait valoir, la circonstance que par un nouvel arrêté du 3 juillet 2023, le président de son conseil d'administration a de nouveau décidé de refuser le renouvellement de l'engagement de sapeur-pompier volontaire de M. B... en exécution de l'injonction faite par le jugement attaqué de procéder au réexamen de cette demande, ne prive pas d'objet les conclusions principales d'appel.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
3. En premier lieu, il résulte du dispositif du jugement attaqué que le tribunal a annulé l'arrêté du président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain du 29 juin 2021 et la décision du 27 août 2021 portant rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté. Par suite, les conclusions présentées en appel par M. B... à l'encontre de ces deux décisions qui ont au surplus disparu de l'ordonnancement juridique à titre définitif dès lors que le SDIS de l'Ain n'a pas contesté le jugement sur ce point, sont irrecevables.
4. En second lieu, lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale. Toutefois, l'annulation d'une décision de non-renouvellement de l'engagement de sapeur-pompier volontaire n'est susceptible que de conduire l'administration à réexaminer la situation de l'agent.
5. En l'espèce, dès lors que le tribunal a enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de statuer à nouveau sur le renouvellement de l'engagement de M. B..., les conclusions de ce dernier présentées en première instance et réitérées en appel, tendant à enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS d'édicter un arrêté de renouvellement de son engagement à compter du 4 septembre 2021, de le réintégrer dans les effectifs du centre de secours, dans ses fonctions au sein d'une équipe et dans les conditions existant au moment de son éviction, de rétablir son ancienneté et les droits afférents et de reconstituer sa situation administrative, sont irrecevables.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
6. Lorsqu'un sapeur-pompier volontaire a fait l'objet d'une éviction illégale, il est en droit de demander à être indemnisé du préjudice résultant de la chance sérieuse qu'il a perdue, pour la période en cause, de bénéficier des vacations horaires mentionnées précédemment. Toutefois, si l'intervention d'une décision irrégulière peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.
7. Aux termes de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ". Aux termes de l'article L. 723-6 de ce code : " Le sapeur-pompier volontaire prend librement l'engagement de se mettre au service de la communauté. Il exerce les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels. Il contribue ainsi directement, en fonction de sa disponibilité, aux missions de sécurité civile de toute nature confiées aux services d'incendie et de secours ou aux services de l'Etat qui en sont investis à titre permanent mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 721-2. Il concourt aux objectifs fixés à l'article L. 112-1 ". Selon l'article L. 723-9 du même code : " L'activité de sapeur-pompier volontaire est à but non lucratif. Elle ouvre droit à des indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service. ". Aux termes de l'article R. 723-45 du même code : " Le maintien et le renouvellement de l'engagement sont subordonnés à la vérification selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité civile, des conditions d'aptitude physique et médicale de l'intéressé correspondant aux missions qui lui sont confiées et du respect de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire. ". Cette charte, qui figure à l'annexe 3 de ce code, prévoit que le sapeur-pompier volontaire s'engage notamment à avoir un comportement irréprochable lorsqu'il porte la tenue de sapeur-pompier. Par ailleurs, un sapeur-pompier volontaire, engagé pour une période de cinq ans en vertu de l'article R. 723-4 du code de la sécurité intérieure, ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son engagement et l'administration peut légalement décider, au terme de son engagement, de ne pas le renouveler pour un motif tiré de l'intérêt du service, qui s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne du sapeur-pompier volontaire.
8. Il résulte de l'instruction qu'en dépit d'une longue carrière de sapeur-pompier volontaire au sein de cette administration, de ses compétences professionnelles, de sa disponibilité et de sa motivation, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a décidé de ne pas renouveler l'engagement de M. B... au vu de ses écarts de comportement témoignant du non-respect de certaines des valeurs inscrites dans la charte nationale du sapeur-pompier volontaire et de la nécessité de préserver le bon fonctionnement du centre d'incendie et de secours. Si M. B... conteste le reproche qui lui est fait d'avoir adopté une attitude déstabilisatrice dans le cadre de son activité de sapeur-pompier volontaire du fait d'un comportement et de propos critiques voire offensants, à l'origine de tensions au sein du centre d'incendie et de secours, les constatations du rapport de l'enquête administrative du mois de février 2021, qui ne sont pas utilement combattues par la production d'attestations de collègues dont tous n'appartiennent pas au centre d'incendie et de secours, ni par les documents relatifs aux remerciements et félicitations adressés au vu de ses états de service, établissent que le comportement de M. B... a porté atteinte au fonctionnement du service. Il résulte également de l'instruction que le comité de centre a émis le 26 février 2021, à l'unanimité, un avis défavorable au renouvellement de son engagement. Par suite, en se fondant sur le comportement et les difficultés relationnelles de l'intéressé ainsi mises en évidence tant avec certains de ses supérieurs hiérarchiques qu'avec des agents du service, l'administration n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 723-45 du code de la sécurité intérieure, ni d'une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, l'irrégularité retenue ayant justifié l'annulation des décisions obtenue en première instance, notamment le caractère incomplet de son dossier individuel, n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'administration et est par ailleurs sans lien avec les préjudices financier et moral dont M. B... se prévaut.
9. Les conclusions indemnitaires de la requête doivent ainsi être rejetées, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée dont l'utilité dans le cadre d'une procédure non disciplinaire comme en l'espèce n'est pas établie. Par ailleurs, le SDIS fait valoir sans être contesté qu'à la suite du jugement critiqué, le dossier individuel de M. B... a été mis à jour, comporte l'intégralité des pièces fondant l'arrêté de non-renouvellement de son engagement de sapeur-pompier volontaire, notamment l'enquête administrative et l'ensemble des témoignages recueillis, et que celui-ci ne l'a pas consulté en dépit de l'invitation qui lui a été faite en ce sens le 3 avril 2024.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de l'Ain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions présentées par le SDIS à l'encontre de M. B....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de l'Ain en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY01511