Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2304693 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Fréry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-6 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjours sur le fondement de ces dispositions ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations dans le cadre de la présente instance.
Par ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2024.
Mme A... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Tronquet, substituant Me Fréry, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse B..., ressortissante sénégalaise née le 13 décembre 1992 à Dakar (Sénégal), est entrée régulièrement sur le territoire français le 13 novembre 2018, munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valable du 26 juillet 2018 au 26 juillet 2019, en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Ce titre de séjour a été renouvelé pour la période du 26 septembre 2019 au 25 juillet 2021. Le 20 août 2021, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, en invoquant sa vie privée et familiale en France. Par un arrêté du 24 novembre 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2022 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée par laquelle le préfet a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., qui mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui indique les motifs du refus de séjour opposé sur chacun des fondements examinés, d'une part les dispositions de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'autre part celles de l'article L. 423-23 du même code, permettant à l'intéressée d'en discuter utilement, et qui fait référence de manière précise et circonstanciée à la situation personnelle de la requérante, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le préfet du Rhône, qui a pris en considération notamment l'entrée régulière de Mme A..., l'ancienneté de son mariage et la régularité de son séjour en France jusqu'en juillet 2021, contrairement à ce qu'elle soutient, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. / La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7. / Elle peut être retirée en raison de la rupture de la vie commune dans un délai maximal de quatre années à compter de la célébration du mariage. / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a épousé M. B..., ressortissant de nationalité française, à Dakar le 19 août 2015. Elle est entrée en France le 13 novembre 2018 et a bénéficié d'un titre de séjour valable jusqu'au 25 juillet 2021. M. B... a fait parvenir à la préfecture copie de l'assignation en divorce datée du 2 septembre 2020 qu'il a adressée à Mme A.... Par une ordonnance de non conciliation du 12 juillet 2021, notifiée à l'intéressée le 14 septembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon a autorisé les époux à introduire une instance en divorce et a attribué la jouissance du domicile conjugal à M. B..., en accordant un délai de six mois à Mme A... pour quitter le logement. Il résulte de ces éléments que la communauté de vie des époux avait cessé à la date de la décision attaquée. Dès lors, le préfet a pu légalement refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour ce motif.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".
7. Mme A... est entrée en France le 13 novembre 2018, soit depuis quatre années à la date de la décision attaquée. Elle a bénéficié de titres de séjour l'autorisant à résider régulièrement en France jusqu'au mois de juillet 2021 uniquement en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, qualité dont elle ne disposait plus à la date de la décision en litige, et dont elle ne s'est d'ailleurs pas prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour, une procédure de divorce ayant été engagée par son époux. Les documents qu'elle produit, des certificats de travail, à temps partiel, pour les mois de février à octobre 2022 en qualité d'agente d'entretien, des bulletins de salaire pour les mois de septembre et octobre 2021 puis de janvier à octobre 2022, des attestations de suivi d'une formation débutée en octobre 2022 dans le secteur de la restauration, ne sont pas suffisants pour caractériser une intégration professionnelle particulière en France. La promesse d'embauche en qualité de cuisinière à temps plein au sein d'un hôtel à Lyon produite est postérieure à la décision attaquée. Séparée de fait de son époux et sans charge de famille en France, Mme A... ne justifie d'aucun lien familial sur le territoire français. Elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans au Sénégal, où vivent encore son père, quatre frères et une sœur d'après ses déclarations. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés.
8. En cinquième lieu, les circonstances dont fait état Mme A..., tirées de sa présence en France de manière régulière durant trois années, de son insertion professionnelle, de son engagement associatif et de ses efforts d'intégration, ne sont pas suffisantes pour établir que le préfet du Rhône aurait entaché la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ".
10. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône, après avoir constaté en particulier que Mme A... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de la requérante avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
12. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, même en tenant compte des conséquences spécifiques de cette mesure, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8 du présent arrêt, Mme A... ne faisant valoir aucune circonstance particulière distincte à l'encontre de la décision d'éloignement.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision et soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.
14. En second lieu, en se bornant à faire état de ses craintes de réprobation sociale en cas de retour dans son pays d'origine, sans assortir ses allégations d'aucun élément de nature à les étayer, Mme A... n'établit pas que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A....
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'avocate de Mme A... demande sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
Mme Claire Burnichon, première conseillère,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025
La rapporteure,
G. C...La présidente,
A.-G. Mauclair
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY00176 2